Les Aztèques n’avaient que 4 mois pour planter et récolter leurs champs de maïs. Ils tenaient donc un calendrier très précis pour l’agriculture, en suivant le lever du soleil sur la ligne dessinée par les montagnes situées à l’est de la vallée de Mexico.
Comme l’ont relaté les premiers chroniqueurs espagnols, les Aztèques (14-16e siècles de notre ère) vivant dans le bassin de Mexico, en Méso-Amérique, maintenaient un calendrier précis pour planifier les travaux agricoles et nourrir une population particulièrement dense. Ce calendrier, qui tenait compte des années bissextiles, était établi en suivant le lever du soleil sur les montagnes environnantes et en s’appuyant sur des structures sacrées servant de points de repère. C’est ce que viennent de démontrer des chercheurs de l’université de Californie à Riverside (États-Unis) dans une étude publiée dans la revue PNAS, qui révèle en particulier la fonction du mont Tlaloc, situé à l’est de la vallée.
Assurer les récoltes pour des millions de personnes grâce à un calendrier agricole
Avant l’arrivée des conquistadors en 1519, entre un et trois millions de personnes vivaient dans le bassin entourant la capitale Tenochtitlán, où se situe de nos jours la ville de Mexico. Leurs moyens de subsistance reposaient sur l’agriculture, un véritable défi à relever dans cette région tropicale régie par des moussons tombant surtout en été, de juin à septembre. Comme l’explique à Sciences et Avenir l’écologue Exequiel Ezcurra, auteur principal de l’étude, les paysans, ne disposant que d’une courte fenêtre de quatre mois pour planter et récolter, devaient donc déterminer très précisément le moment où il fallait commencer les plantations de maïs (milpa), au risque de tout perdre : « Le printemps est la période de l’année la plus sèche et, climatologiquement parlant, la plus risquée.
Il peut arriver qu’une pluie occasionnelle tombe hors saison, en mars, mais il est très probable qu’il n’y aura plus de pluie jusqu’à fin mai ou début juin, lorsque la mousson d’été commence. Un agriculteur qui ensemencerait son champ de maïs après un tel événement précoce aléatoire serait assuré d’une mauvaise récolte. » Pour savoir exactement quand la saison des pluies était véritablement engagée, les Aztèques devaient donc disposer d’un calendrier agricole annuel, car « la meilleure façon de faire la différence entre un faux signal climatique et le vrai début de la saison des pluies d’été est de tenir un calendrier précis ».
Le calendrier d’horizon nécessite de connaître la position du soleil à des dates particulières
Mais sans instrument d’observation, comment procédaient-ils pour établir ce calendrier et, surtout, le synchroniser avec la course du soleil afin de prendre en compte les années bissextiles ? Plusieurs textes anciens, rédigés par des chroniqueurs espagnols, mentionnent des festivités correspondant à des moments précis de l’année, soulignant que les Aztèques étaient conscients de la nécessité d’ajouter un jour supplémentaire tous les quatre ans pour rester en accord avec le cours des saisons. Mais d’autres chroniqueurs, et même des chercheurs modernes, ont remis en cause cette possibilité, car elle nécessite de connaître la position du soleil à des dates particulières, ce qui ne peut être réalisé qu’en marquant l’orientation du lever de l’astre par rapport à un repère géographique.
On sait que certains bâtiments majeurs de Tenochtitlán, comme le Templo Mayor, et plus largement l’architecture urbaine, étaient alignés avec le soleil levant ou couchant à certaines dates culturellement et rituellement importantes pour les Aztèques. Mais cet alignement ne suffit pas à établir un calendrier, car il ne suppose aucun point fixe à partir duquel se fait l’observation astronomique. Ce qui se produit alors, c’est une erreur de parallaxe, explicite Exequiel Ezcurra : « Cette conception architecturale n’aurait pas été le moyen le plus précis de mesurer la marche annuelle du temps en raison de l’erreur de parallaxe : de petits décalages dans la position de l’observateur par rapport à un bâtiment ou à une structure cérémonielle peuvent projeter de grandes erreurs dans l’horizon lointain. »
Plus au sud, on utilisait des tubes zénithaux pour observer le soleil
On a retrouvé plus au sud du bassin de Mexico, à Xochicalco et à Monte Albán, des « tubes zénithaux » dévolus à l’observation du soleil. Il s’agit de puits verticaux perforés dans la roche ou construits à l’intérieur de bâtiments cérémoniels, qui servaient à projeter la lumière du soleil sur une chambre d’observation souterraine. Mais point de trace de ces structures dans le bassin de Mexico, c’est pourquoi l’hypothèse du calendrier d’horizon semble la plus probable — d’autant qu’il était encore utilisé à la fin du 20e siècle dans de nombreux villages mexicains pour célébrer des cérémonies en lien avec l’agriculture.
Dans ce cas, le calendrier est établi en utilisant la position du soleil à son lever sur la ligne d’horizon formée par les montagnes entourant le bassin, qui servent donc de points de repère. Il faut alors observer le lever de l’astre depuis un point fixe afin de réduire au maximum l’erreur de parallaxe.
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