Sur un lit de l’hôpital général de référence d’Oicha, Eliza Semida veille sur son enfant âgé d’un an qui a été testé positif à la rougeole. Celui-ci est hospitalisé depuis une semaine. Eliza Semida vivait dans le village de Kengele, situé à 15 kilomètres d’Oicha, au Nord-Kivu. Son village a été attaqué par des rebelles et les habitants ont fui. Son enfant n’avait pas encore reçu le vaccin contre la rougeole, au neuvième mois de sa naissance, comme cela est prévu.
« Mon enfant est malade, affecté par la rougeole », raconte Eliza Semina au micro de la DW. « Il n’a pas encore eu ce vaccin suite à nos mouvements de tous les jours qui sont causés par l’insécurité dans la région. Nous fuyions chaque jour ! Quand je suis sortie de la maternité ici à Oicha, je suis immédiatement rentrée au village. Quelques temps après, nous avons été contraints de partir en raison de l’insécurité et cela dure jusqu’aujourd’hui. Avant, les infirmiers nous apportaient des vaccins. Mais cette situation d’insécurité a tout perturbé. Le personnel soignant ne vient plus. L’infirmier qui faisait notre suivi, celui qui nous apportait le vaccin, a été tué par des rebelles au village. »
Depuis le début de l’année, l’hôpital général d’Oicha a accueilli plus de 60 enfants testés positifs à la rougeole. Des centaines d’autres sont aussi passés par ce service entre septembre et décembre derniers.
Limiter la propagation de la maladie
Le pavillon de plus 50 lits isolés pour recevoir les enfants contaminés par la rougeole n’est plus en mesure d’accueillir tous les malades. Des lits sont donc disposés le long du couloir du pavillon et les visites extérieures sont interdites.
L’infirmière Marie Nguvi craint les conséquences de ce débordement : « Au sein de l’hôpital, nous avons des enfants de zéro à dix ans, nous avons aussi enregistré quelques cas de malades adultes. Mais ce que nous craignons, avec cette flambée de cas, c’est que la maladie telle que nous la voyons attaque tous les enfants et une fois que ça tombe sur un terrain qui a moins d’immunité, comme chez les enfants mal nourris, ça emporte directement l’enfant. Nous avons maintenant peur parce qu’à l’heure actuelle, le pavillon que nous avons choisi pour l’isolement de ces enfants est débordé et nous ne savons plus où mettre ceux qui nous arrivent. Ce qui fait qu’il y a quelques cas que nous avons mis en dehors de notre cadre d’isolement. »
Les responsables de la zone de santé d’Oicha disent attendre des lots de vaccins pour organiser une campagne afin de limiter la propagation de cette maladie virale. Les autorités sanitaires du pays et l’OMS sont déjà alertées.
Des agents de santé pris pour cible
A Oicha, le premier cas de rougeole a été détecté dans un site de déplacés. Ces trois dernières années, huit structures sanitaires de la région ont été attaquées et incendiées lors d’attaques conduites par des groupes rebelles. La conséquence est que les agents de santé ont limité leurs mouvements vers ces villages devenus inaccessibles en raison du danger.
Kule Kyusa, superviseur chargé des soins préventifs et de la surveillance épidémiologique en zone de santé d’Oicha, voit là une difficulté majeure dans la surveillance des maladies :
« La plupart des enfants sont insuffisamment vaccinés. Ils peuvent commencer, ils prennent une première dose mais à cause de l’insécurité, ils se déplacent. Ou alors, il y a ceux qui viennent de très loin, ceux-là n’ont jamais eu de vaccin. Il y a même des aires de santé où les activités ne sont pas opérationnelles. Les enfants sont là mais ils ne sont pas vaccinés. Une maladie peut se développer dans ces coins, nous ne serons pas informés, on va seulement le constater quand il y aura des cas de décès. Notre crainte est qu’aussi longtemps que l’insécurité sera là, on aura toujours des épidémies. »
Au Nord-Kivu, au moins cinq zones de santé sont touchées par cette épidémie de rougeole. La zone de santé d’Oicha est la plus impactée.
L’est de la République démocratique du Congo est minée par l’insécurité depuis plus de deux décennies. Des groupes armés sont accusés par les autorités congolaises d’être les auteurs d’attaques sur les civils qui ont fait des milliers morts et fait fuir des centaines de milliers de personnes.
DW