La police italienne a découvert dans la nuit de lundi à mardi le petit immeuble anonyme d’une bourgade de Sicile où se cachait Matteo Messina Denaro, arrêté lundi à Palerme au bout de 30 ans de cavale. Retour sur la carrière du parrain mafieux le plus recherché d’Italie, mais aussi d’un tueur cruel à la tête d’un important réseau financier.
La cache de Matteo Messina Denaro, 60 ans, se trouvait à Campobello di Mazara, une petite ville de 10.000 habitants non loin de son fief de Castelvetrano dans la province de Trapani, où il est né et a fait ses premières armes.
Les forces de l’ordre ont perquisitionné le petit immeuble résidentiel de deux étages peint en jaune et l’appartement où le parrain aurait longuement séjourné a été mis sous scellés. A l’intérieur, les enquêteurs n’ont trouvé aucune arme, mais des parfums et des vêtements de luxe. L’immeuble est placé sous la surveillance permanente des forces de l’ordre qui empêchent quiconque d’approcher.
Interpellé sous les applaudissements
Matteo Messina Denaro a été transporté lundi soir à bord d’un hélicoptère militaire dans les Abruzzes, région située à l’est de Rome donnant sur la mer Adriatique, où selon les médias, il doit être incarcéré dans une prison de haute sécurité, probablement dans la ville de L’Aquila.
Il a été arrêté lundi matin en marge d’une visite médicale à la clinique La Maddalena à Palerme, un établissement renommé où il était soigné depuis un an pour un cancer du côlon sous un nom d’emprunt, Andrea Bonafede. Un pseudonyme un brin ironique, note BFMTV, puisqu’il rappelle l’expression latine “bona fide”, soit “bonne foi”. Il était très bien habillé et portait une montre de luxe valant entre 30 et 35.000 euros. Matteo Messina Denaro a tenté d’échapper à la police, mais a vite renoncé, étant encerclé. Il a finalement été menotté sans opposer de résistance, sous les applaudissements des autres patients.
“J’ai rempli un cimetière à moi tout seul”
Sur la liste dressée par le ministère de l’Intérieur des six criminels les plus recherchés en Italie, Matteo Messina Denaro, né en avril 1962, occupait la première place. Il avait été condamné par contumace en 2000 à la réclusion criminelle à perpétuité pour meurtres, et en 2020 pour l’attentat contre le juge anti-mafia Giovanni Falcone, assassiné sur ordre de Cosa Nostra en 1992.
En 1993, il est à l’origine de plusieurs attentats en Italie et organise l’enlèvement de Giuseppe Di Matteo, fils de Santino Di Matteo, un mafieux repenti qui collabore avec la justice italienne et que l’on veut faire taire. L’adolescent sera finalement assassiné par étranglement trois ans plus tard et son corps dissous dans l’acide nitrique.
Denaro est l’une des dernières grandes figures de Cosa Nostra, largement décimée par les opérations incessantes de l’État après l’assassinat des juges Giovanni Falcone et Paolo Borsellino. Selon le FBI, il s’agit aussi de l’un des plus gros trafiquants de drogue au monde. Véritable homme d’affaires, il était également actif dans la vente d’armes, la gestion des déchets, l’éolien et le commerce de détail.
Il aurait commis pas moins de 50 meurtres
Le mafieux aurait commis pas moins de 50 meurtres avant ses trente ans, son premier à seulement 18 ans. “J’ai rempli un cimetière à moi tout seul”, se serait-il ainsi vanté. Surnommé “Diabolik” en référence à une bande dessinée qu’il affectionne ou “U Siccu”, “Le Sec”, à cause de sa silhouette, Matteo Messina Denaro a repris le flambeau des grands dirigeants historiques de Cosa Nostra, Toto Riina et Bernardo Provenzano, morts en prison respectivement en 2017 et 2016. Il est lui-même le fils d’un cadre de la mafia sicilienne.
Matteo Messina Denaro a réussi à échapper à la police pendant trente longues années, les forces de l’ordre arrêtant ses collaborateurs, ses proches – et même sa sœur – pour l’isoler. Ses biens ont également été saisis.
On l’aurait aperçu lors d’une réunion avec d’autres mafieux lors d’un match de foot au stade de Palerme en 2010. Il possédait une maison à Baden en Allemagne, révèle une radio italienne en 2015, et aurait effectué des voyages en Espagne, au Royaume-Uni et en Amérique du Sud.
En septembre 2021, la police croit mettre la main sur lui dans un restaurant de La Haye aux Pays-Bas. L’opération est musclée et se fait devant les clients du restaurant. Sauf qu’il s’agit d’une erreur. Le quinquagénaire de Liverpool arrêté à tort ne sera relâché que quelques jours plus tard. On pense alors qu’il a eu recours à la chirurgie esthétique et qu’il aurait fait effacer ses empreintes digitales. Des portraits-robots où le mafieux apparaît vieilli ou travesti en femme sont réalisés. Mais l’homme demeure introuvable, communiquant avec ses collaborateurs au moyen de “pizzini”, de petits papiers griffonnés qui mettent parfois plusieurs mois à arriver à leur destinataire, par le truchement de coursiers dignes de confiance.
Durant sa cavale, il “a bénéficié de protections importantes et l’enquête se concentre sur ces protections”, a souligné lundi soir le chef du parquet de Palerme Maurizio De Lucia lors d’une conférence presse. L’enquête devra déterminer si “le dernier parrain du clan Corleone” – clan rendu célèbre au cinéma par “Le Parrain” – est resté sur l’île pendant toute sa cavale ou s’il a également séjourné à l’étranger. Selon son biographe, il se cachait en réalité toujours à Palerme, où il se baladait en voiture de sport avec sa maîtresse du moment, lunettes noires Ray-Ban vissées sur le nez.
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