Adobe est formelle : non, elle ne pille pas vos créations pour entraîner ses IA

Un avant-goût d’un débat qui risque fort de resurgir à de nombreuses reprises.

Depuis que les générateurs d’images basés sur l’IA ont pris la toile d’assaut, les entreprises qui développent ou utilisent ces outils sont régulièrement critiquées par les artistes sur la question du droit d’auteur. Le PDG d’Adobe a tenu à remettre les points sur les i ; il affirme que son entreprise n’a jamais bafoué le droit d’auteur afin d’entraîner ses réseaux de neurones.

Pour produire ces résultats stupéfiants, les IA génératives doivent être entraînées au préalable. Cela implique de leur fournir des tas d’exemples qui serviront ensuite de socle pour ses futures productions.

Or, de plus en plus d’artistes s’indignent du fait qu’ils n’aient aucun moyen de savoir si les algorithmes ont ingurgité leurs œuvres. C’est un problème, car cela les prive aussi d’une compensation légitime pour cette contribution. En d’autres termes, ils accusent ces entreprises d’utiliser gratuitement leur travail pour développer des outils qui leur rapporteront énormément d’argent sans la moindre contrepartie.

Le paramètre de la discorde
Cette polémique a pris un nouveau tournant avec un tweet de la fondation Krita. C’est une organisation qui développe des logiciels de graphisme libres de droits. Elle se positionne donc comme un concurrent (toutes proportions gardées) libre de droits d’Adobe, qui développe plusieurs standards de l’industrie comme Photoshop, Lightroom, Illustrator, InDesign…

Krita est très attachée à la philosophie et aux valeurs de l’écosystème open source. La fondation a souvent moqué les pratiques commerciales d’Adobe, parfois à juste titre; on se souvient par exemple de l’imbroglio autour des couleurs Pantone (voir notre article).

Naturellement, elle ne s’est pas fait prier pour revenir à la charge au sujet de l’IA. La fondation a relayé une capture d’écran d’un paramètre bien caché de l’écosystème Adobe.

Il y est écrit noir sur blanc que la firme peut « analyser votre contenu à l’aide de techniques telles que le machine learning pour développer et améliorer ses produits ». Or, cette option discrète est activée par défaut, ce que de nombreux utilisateurs ignoraient.

Adobe dément formellement
Ce tweet a mis le feu aux poudres. Certains en ont déduit que la firme piochait allègrement dans les productions de ses clients pour entraîner ses algorithmes de machine learning aux frais de la princesse. Adobe a donc été forcée de réagir par l’intermédiaire de son PDG Scott Belsky.

« Nous n’avons jamais, jamais utilisé la moindre image stockée chez nous pour entraîner une IA générative », martèle-t-il dans les colonnes du journal économique Bloomberg. « Pas une seule fois », insiste-t-il avec fermeté. Pour lui, il s’agit d’une vaste erreur d’interprétation sur la portée de ce paramètre. Il explique que cette analyse sert à améliorer des fonctionnalités de ces programmes. C’est certainement une référence à des outils comme Adobe Sensei.

Il fait toutefois amende honorable et affirme avoir tiré les conclusions qui s’imposent. La firme va bientôt mettre cette option à jour et en clarifier les termes pour lever cette ambiguïté. « Nous allons déployer une nouvelle évolution de cette politique qui sera plus spécifique », indique-t-il.

Il explique aussi que si la firme envisage un jour d’utiliser du contenu de cette façon, elle prendra ses responsabilités. Le PDG certifie que les utilisateurs explicitement avertis. « Si nous proposons un jour aux gens de participer spécifiquement à l’entraînement d’une IA générative, nous devrons le dire ouvertement et expliquer comment nous l’utiliserons. Nous devrons être très vigilants sur cette question », a-t-il ajouté.

Un débat parti pour durer
Un effort de transparence bienvenu, mais qui ne suffira probablement pas à rassurer les sceptiques. Car d’un autre côté, la firme continue d’afficher clairement ses ambitions de rester aux avant-postes sur cette technologie d’avenir.

« Nous restons engagés, nous voulons aider à mener cette transition en implémentant l’IA générative dans nos outils de façon à aider les artistes et à ouvrir la création à un nouveau public, mais sans jamais remplacer l’imagination et le jugement humain », a-t-il indiqué dans un billet cité par The Verge.

S’agit-il donc d’un écran de fumée à base de points de vocabulaire obscurs ? En l’état, il n’y a absolument aucun élément concret qui permet d’affirmer qu’Adobe s’est livré à ces pratiques, contrairement à ce que sous-entend la fondation Krita. Mais ce qui est sûr, c’est que les IA génératives ne vont pas s’arrêter en si bon chemin. Elles vont continuer de coloniser le monde de l’art, qu’on le veuille ou non, et c’est la communauté qui sera forcée de s’y adapter.

Il va donc falloir s’habituer à ce genre de passes d’armes entre les auteurs de ces programmes et la communauté des artistes. Et surtout, il faudra discuter de cette question ô combien épineuse dans une ambiance saine et apaisée. Avec un peu de chance et de bonne volonté, cela permettra d’exploiter la puissance de ces programmes révolutionnaires sans bafouer les droits et la légitimité des artistes.

Bloomberg

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