À l’occasion de la parution d’un manifeste pour une ménopause apaisée et libérée, Notre Temps s’interroge sur la dangerosité des traitements hormonaux de substitution, parfois prescrits pendant des décennies.
- _Quels sont les symptômes les plus courants au début de la ménopause?
- _Pourquoi les traitements de substitution sont craints?
- _Quelles solutions pour mieux vivre sa ménopause?
- _Faut-il davantage faire connaitre ces traitements hormonaux?
- _Existe-t-il des alternatives aux traitements de substitution?
- _Quand l’arrêter?
Moral en berne, difficultés à se concentrer, douleurs articulaires, coups de chaud, insomnies… Ces symptômes sont souvent passés sous silence, car ils peuvent faire penser à la ménopause. Un sujet très tabou encore aujourd’hui. Voilà pourquoi un collectif réunissant des gynécologues et des journalistes vient de se monter, All for Ménopause, qui ont publié un manifeste, dont l’objectif est de changer le regard sur cette période que toutes les femmes traversent, entre 40 et 55 ans, avec plus ou moins d’inconfort. Selon l’étude Elisa, menée auprès de 5 000 femmes au CHU de Toulouse, 44% des femmes n’ont jamais évoqué leurs symptômes avec un professionnel de santé… alors qu’elles sont 87% à en souffrir. Or, beaucoup souffrent en silence en ignorant qu’elles pourraient être soulagées. Mais à quel prix?
Quels sont les symptômes les plus courants au début de la ménopause?
Première information: il n’est pas obligatoire de passer par une phase atroce au moment de la disparition progressive de ses règles. Certaines femmes, notamment celles qui ont souffert de règles douloureuses ou qui sont soulagées de ne plus pouvoir enfanter, vivent cette période comme un soulagement. « D’ailleurs, 1 femme sur 4 n’a pas de symptôme! », relativise Brigitte Letombe, gynécologue et membre de All for Ménopause. Reste des millions de femmes, qui entre 40 et 55 ans, voire plus longtemps, vivent avec des conséquences désagréables, voire handicapantes de la ménopause.
« Tout le monde connaît les bouffées de chaleur, mais ce n’est que la partie émergée de l’iceberg », prévient Florence Trémollières, gynécologue au CHU de Toulouse et présidente du Groupe d’Étude sur la Ménopause et le vieillissement hormonal ( GEMVI). En effet, ces femmes peuvent aussi souffrir de douleurs articulaires, de troubles de mémorisation, d’une envie d’uriner très fréquente, de sécheresse vaginale… « Beaucoup de femmes ne rattachent pas ces symptômes à la ménopause, ne consultent pas, or ces symptômes méritent d’être pris en charge! », regrette Brigitte Letombe. Surtout si par méconnaissance, ces femmes confondent sécheresse vaginale et baisse de la libido, anxiété et dépression…
Et finissent sous antidépresseurs ou anxiolytiques pour de mauvaises raisons. Plus grave, la chute drastique des œstrogènes peut être un facteur de risque cardiovasculaire, osseux, cognitif. « L’intérêt d’en parler dès la ménopause, c’est d’essayer de repérer celles qui sont à risque dans 10 ou 15 ans d’avoir une fracture en raison de l’ostéoporose », poursuit Florence Trémollières. Or, le traitement hormonal divise par deux ce risque. » Une information précieuse quand on sait que 39 % des Françaises autour de 65 ans souffrent d’ostéoporose et 70 % des 80 ans et plus.
Pourquoi les traitements de substitution sont craints?
L’une des conséquences de ce silence radio sur la ménopause, c’est que les femmes sont très mal informées. Beaucoup pensent qu’elles ne pourront de toute façon pas être soulagées et que les traitements hormonaux de substitution (THS) sont à bannir. En effet, une grande étude américaine WHI parue en 2002 a stoppé net la prescription de ces substituts hormonaux. En effet, l’étude a été interrompue avant la fin en raison d’effets indésirables: non seulement le traitement augmentait le risque de cancer du sein, mais contrairement à ce qui était attendu, les comprimés amplifiaient les risques cardiovasculaires, avec une augmentation du risque d’accident vasculaire cérébral (+ 38 %), d’infarctus du myocarde (+ 23 %) et d’embolie pulmonaire. En revanche, le traitement apportait une protection vis-à-vis du cancer du côlon (- 37 %) et de l’ostéoporose (-33 %).
Mais depuis, les résultats de cette étude ont été remis en question. « L’étude de 2002 concernait des femmes plus âgées [63 ans en moyenne], en moins bonne santé, notamment avec 30% de femmes en surpoids, ne ciblait ni la même molécule ni la même voie que le traitement que nous prescrivons aujourd’hui à nos patientes, critique Lorraine Maitrot Montelet, gynécologue à l’hôpital Cochin. Et d’autres études ont montré que le traitement tel qu’on le prescrit aujourd’hui en France reste favorable. »
Dès 2008, une vaste étude sur 70.000 femmes dévoile un effet protecteur cardiovasculaire du THS, par œstrogènes seuls ou par oestroprogestatifs, quand le traitement est pris dès le début de la ménopause. Un résultat méconnu. « L’étude de 2002 a eu un effet de tsunami, résume Brigitte Letombe. On est passé de 40% des femmes traitées dans les années 2000 à 6% aujourd’hui! On est bien en dessous de ce qu’il faudrait: on estime qu’environ 25% des femmes auraient besoin d’un traitement de substitution. » C’est à chacune, en concertation avec son médecin, d’évaluer la balance bénéfice/risque de ces traitements, en fonction de ses antécédents, de ses traitements et de l’impact de ces symptômes sur leur qualité de vie.
Quelles solutions pour mieux vivre sa ménopause?
Évidemment, cela dépend des symptômes que chacune ressent et de son impact sur la qualité de vie. Mais on peut jouer sur deux leviers:
Hygiène de vie: l’arrêt du tabac, la limitation des boissons alcoolisées, l’alimentation équilibrée avec une attention portée au calcium, un apport suffisant en vitamine D avec une exposition au soleil de 15 à 30 minutes par jour et une activité physique régulière vous aideront à garder des os en pleine santé, un bon moral et la ligne!
Traitements: Si cela ne suffit pas, votre généraliste, votre gynécologue peut vous prescrire:
- un hydratant ou lubrifiant vaginal pour éviter la sécheresse.
- un traitement hormonal de la ménopause soit sous forme de gel, de patch, de crème vaginale ou de comprimés.
Faut-il davantage faire connaitre ces traitements hormonaux?
« Le but n’est pas de médicaliser forcément la ménopause, mais d’offrir aux femmes un panel de solutions, nuance Florence Trémollières. Il est hors de question de revenir à ce qui se faisait dans les années 1990, où on donnait un traitement de façon systématique en raison de la ménopause. Mais il faudrait que ces traitements soient prescrits à des femmes qui en ont besoin. »
Or, les recommandations de la Haute Autorité de Santé (HAS), auxquelles se réfèrent les médecins généralistes, n’ont pas pris en compte les dernières études et n’ont pas évolué depuis 2014, regrettent ces gynécologues. Pour mieux informer les patientes, et leur donner le choix, encore faudrait-il que les généralistes soient mieux informés des nouveautés sur ces traitements de symptômes de la ménopause.
Existe-t-il des alternatives aux traitements de substitution?
Quand bien même les femmes qui entrent dans la ménopause seraient bien informées, n’auraient aucune contre-indication, auraient accès à un gynécologue ou un généraliste bien formé, auraient-elles envie de prendre des hormones? Pas sûr, alors qu’un certain nombre d’entre elles refusent désormais la pilule comme contraceptif pour éviter de prendre des hormones, et que les médecines alternatives ont le vent en poupe. « En général, quand on leur explique qu’on leur donnerait des œstradiols et de la progestérone, deux hormones sécrétées par leurs ovaires, à petite dose, sans risque de prendre du poids, beaucoup sont intéressées », assure Brigitte Letombe.
D’autant qu’il n’y a pas de preuve scientifique que certaines plantes puissent soulager ces symptômes. Toutefois, certaines femmes se sentent mieux en prenant du houblon, des graines de lin, l’actée à grappes noires, le trèfle rouge, la sauge officinale… « La phytothérapie peut aider certaines patientes, grâce à l’effet placebo, même si c’est de la poudre de perlimpinpin », nuance Florence Trémollières.
Quand l’arrêter?
Certaines femmes, trop heureuses de ne plus avoir ces bouffées de chaleur ou brouillard cérébral, prennent ces hormones jusqu’à 70 ou 80 ans. Raisonnable? « La durée du traitement de substitution, en théorie c’est 5 ans, au-delà c’est du cas par cas », complète Lorraine Maitrot-Montelet. Mais dans l’idéal, il faudrait réévaluer à chaque consultation l’efficacité du traitement et réaliser des examens complémentaires. En fonction de ce que la patiente ressent, de sa balance bénéfice/risque, certaines peuvent donc le poursuivre pendant 20, 30 ans. « En revanche, si une femme est ménopausée à 50 ans, souffre en silence et souhaite l’initier plus de 10 ans après les premiers symptômes, je ne le recommanderai pas, car vos artères auront vieilli et ce n’est pas les mêmes risques de thromboses et d’AVC », corrige-t-elle.
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