Laurent-Désiré Kabila, mort dans le Palais de marbre

Democratic Republic of Congo (DRC) leader Laurent Kabila looks up 14 August 2000 at the Mulungushi conference centre in Lusaka, during the opening of the Heads of State peace summit, aimed at removing hurdles to implementing a 1999 ceasefire accord in the DRC. / AFP / YOAV LEMMER

C’était il y a tout juste vingt-deux ans. Ce mardi 16 janvier 2001 devait être une journée comme les autres. Mais, à 14 heures, un soldat pénètre dans le bureau du président, et le destin de la RDC bascule. Francis Kpatindé en fit le récit haletant dans JA.

Mardi 16 janvier [2001], aux environs de 13 heures. Laurent-Désiré Kabila travaille dans son bureau, au Palais de marbre, sur les hauteurs de Kinshasa. Dans la matinée, il a accordé quelques audiences. À l’heure du déjeuner, il reçoit son conseiller économique, Mota, qui doit l’accompagner le lendemain à Yaoundé, où le président prévoit de retrouver ses pairs africains et français pour le XXIe sommet Afrique-France. […]

Devant la porte du bureau, quelques militaires devisent tranquillement avec un fonctionnaire du protocole. Peu avant 14 heures, un jeune soldat de la garde – selon nos informations, un caporal du nom de Rachidi – demande à aller « présenter ses civilités » au président. Ailleurs, pareille chose est peut-être impensable. Ici, comme dans beaucoup de pays d’Afrique, n’importe quel quidam peut pénétrer dans le bureau présidentiel, pour peu qu’il compte des amis ou des parents au sein de la garde ou du protocole.

Dans le saint des saints
« C’était un vrai foutoir autour de Kabila, raconte l’opposant Jean-Claude Vuemba. On y entre et on en sort comme on veut. Les conseillers, les ministres, voire de simples plantons, entrent à leur guise, interrompent de manière tonitruante les audiences pour faire parapher des documents, pour annoncer un autre visiteur ou, simplement, pour saluer le maître des lieux. »

Des soldats en faction laissent donc Rachidi, un kadogo, un simple soldat de base, pénétrer dans le saint des saints. Il se dirige calmement vers Kabila, dégaine son arme et lui tire dessus. Le chef de l’État s’écroule, atteint au cou et au bas-ventre. Mota se met à hurler pour rameuter la garde. L’aide de camp (qui est, en même temps, le chef d’état-major particulier du président), le colonel Eddy Kapend, et quelques soldats font irruption.

Ils découvrent le président allongé par terre, « en plein délire » et se vidant de son sang. À ses côtés, accroupi, le conseiller essaie de le soulager par un massage. Rachidi tente de s’enfuir. Il est aussitôt abattu par la garde. Selon une indiscrétion, ce jeune soldat semble avoir mal vécu l’exécution pour « indiscipline », quelques jours plus tôt, de l’un de ses meilleurs amis, kadogo comme lui. « C’est un soldat originaire du Kivu [flanc oriental du pays, occupé par les troupes rwandaises et ougandaises] qui a tiré sur le président », explique le ministre de la Communication, Dominique Sakombi.

Une mort « sûre à 101 % »
Dans une atmosphère de panique générale, les militaires font venir un hélicoptère de l’aéroport de Ndjili pour transporter le blessé à la clinique Ngaliema. Pendant ce temps, au palais, les politiques essaient de reprendre la situation en main. […]

Les nouvelles qui parviennent de la clinique sont contradictoires. Selon la rumeur, qui court les rues désertées de la capitale, le président serait mort. Pour sa part, Sakombi indique qu’il a été blessé mais reste en vie. […] La première indication « sérieuse » de la mort du Mzee viendra d’une capitale ennemie, Kampala. Les services secrets de Museveni, l’ancien parrain de Kabila, annoncent aux agences de presse, dans l’après-midi même, sa mort « sûre à 101% ». Apprenant la nouvelle, le président zimbabwéen, Robert Mugabe, quitte précipitamment le sommet Afrique-France et rentre au pays. Pendant ce temps, les Kinois semblent avoir refermé la parenthèse Kabila Ier, qu’ils surnomment déjà « le mort-vivant » ou « le président-fantôme ».

Minute de silence
À Yaoundé, surprise ! Dans la matinée du 18, et sans attendre le feu vert de Kinshasa, le président togolais Gnassingbé Eyadéma demande une minute de silence à la mémoire de son « frère et ami Kabila ». Comme un seul bloc, toutes les délégations se lèvent, y compris celle de la RDC. La confirmation officielle interviendra quelques heures plus tard par la voix de l’inénarrable Sakombi, ex-chantre du mobutisme rallié à Kabila : « Le Congo est en deuil, et le Gouvernement de salut public a la profonde douleur et le douloureux devoir d’annoncer la mort du président Laurent-Désiré Kabila, ce jeudi 18 janvier à 10 heures. »

JEUNEAFRIQUE

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