L’ONU a exigé lundi la libération « immédiate et inconditionnelle » d’une cinquantaine de femmes enlevées la semaine dernière au Burkina Faso, alors que des recherches sont en cours pour retrouver les victimes de ce kidnapping d’une ampleur inédite dans ce pays miné par les violences jihadistes.
Ces femmes ont été enlevées jeudi et vendredi par « des groupes armés terroristes » dans deux localités au nord et à l’ouest de la commune d’Arbinda (nord), a indiqué lundi le gouverneur de la région du Sahel, le lieutenant-colonel Rodolphe Sorgho.
« Dès leur disparition signalée, des recherches ont été entreprises en vue de retrouver l’ensemble de ces victimes innocentes, saines et sauves », a-t-il ajouté dans un communiqué.
« Tous les moyens sont mis en œuvre, sur le plan terrestre et aérien pour retrouver ces femmes », a précisé à l’AFP une source sécuritaire, assurant que « des aéronefs survolent la zone pour détecter tout mouvement suspect ».
Lundi, le Haut-Commissaire de l’ONU aux droits de l’Homme, Volker Türk a exigé « la libération immédiate et inconditionnelle de toutes les femmes enlevées », appelant les autorités burkinabè à « mener rapidement une enquête efficace, impartiale et indépendante pour identifier les responsables et leur demander de rendre des comptes ».
La France a de son côté condamné l’enlèvement de ces femmes « avec la plus grande fermeté », et appelé « à leur libération immédiate », tout en réaffirmant « sa solidarité ainsi que son engagement aux côtés du Burkina Faso ».
Selon le témoignage de plusieurs habitants et de responsables locaux souhaitant rester anonymes, un premier groupe d’une quarantaine de femmes a été enlevé jeudi et un autre d’une vingtaine le lendemain.
Certaines ont pu s’échapper et regagner leur village pour témoigner, une cinquantaine ne sont pas revenues.
« Alors qu’elles étaient sorties à la recherche de fruits sauvages, ces épouses, mères et filles ont été injustement prises à partie par des hommes armés », a indiqué M. Sorgho.
– « Nouvelle donne » –
Arbinda et ses environs sont régulièrement le théâtre d’attaques jihadistes meurtrières (80 morts en août 2021, 42 fin 2019). Mais des enlèvements d’une telle ampleur, en particulier visant des femmes, constituent une nouveauté au Burkina, selon plusieurs observateurs.
« C’est le premier enlèvement massif depuis le début de la crise sécuritaire et il faudra bien gérer cette situation pour éviter tout drame ou une récidive », a déclaré un officier supérieur, proche de l’état-major.
« C’est la première fois qu’on voit un enlèvement de plusieurs dizaines de femmes. On avait enregistré des cas isolés, mais aujourd’hui c’est comme s’il y avait une nouvelle donne dans l’insécurité », abonde Daouda Diallo, secrétaire général du Collectif contre l’impunité et la stigmatisation des communautés, une association de défense des droits de l’Homme.
Arbinda se situe dans la région du Sahel, une zone sous blocus de groupes jihadistes, difficilement ravitaillée en vivres.
Près d’un million de personnes vivent actuellement dans des zones sous blocus, dans le nord ou l’est du pays, selon l’ONU.
« Avant, les femmes étaient épargnées. Ce sont les hommes qui étaient traqués. Si on enlève maintenant ces femmes qui pouvaient sortir pour rapporter quelque chose à manger, que va-t-il se passer ? C’est la mort assurée pour tout le monde car c’est la famine en ce moment. On n’a rien à manger », a expliqué un habitant d’Arbinda, joint lundi par l’AFP.
« Depuis que l’information de l’enlèvement s’est propagée, personne n’ose s’aventurer hors de la ville. Si ce ne sont pas les terroristes, c’est la faim qui va nous tuer », ajoute un autre résident.
Au Nigeria, en 2014, le groupe jihadiste Boko Haram avait enlevé près de 300 adolescentes à Chibok (nord-est), suscitant une émotion mondiale avec le slogan « Bring Back Our Girls » (« Ramenez-nous nos filles »), relayé à l’époque jusqu’à la Maison Blanche. Plus de cent sont toujours portées disparues.
Le Burkina Faso, en particulier dans sa moitié nord, est confronté depuis 2015 aux attaques de groupes jihadistes liés à Al-Qaïda et à l’Etat islamique. Elles ont fait des milliers de morts et au moins deux millions de déplacés.
Le capitaine Ibrahim Traoré, président de transition issu d’un coup d’Etat militaire, s’est donné pour objectif « la reconquête du territoire occupé par ces hordes de terroristes ».
france24