Des centaines de tracteurs à Paris, démonstration de colère des agriculteurs

« On nous met plus de contraintes et on nous dit +démerdez-vous+ »: juchés sur leur tracteur, des centaines d’agriculteurs ont défilé mercredi à Paris contre les restrictions d’usage des pesticides et d’autres obligations, une première depuis plus de trois ans.

Des centaines d’engins, parfois de plus de sept tonnes, sont partis de la Porte de Versailles, encadrés par de nombreux policiers, pour aller se ranger sur cinq files entre le pont Alexandre III et les Invalides, dans le centre.

« Ca me gonfle de venir en tracteur dans Paris. Les gens sont contents de nous voir mais (…) ils achètent des produits étrangers qui ne respectent pas nos normes (…) ils ne veulent pas payer plus », s’impatiente Mathieu Beaudoin, céréalier de 38 ans, à bord de son tracteur secoué par les pavés, la tour Eiffel en ligne de mire.

Déclencheur de la mobilisation: la décision du gouvernement le 23 janvier de renoncer à autoriser les insecticides néonicotinoïdes pour la culture de la betterave sucrière, après une décision de la Cour de justice de l’Union européenne.

Depuis quelques mois, les agriculteurs dénonçaient localement la hausse de leurs coûts face à la flambée des prix de l’énergie ou réclamaient de pouvoir stocker de l’eau d’irrigation.

Leur dernière grosse mobilisation, pour des opérations escargot sur le périphérique, remontait à novembre 2019, pour dénoncer un durcissement des règles concernant l’épandage de pesticides de synthèse.

Après un pic de 425 km de bouchon en région parisienne vers 09H00, les embouteillages cumulés n’étaient plus que légèrement au-dessus de leur moyenne en fin de matinée, en cette journée de grève à la SNCF.

Grégoire Bouillant, céréalier de 40 ans se réclamant de l’agriculture « raisonnée », est parti vers 5h du matin de sa ferme du Val-d’Oise pour arriver, à 20km/h, à Porte de Versailles, où se tiendra dans moins d’un mois le Salon international de l’agriculture.

Il dénonce une « pression environnementaliste » et des « mesures qui ne cessent de s’empiler en notre défaveur ». A l’arrière de son tracteur, une pancarte « Macron menteur, oui aux NNI (néonicotinoïdes, NDLR), oui au sucre français ».

« On veut montrer au gouvernement qu’on peut pas interdire des moyens de production sans alternative », ajoute Cyrille Milard, président de la FDSEA 77.

Drapeaux FNSEA et Jeunes agriculteurs et affichettes « mon métier respecte la nature, stop aux écologies abusives » ont fleuri sur les vitres des tracteurs et de nombreux passants prenaient des photos de la manifestation, rejointe par une trentaine d’élus, dont le président des Hauts-de-France Xavier Bertrand.

Sur un conteneur en guise d’estrade, garni de bottes de paille et de cagettes de pommes, le secrétaire général de la FNSEA a qualifié le « combat d’aujourd’hui » de « juste » pour « sauver » les productions.

– Réunion jeudi au ministère –

Le ministre de l’Agriculture Marc Fesneau a reçu dans la matinée une délégation issue de la manifestation « pour échanger sur les défis auxquels ils sont confrontés et l’avenir des filières agricoles », selon un communiqué. Il réunira jeudi la filière betterave pour « présenter un plan d’actions et de soutien en réponse à la décision » européenne.

Les néonicotinoïdes, toxiques pour les abeilles et interdits depuis 2018, bénéficiaient d’une dérogation depuis deux ans. Ce qui permettait de les appliquer préventivement sur les semences de betteraves pour les prémunir de la jaunisse, propagée par des pucerons.

« Comme utilisateur de néonicotinoïdes, je n’ai pas l’impression d’empoisonner le monde », s’agace le cultivateur et militant syndical Damien Greffin.

Il préside la section FNSEA du Grand Bassin parisien qui rassemble 12 départements céréaliers du nord de la France et est à l’initiative de la manifestation, avec le syndicat des planteurs de betteraves CGB, affilié à la FNSEA, qui a appelé à une mobilisation jusqu’au 20 février dans toute la France.

La Confédération paysanne, troisième syndicat, a elle déploré que certains manifestent « pour continuer à utiliser des néonicotinoïdes et refuser toute avancée écologique ».

L’ONG environnementale Générations Futures a dénoncé de son côté des pratiques « dignes de l’agriculture des années 1960, pas de celle des années 2020 ».

sciencesetavenir

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