Afin de ne pas être écrasé par la concurrence américaine, l’exécutif européen souhaite donner plus de flexibilité aux États membres dans l’octroi d’aides aux entreprises du secteur de la transition écologique, selon une déclaration commune publiée vendredi à l’issue du sommet de Bruxelles.
Face aux massives subventions américaines, les dirigeants des Vingt-Sept ont ouvert la voie vendredi 10 février à un assouplissement accru des règles sur les aides publiques dans l’Union européenne (UE), mais de façon « ciblée, temporaire et proportionnée » pour éviter une fragmentation du marché unique.
En matière d’aides d’État, « les procédures doivent être rendues plus simples, plus rapides et plus prévisibles », et « permettre de déployer rapidement un soutien ciblé, temporaire et proportionné (…) dans les secteurs stratégiques pour la transition écologique », ont indiqué les chefs d’État et de gouvernement européens dans une déclaration commune.
« Nous voulons être pragmatiques », en adaptant le régime des aides d’État sans menacer « l’intégrité du marché unique », a résumé le président du Conseil européen Charles Michel.
Propositions législatives
Réunis à Bruxelles pour un sommet accaparé par la venue du président ukrainien Volodymyr Zelensky, les dirigeants européens ont débattu des moyens de soutenir leur industrie, menacée par la concurrence chinoise, la flambée des prix de l’énergie et le plan américain de subventions « vertes ».
D’ici le prochain sommet des Vingt-Sept fin mars, la Commission européenne est chargée de traduire en propositions législatives le plan formulé la semaine dernière par sa présidente Ursula von der Leyen pour muscler les industries vertes du continent.
L’exécutif européen souhaite donner plus de flexibilité aux États membres dans l’octroi d’aides aux entreprises impliquées dans les énergies renouvelables (solaire, éolien) et la décarbonation de l’industrie (hydrogène, électrification, efficacité énergétique), certains investissements dans de nouvelles usines pouvant être soutenus par des « avantages fiscaux ».
Mais cette idée est accueillie avec prudence parmi les États membres, divisés entre partisans du libre marché et avocats d’une intervention étatique, alors même que tous les pays n’ont pas les mêmes marges de manœuvre financières pour aider leurs entreprises.
Les pays riches gagnants ?
Signe de ces tiraillements, la déclaration finale des Vingt-Sept, adoptée dans la nuit, insiste sur la nécessité de « maintenir l’égalité des conditions de concurrence » au sein de l’UE, tout en garantissant « un accès équitable aux financements ».
Alors que le carcan des subventions nationales est déjà assoupli depuis le début de la pandémie en 2020, l’ouvrir encore risque de profiter aux grands pays riches, essentiellement l’Allemagne et la France, qui pourraient favoriser de façon excessive leurs entreprises au détriment de leurs concurrentes de l’UE.
L’Italie et plusieurs « petits » pays dont l’Autriche, le Danemark et la Finlande mènent ainsi une fronde pour un mécanisme le plus ciblé et limité possible, au risque de le rendre insignifiant.
« Nous étions inquiets d’un assouplissement excessif des aides d’État, au risque de saper le marché intérieur. Mais désormais, il s’agit d’une mesure temporaire et ciblée sur l’innovation et les technologies vertes, exactement là où nous devons rivaliser avec les Américains », a observé le premier ministre néerlandais Mark Rutte.
Déployer les fonds existants
Pour atténuer le risque de fragmentation du marché unique, certains États membres, France et Italie en tête, réclament par ailleurs de nouveaux financements communs.
Ursula von der Leyen a d’ailleurs promis de proposer avant l’été un « Fonds de souveraineté » européen qui permettrait d’investir dans la recherche ou le capital d’entreprises stratégiques. Mais l’idée est rejetée par plusieurs pays comme l’Allemagne, les Pays-Bas ou la Suède, hostiles à toute augmentation de leur contribution au budget de l’UE.
Au final, dans le texte adopté vendredi, les Vingt-Sept se contentent simplement de « prendre note » de l’idée d’un Fonds de souveraineté. Dans l’immédiat, les dirigeants européens appellent plutôt « à déployer de manière plus souple les fonds existants de l’UE » pour garantir l’équité entre les États.
La Commission table sur la mobilisation des fonds du plan de relance européen à 800 milliards d’euros (NextGenerationEU) dont 250 milliards pourraient être consacrés à la transition verte. En incluant d’autres financements déjà débloqués, le total pourrait approcher les 370 milliards de dollars annoncés par les Américains dans leur plan climat adopté l’été dernier.
« On peut répondre (au plan américain) avec les crédits dont nous disposons », a reconnu le président français Emmanuel Macron à l’issue du sommet. Il est possible pour l’Europe de « bâtir des mécanismes comparables en volume, en mobilisant ce qu’on a déjà » mais aussi « en rapidité, et c’est là que la flexibilisation des aides d’État et la possibilité d’utiliser des crédits d’impôts est très importante », a-t-il commenté, fustigeant les délais actuels pour accorder des subventions dans l’UE.
Concernant un possible Fonds de souveraineté et des financements communs supplémentaires, « on connaît les divisions, il n’y a pas de consensus aujourd’hui entre les États, mais le débat viendra », a assuré Emmanuel Macron.
AFP