Un jeudi de grèves, de manifestations et de « galère » pour les usagers : à deux jours du coup d’envoi de la mobilisation contre la réforme des retraites en France, le voile s’est levé, mardi, sur l’ampleur des perturbations attendues dans plusieurs secteurs-clés, en premier lieu les transports et l’éducation.
Une forte mobilisation attendue dans les écoles
« École fermée le 19 janvier » : à Marseille comme ailleurs, des pancartes ont commencé à apparaître sur les portails. « Toute l’équipe enseignante sera en grève », précise l’une d’elles.
Preuve que la réforme des retraites, qui vise à relever l’âge légal de départ à 64 ans, « est une préoccupation majeure » pour les enseignants, selon Guislaine David, secrétaire générale du Snuipp-FSU, premier syndicat du primaire. Environ 70 % de grévistes sont attendus dans les écoles maternelles et élémentaires.
La colère des profs, aiguisée par l’ouverture, mercredi, des négociations sur les revalorisations salariales dans l’Éducation, ne devrait pas épargner non plus collèges et lycées. Des blocages d’établissements par des lycéens sont également à prévoir.
Trafic très perturbé à la SNCF et à la RATP
La grève de jeudi, première journée de mobilisation contre la réforme des retraites, sera très suivie dans les transports avec quasiment aucun train régional, très peu de TGV et un métro tournant au ralenti à Paris.
Sur les lignes TGV, on ne comptera qu’entre 1 train sur 3 et 1 train sur 5 en fonction des axes. L’axe Atlantique est le plus touché avec 1 train sur 5 en circulation seulement. SNCF Voyageurs prévoit aussi 1 train sur 3 sur l’axe Nord, le Sud-Est et pour ses Ouigo et 1 train sur 4 sur l’axe Est.
Mais c’est surtout le trafic régional qui sera quasiment arrêté, avec seulement 1 TER sur 10 en moyenne et une fréquence à peu près identique pour les lignes Transilien et certains RER.
Seul le RER A (géré par la RATP) tire son épingle du jeu avec 1 train sur 2 aux heures de pointe et 1 sur 4 en heures creuses, un rythme à peu près similaire à celui du RER B (1 train sur 2 ou 3). En revanche, les RER C, D et E ne verront qu’1 train sur 10 circuler. Même chose pour les lignes de Transilien J, K, L, N et P. La circulation sera carrément interrompue sur la R.
À Paris, trois lignes de métro seront totalement fermées (8, 10 et 11) et dix autres ne fonctionneront que partiellement, aux heures de pointe ou sur certains tronçons. Seules les lignes 1 et 14, entièrement automatisées, fonctionneront normalement, avec « risque de saturation », prévient la RATP.
Les perturbations s’annoncent moins importantes que pour la dernière grève du 10 novembre, lors de laquelle sept lignes de métro avaient dû être totalement fermées.
Les Intercités seront eux totalement interrompus, à l’exception d’un aller-retour Paris-Clermont.
Un vol sur cinq annulé à l’aéroport d’Orly
La Direction générale de l’Aviation civile (DGAC) a demandé aux compagnies aériennes d’annuler préventivement un vol sur cinq à Orly, en raison d’une grève de contrôleurs aériens dans le cadre de la journée de mobilisation contre la réforme des retraites.
« Les compagnies aériennes doivent réduire de 20 % leur programme de vols initialement prévus à l’aéroport de Paris-Orly de 5 h à 22 h 30 le 19 janvier », selon une « notice pour les missions aériennes » (NOTAM) publiée mardi par la DGAC.
Celle-ci, dans un communiqué diffusé dans la foulée, a souligné qu' »un préavis de grève national interprofessionnel dans l’ensemble de la fonction publique et le secteur privé a été déposé par plusieurs organisations syndicales pour la journée du jeudi 19 janvier 2023, en France métropolitaine et Outre-mer. Ce préavis a été relayé par plusieurs syndicats représentatifs des contrôleurs aériens ».
Les vols vers l’Outre-mer, nombreux au départ d’Orly, ne sont pas concernés par les annulations, au nom de la continuité territoriale.
Selon le gestionnaire d’Orly, le Groupe ADP, la plateforme aéroportuaire accueillait le mois dernier quelque 530 vols en moyenne par jour au départ ou à l’arrivée. Un peu plus de 100 vols seraient donc annulés jeudi.
La DGAC ajoute qu' »en dépit de ces mesures préventives, des perturbations et des retards sont néanmoins à prévoir ».
Perturbations dans le secteur de l’énergie et des raffineries
Le scénario d’un mouvement reconductible se dessine dans le secteur de l’énergie où « des baisses de production d’électricité » sont à prévoir, a prévenu le leader de la FNME-CGT Sébastien Menesplier, évoquant de possibles « coupures » visant les élus « qui soutiennent la réforme ».
La CGT Mines-Énergie a présenté un « plan de bataille » pour obtenir le « retrait pur et simple » du projet du gouvernement. Ce plan prévoit une « reprise en main de l’outil de travail sous toutes ces formes » : « rétablissements de l’électricité et du gaz aux plus précaires, énergies gratuites, coupures ciblées, baisses de production »…
Le syndicat appelle à la grève reconductible à partir du 19 janvier, avec pour ambition de « vraiment désorganiser le travail ou peser sur l’économie » des entreprises, a dit Sébastien Menesplier.
La grève pourrait aussi avoir un impact sur le redémarrage de certains réacteurs nucléaires : « S’il y a des grèves, il n’y aura pas de redémarrage de réacteurs. S’il n’y a pas de redémarrage de réacteurs, il y aura peut être un manque de capacités de production. (…) On assumera pleinement comme on l’a fait cet automne. Et on attendra qu’on vienne nous chercher ».
Une montée en puissance se profile aussi dans les raffineries, avec des préavis de 24 heures jeudi, puis 48 heures la semaine prochaine et 72 heures début février. Au dépôt TotalEnergies de Dunkerque, « les salariés sont très remontés » contre la réforme, affirme le secrétaire CGT Benjamin Salvino qui table sur une activité presque à l’arrêt jeudi, mais sans conséquence immédiate dans les stations-services.
Des pénuries un peu plus nombreuses que d’ordinaire étaient toutefois observées en ce début de semaine, signe d’une possible peur de manquer chez certains automobilistes.
AFP