Avec 38 390 points, le basketteur américain est devenu, mardi soir, le meilleur marqueur de l’histoire de la NBA, dépassant le record de points en carrière de l’ancienne star des Los Angeles Lakers Kareem Abdul-Jabbar. Une prouesse hors normes pour un joueur hors du commun.
C’est un tir réussi en se retournant, à la fin du troisième quart-temps, qui a soudainement fait s’arrêter le temps, le match et le souffle de quelque 20 000 fans – parmi lesquels des célébrités comme Jay-Z, LL Cool J, John McEnroe, Magic Johnson et des fortunés ayant payé jusqu’à 24 000 dollars le siège au bord du terrain –, dans une Crypto.com Arena en fusion. Le match s’est alors arrêté pour célébrer dignement l’exploit.
« Merci à ma belle femme, ma fille, mes deux garçons, mes amis, ma mère, tous ceux qui ont fait partie de mon parcours durant ces vingt dernières années et plus », a déclaré LeBron James, les larmes aux yeux, entouré de ses proches.
Et il n’a pas manqué de remercier Kareem Abdul-Jabbar, venu pour l’occasion transmettre le flambeau. « Être en présence d’une telle légende signifie beaucoup pour moi. C’est une grande leçon d’humilité, faites une ovation au capitaine, s’il vous plaît ! ».
« Faire tomber ce record de points, c’est quelque chose d’inouï », estime Jacques Monclar, ancien joueur de l’équipe de France et ancien entraîneur d’Antibes, aujourd’hui consultant NBA sur beIN Sport. « Pour bien se rendre compte, c’est un peu comme le record de saut en longueur de Bob Beamon [réalisé aux JO 1968, finalement battu 23 ans plus tard par Mike Powell]. On pensait que ça ne bougerait jamais, que personne ne rattraperait Kareem Abdul-Jabbar, mais 34 ans après, LeBron James l’a fait. Il a déjà fait beaucoup de choses dans sa carrière, mais là, il marque encore un peu plus l’histoire du basket. »
À 38 ans, LeBron James joue pourtant actuellement sa vingtième saison NBA. Le poids des ans ne semble pas avoir d’impact sur lui. Après 43 matches joués cette année, il tourne à 30,0 points, 8,5 rebonds, 7,1 passes décisives et 0,9 interception en 36,5 minutes par match. Des statistiques qui le placent encore dans le Top 3 des meilleurs basketteurs du monde.
« Physiquement, il a toujours été hors normes »
Une telle longévité à un niveau aussi élevé est une première. À titre de comparaison, Michael Jordan n’a par exemple joué que 14 saisons pleines (il n’avait joué qu’une fin de saison lors de son premier retour au jeu en 1995), dont deux jouées avec les Washington Wizards, à 39 ans, dans le costume de dirigeant-joueur, avec des statistiques diminuées par rapport au reste de sa carrière sous le maillot des Chicago Bulls. Kobe Bryant, s’il a lui aussi joué vingt ans avec les Los Angeles Lakers, a fini sur les rotules, ses trois dernières saisons étant marquées par des blessures et un niveau de jeu en baisse. Quant à Kareem Abdul-Jabbar, vingt saisons à son compteur lui aussi avec les Milwaukee Bucks et les Los Angeles Lakers, il n’a inscrit que 748 points lors de sa vingtième saison en 1988/89, quand LeBron James en est déjà à mi-saison à 1 290 points.
Son secret ? Pour se maintenir en forme, « King James » dépense des sommes folles chaque année en cuisiniers, diététiciens, coaches et autres masseurs personnels… Certains médias ont même affirmé que cet « investissement », comme il le définit, représentait 1,5 million de dollars par an.
Arrivé en 2003 dans la « Grande ligue », ce joueur de 2,03 m pour 113 kg détonne alors rapidement, malgré ses 18 ans, avec son club des Cleveland Cavaliers. « LeBron James, c’est d’abord un corps massif, lourd et grand, un physique de footballeur américain qui lui a toujours permis de dominer par la course, le saut, l’impact. Physiquement, il a toujours été hors normes », affirme Jacques Monclar.
Inarrêtable en contre-attaque ou en pénétration vers le cercle, LeBron James a rapidement affolé les compteurs pour devenir l’un des meilleurs scoreurs du championnat : 20,9 points par match en moyenne lors de sa première saison (2003/04), puis 27,2 points par match la saison suivante (2004/05) et 31,4 points en 2005/06. Les comparaisons avec Kobe Bryant ou Michael Jordan ne tardent pas. De là à imaginer qu’il battrait un jour le record de Kareem Abdul-Jabbar ?
« Non ! Battre le record de points n’a même jamais traversé mon esprit car j’ai toujours d’abord eu une mentalité de passeur. J’ai toujours aimé voir mes coéquipiers réussir », expliquait LeBron James début janvier sur la chaîne de sport américaine ESPN.
"The scoring record was never ever even thought of in my head because I've always been a pass-first guy. I've always loved seeing the success of my teammates."
LeBron James on where he would rank breaking the all-time scoring record in his careerpic.twitter.com/WQIncUcWDk
— ClutchPoints (@ClutchPoints) January 6, 2023
LeBron James ou Michael Jordan : l’éternel débat
Si cette affirmation est à nuancer, nul doute que le quadruple champion NBA (en 2012 et 2013 avec les Miami Heat, en 2016 avec les Cleveland Cavaliers et en 2020 avec les Los Angeles Lakers) et double champion olympique (2008 et 2012), en plus d’être un scoreur prolifique, a aussi su se distinguer à la passe – il est d’ailleurs récemment passé 4e au classement des meilleurs passeurs de l’histoire –, aux rebonds et aux interceptions.
« C’est le joueur le plus complet de l’histoire, affirme Jacques Monclar. Il a su faire évoluer sa façon de jouer au fil des ans en fonction de ce qu’il maîtrisait techniquement et a une capacité à contrôler tous les éléments du jeu qui est phénoménale. En revanche, il a raison quand il dit qu’il voulait voir ses coéquipiers réussir, c’est un joueur qui n’a jamais été égocentré. »
Un état d’esprit qui ne l’a pas empêché de collectionner les distinctions individuelles : LeBron James a été élu quatre fois Most Valuable Player (MVP) – meilleur joueur – de la NBA (2009, 2010, 2012, 2013), quatre fois MVP de la finale (2012, 2013, 2016, 2020), a été sélectionné 19 fois pour le All Star Game, dont il a été élu MVP du match à trois reprises (2006, 2008, 2018), et a été désigné meilleur « rookie » (débutant) en 2004.
Désormais meilleur marqueur de l’histoire de la NBA, LeBron James est-il tout simplement le meilleur joueur que le basket ait connu ? Le débat, qui fait rage depuis plusieurs années aux États-Unis, a été ravivé ces dernières semaines à mesure que le record s’approchait. Michael Jordan ou LeBron James ? MJ ou LBJ ? « C’est l’éternelle question…, soupire Jacques Monclar. Chacun y va de ses arguments, met en avant telle ou telle statistique. C’est comme dans le football. Est-ce que Lionel Messi est meilleur que Maradona ou Pelé ? C’est très difficile de comparer. Kobe Bryant et LeBron James ont marqué l’histoire. Mais pour moi, Michael Jordan restera l’homme qui a transcendé le basket. »
Une chose est sure : LeBron James, qui rêve de finir sa carrière en jouant une dernière saison avec son fils Bronny, 18 ans, actuellement en dernière année au lycée, devrait conserver ce record pour longtemps. À ce rythme, il pourrait même devenir la saison prochaine le premier basketteur NBA à dépasser les 40 000 points. Tout simplement incroyable.
france24