Seulement quelques mois après la mise en service du télescope James-Webb, au printemps 2022, la Nasa a dévoilé de premières informations sur le successeur du successeur de JWST. Ce sera l’Habitable Worlds Observatory, un télescope qui répond à plusieurs des recommandations du Conseil national de la recherche américain dans son dernier rapport décennal, l’Astronomy and Astrophysics Decadal Survey 2020, qui identifie les priorités dans le domaine de l’astronomie et de l’astrophysique pour la prochaine décennie.
Cet observatoire de grande taille sera doté d’un miroir de six à huit mètres pour voir dans le visible, l’ultraviolet et l’infrarouge, et capable de découvrir des exoplanètes habitables et des signes de la vie sur celles-ci – sur au moins 25 semblables à la Terre à proximité, le minimum nécessaire pour confirmer statistiquement si la vie est commune dans la galaxie. Techniquement, le télescope de cet observatoire devra être d’une très grande stabilité, sans commune mesure avec le télescope James-Webb (JWST).
L’héritage du James-Webb et du Roman Space Telescope
Sans surprise, la Nasa ne veut pas que la construction de ce futur observatoire se déroule comme celle du JWST qui a pulvérisé les délais et son budget initial, pour finalement s’établir à quelque 10 milliards de dollars avec à la clé des répercussions sur plusieurs programmes. Cela dit, on s’attend à ce que le développement d’Habitable Worlds Observatory (HWO) soit bien mieux maîtrisé que celui du JWST car il partira sur des bases technologiques beaucoup plus solides que celles du JWST en capitalisant sur le miroir segmenté pionnier du JWST, ainsi que sur le puissant coronographe qui volera sur le Roman Space Telescope. Le développement de cet observatoire tirera également parti des études de conception de plusieurs grands observatoires spatiaux comme Luvoir ou Habex par exemple, dont il reprendra certaines caractéristiques.
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Techniquement, plusieurs points durs sont d’ores et déjà identifiés, comme la stabilité de son miroir segmenté dont l’alignement devra être d’une précision d’un picomètre, soit une précision d’un millième de milliardième de mètre – par rapport aux milliardièmes de mètre pour le JWST.
Quant à son coronographe, il devra également être plus performant que celui du Roman Space Telescope avec le pouvoir de bloquer la lumière d’une étoile 10 milliards de fois plus brillante qu’une planète, contre une capacité de bloquer la lumière d’étoiles « seulement » 100 millions de fois plus brillantes que leur planète pour le Roman Space Telescope. Ces performances impressionnantes sont la condition sine qua non pour détecter des signes de vie sur des planètes similaires à la Terre.
Cet observatoire sera installé au point L2, où se trouve actuellement le JWST. Mais contrairement à son voisin, il est prévu plusieurs missions de service et d’entretien à destination d’Habitable Worlds Observatory, ce qui pourrait lui permettre de fonctionner pendant plusieurs décennies et s’améliorer au fil de ces missions. Comme un télescope terrestre, les miroirs et la structure resteront inchangés tandis que les instruments seront remplacés par d’autres, plus performants ou différents. L’autre intérêt de ces missions, c’est qu’elles offrent une certaine flexibilité dans le sens où la Nasa ne sera pas nécessairement contrainte d’atteindre tous les objectifs scientifiques lors de la mission initiale, ce qui pourrait réduire les coûts du programme.
Des missions d’entretien et de service pour prolonger sa durée de vie
Pour comprendre ce choix qui apporte tout de même des contraintes dans l’architecture de l’observatoire, la Nasa l’explique par la longévité exceptionnelle du télescope spatial Hubble qui a d’abord été sauvé puis doté de nouveaux instruments lors de cinq missions de service habitées – la dernière en 2009. Une sixième mission est même envisagée et pourrait être réalisée par SpaceX dans le cadre du programme Polaris. Si la Nasa n’envisage pas à ce stade une mission habitée à destination d’HWO, il ne fait guère de doute que d’ici deux décennies des entreprises seront en mesure de réaliser des missions robotiques d’entretien au point L2 qui, rappelons-le se situe à 1,5 million de kilomètres de la Terre.
Enfin, le travail des ingénieurs qui dessineront ce futur observatoire sera facilité par les futurs lanceurs attendus en 2040 qui seront capables de lancer des satellites bien plus grands et larges que ce que peuvent faire ceux en service aujourd’hui. Cette approche devrait permettre de réduire significativement les contraintes en matière de tailles et de masse imposées à HWO et d’envisager un miroir monolithique de six à huit mètres. Ces deux contraintes sont une des raisons qui expliquent les retards de développement et les surcoûts du programme JWST : son miroir et son bouclier solaire devaient être logés dans la coiffe d’Ariane 5 qui offrait un volume utile de seulement 4,5 mètres de large ! D’où ce miroir segmenté avec plus de 300 points de défaillance potentiels lors de sa mise en service.
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