Phnom Penh – « C’est comme éteindre la voix du peuple »: les pleurs d’une journaliste remplissent la rédaction vide de Voice of Democracy (VOD), l’un des derniers médias indépendants du Cambodge, qui a fermé lundi après un article controversé concernant le fils du Premier ministre.
« C’est comme éteindre la voix du peuple », a réagi la journaliste de VOD Khan Leakhena, en larmes.
« Ils nous accusent de faire partie de l’opposition. Nous ne parlions que des problèmes du peuple », a-t-elle lancé, réconfortée par une collègue.
Les autorités ont reproché à ce média sur internet un article, erroné selon elles, sur Hun Manet qui aurait approuvé l’octroi d’une aide financière à la Turquie à la suite du séisme dévastateur du 6 février.
Valider une telle aide n’entre pas dans les compétences du fils du Premier ministre, qui occupe d’importantes fonctions militaires –une manière de se préparer en vue de succéder à son père quand celui-ci décidera de quitter le pouvoir.
Des représentants du ministère de l’Information, accompagnés de policiers, se sont rendus lundi matin dans les locaux de VOD, à Phnom Penh, pour remettre le document notifiant la révocation de la licence de diffusion, a constaté un journaliste de l’AFP.
Le site de VOD, qui a cessé ses activités à 10H00 (03H00 GMT), n’était plus accessible au Cambodge que par un réseau privé virtuel (VPN), service permettant de naviguer sur internet en contournant le blocage.
« Nous espérons que ce n’est pas encore la fin », a déclaré Ith Sothoeuth, directeur média de l’organisme gérant VOD.
Dans la rue, une vingtaine de manifestants ont exprimé leur soutien.
« Nous demandons aux autorités cambodgiennes de revoir leur décision », a écrit l’ambassade des Etats-Unis à Phnom Penh, dans un communiqué.
Le scrutin national de juillet devrait renforcer la mainmise de Hun Sen, 70 ans, dont 38 au pouvoir, en l’absence de rivaux influents, ceux-ci faisant l’objet d’une intense campagne de répression, dénoncée par les groupes de défense des droits humains.
« S’en prendre à VOD montre bien que les élections ne seront ni libres ni équitables », a réagi Phil Robertson, directeur adjoint pour l’Asie de l’ONG Human Rights Watch (HRW).
« C’est un avertissement clair aux autres voix critiques à quelques mois des élections. (…) Cette fermeture arbitraire (…) va paralyser tous ceux qui osent toujours poser des questions sur les actions du gouvernement cambodgien », a de son côté commenté Amnesty International.
AFP