Les lampes UV utilisées pour faire sécher le vernis dans les ongleries pourraient être cancérigènes. Une étude démontre qu’elles cassent l’ADN de cellules de la peau dès 20 minutes d’utilisation.
Les lampes UV utilisées dans les salons de beauté pour faire sécher les ongles pourraient avoir un effet cancérigène, selon une récente étude de l’Université de Californie (Etats-Unis) parue dans la revue Nature. Leurs travaux montrent que les cellules exposées à cette lumière ultraviolette présentent des mutations dans l’ADN et pourraient développer des cancers de la peau.
L’indice qui a mis les chercheurs sur la piste des lampes à UV n’a, à l’origine, rien de scientifique. « Nous avons appris que la mannequin Miss Illinois aux Etats-Unis a développé un type de cancer rare sur l’ongle. Elle a elle-même déclaré que ce cancer était apparu suite à l’utilisation fréquente de vernis à ongles en gel. Nous avons donc décidé d’étudier les machines à UV utilisées dans les salons de manucure », explique Maria Zhivagui, première auteure de l’étude et postdoctorante à San Diego à Sciences et Avenir.
En faisant quelques recherches, elle s’est aperçue que plusieurs revues médicales avaient déjà rapporté des cas de cancer de l’ongle et du dos de la main chez des esthéticiennes associées à l’exposition aux UVA dans les salons de beauté. « C’est un sujet très concernant et alarmant, dans la mesure où les gens n’ont aucun moyen de savoir si ces machines sont vraiment sans danger. Nous n’avons trouvé aucune étude qui mesure leur effet sur les cellules. »
L’ADN endommagé dès 20 minutes d’utilisation
Il n’en fallut pas plus à l’équipe de San Diego pour monter sa propre étude sur le sujet. En utilisant trois types de cellules de peau différentes (des fibroblastes embryonnaires de souris ; des fibroblastes de prépuce humain, souvent utilisés dans la recherche ; et des kératinocytes épidermiques humains), l’expérience a montré que l’utilisation de ces lampes à UV tuait 20 à 30% des cellules en une seule session de 20 minutes. Et trois séances de 20 minutes entraînaient la mort de 65 à 70% des cellules. Dans les deux cas, l’exposition à cette lumière UV a aussi causé des dommages dans l’ADN des cellules restantes, ce qui entraîne des mutations semblables à celles qu’on peut observer dans les mélanomes, des cancers de la peau chez l’humain. Par ailleurs, ces dommages causés à l’ADN ne se réparent pas avec le temps.
L’étude rappelle que la lumière ultraviolette est un rayonnement magnétique dont la longueur d’ondes est comprise entre 100 et 400 nm. Deux types d’entre eux peuvent induire des lésions de l’ADN : les UVA et les UVB. Les appareils testés dans cette étude – les mêmes que dans les ongleries – émettent surtout des UVA. Tandis qu’on sait que les UVB sont directement responsables des coups de soleil et de l’apparition de cancers cutanés, les UVA ne sont que suspectés d’être cancérigènes. Ils peuvent pénétrer les couches profondes de la peau, provoquant un vieillissement prématuré.
Après les solariums, les lampes UV des ongleries ?
Les appareils des salons utilisent en général un spectre particulier d’ultraviolets, entre 340 et 395 nm pour activer les molécules présentent dans les ongles en gel. En revanche, les appareils de bronzage dans les solariums utilisent un spectre d’ultraviolets différents, entre 280 et 400 nm, que des études ont déjà démontrés comme étant cancérigènes. « Nos résultats expérimentaux, couplés aux éléments déjà présents dans la littérature médicale, suggèrent fortement que les radiations de ces machines destinées au séchage des manucures pourraient causer des cancers sur les mains et que, à l’image des solariums, ils pourraient augmenter le risque de cancer précoce », explique l’étude. D’autres machines utilisent ce même spectre UV, comme certains appareils de dépilation ou de soins dentaires.
Une large étude épidémiologique reste toutefois nécessaire afin de quantifier avec précision le risque de cancer sur les mains pour les personnes qui utilisent ces appareils régulièrement pour leurs ongles. Les auteurs estiment qu’il faudra au moins une dizaine d’années avant qu’une telle étude soit terminée et que le public puisse vraiment être informé des risques possibles. « Nous n’avons pour le moment pas entendu parler d’une telle étude. Il est pourtant urgent d’en conduire une pour mieux comprendre le risque de cancer de la peau auquel on est exposé », nous confie Maria Zhivaqui. « J’ai moi-même utilisé du vernis à ongle en gel.
J’ai même acheté un kit de manucure à faire soi-même à la maison. Mais après avoir lu ces rapports médicaux, je me suis lancée. Je me suis dit qu’il fallait absolument comprendre les effets des radiations UV sur les cellules humaines et informer le grand public. » Plus tôt dans l’année, l’American Academy for Dermatology conseillait déjà d’appliquer une crème solaire lors d’une manucure avec un vernis gel, expliquant que ces procédures peuvent « augmenter le risque de cancer de la peau. »
FUTURA