L’Académie française reçoit Mario Vargas Llosa

Le romancier péruviano-espagnol de 86 ans est le premier à y entrer sans avoir jamais écrit directement en français.

L’Académie française accueille jeudi 9 février l’écrivain Mario Vargas Llosa, prix Nobel de littérature 2010, et le premier à y entrer sans avoir jamais écrit directement en français. Le romancier péruviano-espagnol de 86 ans avait été élu par ses pairs en novembre 2021. Comme le veut la tradition, il doit prononcer un discours où il fait l’éloge de son prédécesseur. En l’occurrence, au fauteuil 18, il s’agit du philosophe Michel Serres (1930-2019). Le discours a été rédigé avec l’aide du traducteur français du romancier, Albert Bensoussan.

L’écrivain a montré qu’il ne craignait pas la polémique en invitant à Paris à cette occasion l’ancien roi d’Espagne Juan Carlos. L’ex-souverain vit en exil depuis 2020 aux Émirats arabes unis. Dans son pays, sa popularité s’est effondrée après une série de scandales, dont une plainte pour harcèlement d’une ancienne maîtresse, Corinna Larsen, des révélations sur son train de vie fastueux et une chasse à l’éléphant au Botswana.

La candidature de Mario Vargas Llosa à l’Académie française avait fait l’objet de soins particuliers. Non seulement il écrit en espagnol, mais en plus il avait dépassé de dix ans la limite d’âge. Mais le résultat a presque été un plébiscite: 18 voix pour lui, une seule pour un rival, un blanc, deux nuls. Or, sur les trois élections qui ont eu lieu ensuite à l’Académie française, seule une a permis de faire entrer un «Immortel», le professeur au Collège de France Antoine Compagnon, tandis que les deux autres ont été infructueuses faute de majorité absolue pour un candidat.

Il est très intéressé. Il demande tout le temps qu’on lui envoie des choses. »

La secrétaire perpétuelle de l’Académie Hélène Carrère d’Encausse
La secrétaire perpétuelle de l’Académie Hélène Carrère d’Encausse dit n’avoir eu qu’à se féliciter d’accueillir cet écrivain à la renommée mondiale. «Il est très intéressé. Il demande tout le temps qu’on lui envoie des choses, il est sur le site Internet, il nous fait des commentaires en permanence. Ça le passionne», disait-elle à l’AFP en février 2022.

Mario Vargas Llosa avait l’avantage inestimable de son prix Nobel. L’Académie n’avait plus accueilli de lauréat de cette récompense depuis celui remis en 1952 à François Mauriac (membre de 1933 à 1970). Fait unique: l’auteur de La Fête au bouc est membre de trois académies linguistiques, ayant été élu à l’Académie péruvienne de la langue en 1977, et à l’Académie royale espagnole en 1994. Mario Vargas Llosa est controversé en Amérique latine pour ses positions droitières, dans une région où de très nombreux gouvernements sont de gauche.

D’autres étrangers l’ont précédé à l’Académie française. Le premier avait été un Américain, Julien Green en 1971, qui ne souhaita jamais devenir Français. Dany Laferrière, élu en 2013, est Canado-Haïtien. L’Académie, institution chargée depuis 1635 de défendre la langue française et de rédiger un dictionnaire, compte 40 fauteuils. Cinq restent à pourvoir. Malgré ses difficultés à attirer des candidats de prestige, ainsi que des femmes, elle n’a pas abaissé son exigence au moment d’élire ceux qui remettront l’habit vert. Car les académiciens le restent, sauf exception, jusqu’à leur décès. Ils cherchent donc des camarades agréables et des personnalités contribuant durablement au rayonnement de l’instance.

«On ne saurait trop féliciter l’Académie de n’être pas, comme tant d’autres corps constitués, absolument hostile à la supériorité et de ne pas compter que des imbéciles», ironisait l’académicien Jean Dutourd dans un essai republié en janvier, L’Académie par un des 40.

lefigaro

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