Birmanie : deux ans après le coup d’État, la junte militaire en quête de légitimité

Deux ans après le coup d’État, le 1er février 2020, la Birmanie est plongée en plein chaos, toujours en proie à de violents combats entre forces armées et milices rebelles. En quête de légitimité, la junte militaire espère organiser de nouvelles élections avant août.

Deux ans après le coup d’État en Birmanie, le 1er février, la junte militaire au pouvoir espère organiser des élections, au risque de provoquer de nouveaux bains de sang alors que l’opposition reste vive et que le pays est toujours en proie à de violents combats entre forces armées et milices rebelles.

Les dernières législatives, en novembre 2020, ont servi de prétexte à l’armée pour renverser trois mois plus tard, la prix Nobel de la paix Aung San Suu Kyi, dont le parti avait remporté haut la main le scrutin. Les généraux au pouvoir, qui ont accusé leurs adversaires de fraude électorale massive – de manière infondée, selon des observateurs -, espèrent désormais prendre leur revanche dans les urnes.

Avec une opposition politique décimée par la répression, et le soutien tacite de la Chine et de la Russie, le scrutin doit avoir lieu avant août, selon la Constitution.

Mais la participation s’annonce incertaine, des pans du pays étant en proie à un violent conflit entre forces armées et milices rebelles qui dissuade les habitants d’aller voter ou fait planer la menace de représailles pour ceux qui le feront.

Le scrutin sera comme « une charrette à une roue », a déclaré à l’AFP un ancien fonctionnaire en poste à Rangoun, en grève depuis la prise de pouvoir des militaires. « Il n’y a aucune chance que ça apporte du progrès », a-t-il assuré, ayant requis l’anonymat par craintes de représailles.

Dans la jungle près de la frontière avec la Thaïlande, Lin Lin, membre de l’un des dizaines de groupes de défense populaire qui combattent l’armée à travers la Birmanie, assure que les élections ne changeront rien au chaos ambiant.

« Nous allons nous accrocher à nos armes »
« Nous allons nous accrocher à nos armes jusqu’à ce que nous ayons un gouvernement élu », a-t-il asséné auprès de l’AFP.

En difficulté sur le terrain, l’armée birmane est accusée de crimes de guerre et de bombarder les populations civiles. Plus d’un million de personnes ont été déplacées à l’intérieur du pays par les violences depuis le coup d’État, selon les Nations unies.

« Dans tous les domaines des droits humains – économiques, sociaux et culturels, autant que civils et politiques – la Birmanie a profondément régressé », s’est alarmé fin janvier le Haut-Commissaire aux droits humains de l’ONU, Volker Türk.

L’organisation de législatives doit s’accélérer après la levée attendue de l’état d’urgence, déclaré par l’armée dans la foulée du putsch, qui doit expirer fin janvier.

Aucune date n’a été encore été fixée, mais les partis politiques qui souhaitent participer ont jusqu’à fin mars pour s’enregistrer auprès de la commission électorale contrôlée par la junte.

L’armée, en quête de légitimité, essaye d’inclure dans certaines circonscriptions des groupes ethniques rebelles, représentés par de petits mouvements à l’échelle régionale.

Mais il est quasiment acquis que voter sera impossible dans beaucoup de régions, a remarqué Htwe Htwe Htin, de l’université Curtin en Australie. « Dans les zones que l’armée contrôle, il est possible que les gens soient forcés de voter, et de voter pour le parti ou les partis affiliés à la junte », a-t-elle expliqué.

« Les gens vont certainement supposer qu’ils seront surveillés » et que s’abstenir ou voter contre la junte sera passible de sanctions, a-t-elle développé.

Un simulacre d’élections
Des menaces reposent également sur ceux impliqués dans la tenue du scrutin, des médias locaux ayant rapporté plusieurs attaques contre des équipes qui faisaient du porte à porte pour les listes électorales à Rangoun.

« La capacité technique de la junte à organiser des élections (…) sera limitée par le manque de moyens bureaucratiques, la confusion, les boycotts et la violence », a estimé auprès de l’AFP David Mathieson, expert indépendant.

Les généraux ayant la protection de leurs alliés chinois et russes au Conseil de sécurité de l’ONU, beaucoup en Birmanie ont abandonné l’espoir d’une aide de la communauté internationale.

Il faudrait « un miracle » pour que la résistance birmane obtienne des armes comme c’est le cas en Ukraine, a estimé Mathieson. Des sources diplomatiques à Rangoun estiment que la Thaïlande, l’Inde et la Chine, tous frontaliers, vont soutenir de manière tacite le projet d’élections de la junte, alors que les États-Unis ont déjà dénoncé cette « imposture ».

Élections ou pas, la résistance n’entend pas reculer d’un pouce. « La mission est d’attaquer la dictature militaire avec la détermination de notre défiance », a assuré Lin Lin. « Quand un gouvernement élu sera choisi par le peuple, nous nous arrêterons. »

AFP

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