Le président turc Recep Tayyip Erdogan a confirmé, dimanche, la date du 14 mai pour la tenue des élections présidentielle et législatives. Le scrutin était initialement prévu le 18 juin.
« Il ne s’agit pas d’élections anticipées (…) mais d’un ajustement pour tenir compte de (la date) des examens », a-t-il justifié alors que la date initiale du scrutin était prévue le 18 juin.
Un rendez-vous électoral crucial
D’une longévité politique exceptionnelle en Turquie et plus largement en Europe, Recep Tayyip Erdogan, d’abord Premier ministre depuis 2003, a modifié la Constitution afin de devenir en 2014 président, directement élu au suffrage universel et sera, à 69 ans (le mois prochain), candidat à sa propre succession.
Ce rendez-vous électoral sera crucial pour son avenir et pour celui du pays, en proie à une grave crise économique mais pièce maîtresse de l’échiquier géopolitique de la région : Ankara a proposé sa médiation entre l’Ukraine et la Russie, les deux belligérants à ses portes avec lesquels elle partage les rives de la mer Noire.
Recep Tayyip Erdogan avait déjà avancé cette semaine la date du 14 mai, jour anniversaire du triomphe électoral du Parti démocrate (conservateur) en 1950 : sans annoncer clairement le jour du scrutin, il avait indiqué mercredi qu’il se tiendrait « 73 ans » après cette victoire.
L’opposition, qui entend présenter un front uni des six principaux partis – moins le HDP (gauche démocratique pro-kurde), troisième force au Parlement – et surtout un candidat unique, doit annoncer le nom de celui-ci dans le courant du mois de février. La campagne électorale débutera donc 60 jours avant, soit le « 10 mars », a également indiqué le président.
L’AKP, l’instrument de son ascension
Le 14 mai 1950 marque la victoire d’Adnan Menderes, figure emblématique pour la droite conservatrice turque, qui a mis fin au règne du parti de Mustafa Kemal « Atatürk », père de la Turquie moderne.
Adnan Menderes, fondateur en 1946 du Parti démocrate, avait été renversé par un coup d’État militaire en 1960 puis exécuté un an après et son parti a été dissous. Le choix du 14 mai envoie ainsi un signal clair à la frange conservatrice de l’électorat.
De haute stature – il domine fréquemment ses interlocuteurs – Recep Tayyiup Erdogan, ancien joueur de football qui rêvait d’une carrière pro, règne sur la Turquie depuis deux décennies, pratiquement sans partage même s’il réfute le terme de « dictateur » dont l’a affublé cette semaine l’hebdomadaire britannique The Economist.
A flawed democracy could tip into full-blown autocracy. Turkey is on the brink of disaster under its increasingly erratic president, Recep Tayyip Erdogan https://t.co/gfekLyEQH5 pic.twitter.com/vJpDB1pgUQ
— The Economist (@TheEconomist) January 19, 2023
Élu maire d’Istanbul en 1994, tremplin idéal à une carrière nationale, il avait été condamné en 1998 pour avoir récité un poème aux tonalités islamistes – un épisode qui n’avait que renforcé son aura.
Libéré après quatre mois de détention, Recep Tayyiup Erdogan avait fondé peu après l’AKP, devenu l’instrument de son ascension. Son accession en 2003 au poste de Premier ministre avait ouvert une décennie de croissance économique et de stabilité politique inédite dans la Turquie moderne.
Mais à partir de 2013, confronté à un mouvement de contestation sans précédent de la jeunesse à travers la Turquie, peu réceptive au modèle islamo-conservateur que promeut l’AKP, il répond par une répression implacable.
La dérive autoritaire de son pouvoir amorcée cette année-là s’accentue après la première défaite électorale de l’AKP aux législatives de 2015, puis avec la tentative de coup d’État de juillet 2016.
L’inoxydable « Reis » qui a vu sa popularité chuter ces dernières années va néanmoins tenter de convaincre une fois encore ses concitoyens qu’il est l’homme incontournable.
AFP