L’Agence de la biomédecine a dévoilé aujourd’hui les chiffres des greffes d’organes et de tissus réalisées en 2022.
Un peu de mieux, après deux années compliquées par la pandémie de Covid-19. Malgré une année 2022 marquée par une triple épidémie de grippe, Covid-19 et bronchiolite qui a mis à mal l’hôpital, «le nombre de greffes atteint en 2022 est encourageant» même s’il n’a pas encore retrouvé son niveau d’avant la crise, souligne dans un communiqué le Pr François Kerbaul, directeur du prélèvement et de la greffe d’organes et tissus à l’Agence de la biomédecine. «Nous traversons une crise hospitalière extrêmement profonde et je salue la mobilisation des équipes, car sans ces professionnels, cette énergie qu’ils déploient, ces greffes n’auraient pas lieu», a insisté lors d’un conférence de presse Marine Jantet, la nouvelle directrice générale de l’Agence de la biomédecine.
Du côté des greffes d’organes, la hausse globale est de 4% par rapport à 2021, avec 5494 greffes réalisées (contre 5901 en 2019, avant la crise sanitaire). C’est, d’une part, le fruit d’un «meilleur recensement des personnes décédées par mort encéphalique», souligne l’agence (2984 donneurs recensés en 2022, en hausse de 6,1% par rapport à 2021, et 1459 donneurs effectivement prélevés, +4,8%). Les prélèvements de type «Maastricht III», sur un donneur non en état de mort encéphalique mais pour qui un arrêt des traitements a été décidé, sont aussi en hausse avec 235 patients prélevés contre 217 (pour 609 recensés) en 2021. Cette modalité de prélèvement, autorisée en France depuis 2015, peine encore à s’imposer mais progresse doucement.
Le prélèvement de tissus (cornées, vaisseaux sanguins, peau, valves cardiaques et os) est également en hausse. 6226 donneurs décédés ont été prélevés en 2022 (+5,5% par rapport à 2021, et +29,1% par rapport à 2020). Là encore, le niveau d’avant la pandémie n’a pas encore été atteint, sauf pour les prélèvements de veines, qui connaissent la hausse la plus forte avec +43,5% par rapport à 2021, et +196,6 % par rapport à 2019.
Un besoin de communication
L’activité globale reste toutefois moindre qu’avant la crise sanitaire, souligne l’Agence de biomédecine. «Tous les efforts fournis par les professionnels de santé, les associations de patients, les administrations hospitalières, les tutelles sanitaires et les sociétés savantes ne permettront pas d’atteindre les objectifs fixés par le Plan greffe et liés aux attentes des patients, si la situation hospitalière ne s’améliore pas», souligne le Pr Kerbaul.
Et la France est encore loin de répondre aux besoins : tous organes confondus, au 1er janvier 10.810 patients étaient en liste d’attente active, immédiatement éligibles à une greffe d’organe. Chaque jour de 2022, on comptait 21 nouvelles inscriptions en liste d’attente pour 15 greffes réalisées, et 2 à 3 personnes décèdent faute d’avoir été greffées. L’Agence de la biomédecine espère donc que le «plan greffe» 2022-2026 lancé par le gouvernement permettra d’améliorer les choses, avec des financements supplémentaires (210 millions d’euros de plus alloués pour cinq ans, au sein d’un effort global de 2 milliards d’euros) et une meilleure organisation de la filière et entre les acteurs.
«Les objectif définis par le plan greffe sont de 1643 à 2084 donneurs en mort encéphalique prélevés d’au moins un organe en 2026, a expliqué le Pr Kerbaul. Pour 2022 on est proche de la borne haute des courbes de progression prévues, c’est donc extrêmement encourageant.»
Mais il faudra aussi jouer d’une meilleure communication envers les Français. «L’un des principaux leviers sur lesquels nous devons agir pour renforcer cette activité de priorité nationale est de réduire le taux d’opposition au prélèvement, particulièrement élevé en France», a insisté Marine Jeantet, nouvelle Directrice générale de l’Agence de la biomédecine. Le baromètre* conduit chaque début d’année par l’Agence pour évaluer la perception des Français sur le don d’organes et de tissus montre qu’ils ont une bonne image du don d’organe (80% des sondés ont un sentiment que cette loi en en phase avec leurs valeurs, et la même proportion sont favorables au don de leurs propres organes après leur mort). Mais dans les faits, seuls 47% en ont parlé à leurs proches.
Conséquence, le taux d’opposition pour les défunts éligibles au don se situe à un niveau assez élevé, autour de 30 %. En effet, même si la loi considère toute personne comme donneuse par défaut si elle n’a pas indiqué son opposition de son vivant, bien des proches se trouvent incapables de se prononcer sur les volontés du défunt lorsque la question du don d’organes se pose. Faute d’en avoir parlé avant, les proches se replient donc souvent sur «une position de prudence (…) qui interdit de fait le prélèvement», indique l’Agence.
Par ailleurs, un peu plus de la moitié des Français ne se sentent pas concernés par la greffe d’organe, et 22% jugent qu’ils ne peuvent pas être donneur à cause de leur âge ou d’un antécédent médical. Or dans les faits, très peu de pathologies interdisent le don et l’âge n’est pas un obstacle : 41% des donneurs prélevés en 2022 avaient plus de 65 ans, et ce chiffre est bien plus élevé dans certains pays européens.
«On peut tous, demain, être receveur ou donneur d’un organe, a insisté David Heard, porte-Parole de l’Agence de la biomédecine. Il y a un véritable enjeu à faire émerger le sujet dans les médias, dans l’opinion, et que chacun consacre un temps d’échange à cette question. Il n’y a pas beaucoup d’autres domaines où il suffit d’en parler pour sauver des vies !»
lefigaro