Si l’obésité est un facteur de risque de la démence, c’est probablement parce qu’elle cause un amincissement de zones similaires du cerveau, notamment impliquées dans la mémoire et le langage, conclut une étude. D’après les chercheurs, perdre du poids pourrait donc avoir un effet protecteur contre la maladie d’Alzheimer.
scans cérébraux
Comparaison de l’épaisseur corticale entre les cerveaux de patients obèses et ceux de patients atteints de la maladie d’Alzheimer. Plus la couleur est foncée, plus l’atrophie est similaire entre les deux maladies.
Petit à petit, le cerveau des personnes en situation d’obésité s’amincit au niveau de certaines zones notamment impliquées dans la mémoire ou le langage. C’est notamment par ce processus que l’obésité serait un facteur de risque de la maladie d’Alzheimer, conclut une étude publiée dans le Journal of Alzheimer Disease.
« L’obésité pourrait à la fois accélérer l’apparition de la maladie et l’aggraver, nous n’en sommes pas encore sûrs », explique le chercheur Filip Morys, premier auteur de ces nouveaux travaux. « Elle augmente probablement le risque de développer la maladie d’Alzheimer. » Ce lien entre obésité et démence n’est pas neuf, en particulier pour l’obésité dite « centrale », c’est-à-dire caractérisée par un tour de taille nettement supérieur à celui des hanches. « L’augmentation de l’indice de masse corporelle, du pourcentage de graisse corporelle et du rapport taille-hanche est liée à une détérioration de l’intelligence fluide et de la mémoire de travail, domaines également affectés dans (…) la maladie d’Alzheimer », concluait la même équipe de chercheurs dans une étude de 2021 sur plus de 20.000 personnes.
Obésité, démence et amincissement du cortex cérébral
Cette fois, ce sont sur les scans de cerveau de 1300 personnes qu’ils se sont penchés. Ceux des malades d’Alzheimer étaient comparés à ceux d’individus sains, et ceux des personnes obèses (mais en bonne santé par ailleurs) à ceux des sujets minces. Comme ils l’avaient imaginé, les chercheurs constatent alors de nettes similitudes de l’amincissement du cortex entre Alzheimer et l’obésité. « Les cortex frontal et temporal sont tous deux cruciaux pour la mémoire à long terme, et liées aux capacités linguistiques et au stockage de notre vocabulaire », détaille Filip Morys. « Les cortex préfrontal et pariétal sont tous deux impliqués dans la mémoire de travail et l’attention. » En somme, des fonctions fortement altérées très tôt dans la maladie d’Alzheimer.
Des mécanismes à éclaircir
Détail surprenant, l’atrophie cérébrale liée à l’obésité ne recouvrait pas les zones du cerveau où les malades d’Alzheimer accumulaient les protéines amyloïdes et tau, connues pour former des dépôts caractéristiques de la maladie et à l’origine du déclin cognitif. « Ce résultat n’est pas celui que nous attendions, mais cela pourrait simplement signifier que les mécanismes qui sous-tendent la neurodégénérescence liée à l’obésité et à la maladie d’Alzheimer sont différents », suggère le chercheur.
Ces mécanismes liant obésité et démence restent pour l’instant à explorer. « L’obésité affecte probablement le cerveau par le biais de nombreuses comorbidités, telles que l’inflammation, la dyslipidémie, l’hypertension ou le diabète de type 2 », propose Filip Morys. « Elle peut également entraîner une perte neuronale due à la résistance à la leptine et à l’insuline. » En temps normal, ces deux hormones protègent les neurones. Mais chez les personnes souffrant d’obésité, leur fonction est altérée. Enfin, il se pourrait, comme le montrent certaines études menées sur des animaux, que l’obésité soit bien liée au dépôt de protéine bêta-amyloïde, mais à des endroits différents ou plus étendus que ceux caractéristiques de la maladie d’Alzheimer.
L’effet protecteur de la perte de poids
Si l’obésité est bien un facteur de risque de la démence, la neurodégénérescence qu’elle provoque pourrait-elle être réversible en cas de perte de poids ? « Nous espérons que c’est le cas, mais jusqu’à présent, il n’existe pas de preuve directe à cet égard », répond le chercheur. Les études montrent cependant que le risque de maladie d’Alzheimer est plus faible chez les personnes ayant un poids sain, ajoute-t-il. « Nous avons maintenant l’intention d’étudier la perte de poids et son influence sur la santé du cerveau et nous espérons constater qu’elle améliore la santé du cerveau et peut réduire le risque de maladie d’Alzheimer. »
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