Quatorze projets potentiellement révolutionnaires pour l’exploration planétaire viennent d’être sélectionnés et dévoilés par la Nasa. Parmi eux : un engin pouvant à la fois voler et naviguer sur Titan, la plus grosse lune de Saturne où les conditions pourraient être favorables à l’apparition de la vie.
Pour préparer l’exploration spatiale du futur et développer des technologies d’avant-garde, la Nasa finance depuis une douzaine d’années des programmes de recherche extrêmement innovants, à la limite de la science-fiction et des possibilités technologiques actuelles : les « Nasa Innovative Advanced Concepts » (NIAC). L’idée est de repérer et sélectionner une série de projets menés par des entreprises ou des organismes de recherche américains, qui pourraient, s’ils sont réalisables, marquer une rupture dans les objectifs ou la mise en oeuvre des missions spatiales.
Ils sont d’abord financés, pour une durée de neuf mois, à hauteur de 175.000 dollars, afin de formaliser des études de concept. Ceux qui passent cette première étape bénéficient ensuite d’une nouvelle subvention pouvant atteindre 600.000 dollars sur une période de deux ans, pour élaborer un programme de développement plus concret. Les finalistes bénéficient enfin de deux années de travaux et de tests supplémentaires, associées à une enveloppe de deux millions de dollars. Lorsqu’elles arrivent à terme, ces études pionnières se déroulent ainsi sur près de cinq ans.
Rendre possible l’impossible
La cuvée 2023 n’échappe pas à la règle. Dévoilée le 9 janvier 2023, elle comporte 14 propositions des plus audacieuses, comme un hydravion explorant différents sites géologiques sur Titan, la plus grosse lune de Saturne, un gazoduc transportant de l’oxygène sur la Lune, ou encore une source d’énergie beaucoup plus compacte et efficace pour les voyages spatiaux. « La Nasa ose rendre possible l’impossible. Et cela ne peut être réalisée que grâce aux penseurs et innovateurs qui nous aident à imaginer et préparer le futur de l’exploration spatiale, a déclaré l’administrateur de la Nasa Bill Nelson à cette occasion. Le programme du NIAC fournit à ces scientifiques et ingénieurs visionnaires les outils et soutiens dont ils ont besoin pour faire éclore les technologies des missions à venir de la Nasa. »
Etudier le cycle de la chimie organique sur Titan
Baptisé TitanAir, le projet de « bateau-volant » est porté par la société Planet Enterprises basée à Washington. Le concept d’hydravion à coque qu’elle développe permettait à la fois de voler dans l’atmosphère épaisse de Titan et de naviguer sur les zones lacustres de cette lune de Saturne, seul astre du Système solaire à posséder des lacs et des mers en surface même si ces derniers ne sont pas composés d’eau mais d’hydrocarbures (méthane et éthane). L’engin serait équipé de nombreux instruments scientifiques et réaliserait chaque jour des missions d’exploration pouvant durer plusieurs heures. En analysant des échantillons lacustres et atmosphériques, il étudierait ainsi le cycle de la chimie organique sur Titan, qui selon certains exobiologistes pourrait réunir les conditions nécessaires à l’apparition de la vie.
Des pipelines lunaires en aluminium
Alors que la Lune est redevenue une destination en vogue pour les agences spatiales internationales et que les Etats-Unis, l’Europe ou la Chine envisagent d’y construire des bases habitées, la société Lunar Ressources, située à Huntsville dans l’Alabama, imagine pour sa part des gazoducs permettant d’acheminer de l’oxygène vers ces stations permanentes… Mais aussi des rovers pilotés par des astronautes ou encore des fusées ! L’oxygène serait extrait des molécules d’eau présentes au niveau du pôle Sud de l’astre sélène dans le régolithe. Il serait transporté ensuite, sous forme gazeuse, dans des réseaux de pipelines en aluminium d’au moins cinq kilomètres de long, avec un flux d’environ deux kilogrammes d’oxygène par heure.
Vue d’artiste d’un pipeline transportant de l’oxygène sur la Lune. Des sources d’énergie 1000 fois moins volumineuses
Citons enfin le projet proposé par l’Institut de technologie de Rochester dans l’Etat de New-York. Il vise à révolutionner la technologie des » générateurs thermonucléaires à radioisotopes » (RTG) qui alimentent depuis les années 1960 de nombreuses sondes spatiales de la Nasa comme les vaisseaux Pionner, Voyager, Cassini ou New Horizons, les atterrisseurs Viking ou encore les rovers martiens Curiosity et Perseverance. Composés notamment d’indium, d’arsenic et d’antimoine, les nouveaux générateurs pourraient être dix fois plus puissants (30 watts/kg) que leurs prédécesseurs car beaucoup plus compacts. Leur volume ne serait en effet que de 0,2 litre contre plus de 200 litres actuellement. Ces générateurs seraient extrêmement précieux pour alimenter des nanosatellites (CubeSat) d’exploration pour les planètes lointaines telle Uranus ou des zones ombragées en permanence comme certains cratères de la Lune.
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