La 15ème édition de la Rentrée littéraire du Mali s’ouvre ce mardi, à Bamako, et se clôturera samedi 25 février prochain avec notamment la soirée d’attribution des prix 2023 (prix Moussa Sow, prix Union européenne premier roman, prix Massa Makan Diabaté et prix Ahmed Baba).
Alors que le pays est toujours plongé dans une grave crise politique et sécuritaire, les organisateurs de cet événement devenu incontournable dans la région, convient écrivains, universitaires, chercheurs et artistes des cinq continents à venir célébrer la culture avec le public autour d’une thématique générale : « Décloisonner l’Afrique ». Directeur exécutif du comité d’organisation de la Rentrée littéraire du Mali, Ibrahima Aya répond à nos questions.
Chaque année depuis 2015, à Bamako, la Rentrée littéraire du Mali est l’occasion pour le grand public et les écrivains, universitaires, chercheurs et artistes venus du monde entier, de célébrer pendant quatre jours le « livre, les mots et les idées ». Initiée en 2008 par le Fonds des Prix littéraires du Mali, une association à but non lucratif qui réunit notamment écrivains et éditeurs, la Rentrée littéraire du Mali s’organise jusqu’en 2014 sur le rythme d’une biennale.
Doté d’un comité de programmation dont les membres sont de nationalité malienne, algérienne, belge, suisse et canadienne, cet événement désormais annuel est aujourd’hui « un lieu de partage de l’imaginaire et de débats sur les enjeux de société ». Pour cette 15ème édition, la thématique générale qui structurera les échanges est : « Décloisonner l’Afrique ».
TV5MONDE : La situation sécuritaire et politique du Mali reste aujourd’hui préoccupante. Dans ces conditions, quelles sont les contraintes d’organisation d’un événement comme le vôtre ? Et est-ce pour vous une façon de résister ?
Ibrahima Aya : La Rentrée littéraire du Mali, c’est à la fois un espace de partage de l’imaginaire, un espace de débat sur les enjeux de société et un espace de renforcement des capacités des professionnels du livre. En tant que lieu de débat ouvert et libre, la Rentrée littéraire participe de la promotion de la démocratie cognitive, en aidant le grand public et les citoyens à acquérir des connaissances et des clefs de lecture leur permettant de comprendre et de traiter des problèmes de plus en plus complexes de leur environnement.
La crise a débuté en 2012, la Rentrée s’y est logiquement inscrite et est devenue thématique à partir de cette année-là. Ainsi, tout en étant à l’écoute des défis du Monde, la Rentrée littéraire contribue activement au débat sur la réconciliation et la reconstruction dans notre pays. Bien sûr la crise ne facilite pas l’organisation d’un événement aussi important. La crise déplace les priorités et les urgences et cela a un impact direct sur nos possibilités de mobilisation de ressources, par exemple. Mais nous avons réussi à bâtir une manifestation résiliente.
C’est lié à la fois aux partenariats que nous mettons en place autour de cette Rentrée, à l’esprit de co-construction qui caractérise son organisation avec les différents lieux qui accueillent l’événement et à son offre de rencontres littéraires, artistiques et professionnelles qui répond aux attentes d’un public en quête aussi de débats sur les enjeux de société. Et il est vrai que la Rentrée littéraire du Mali est l’un des rares évènements culturels qui continuent de se tenir régulièrement malgré la crise.
TV5MONDE : Le thème général que vous avez choisi cette année est : « Décloisonner l’Afrique ». Pourquoi ce choix et que recouvre-t-il ?
Ibrahima Aya : Par ce thème, la 15ème édition de la Rentrée littéraire du Mali invite à débattre de frontières, qu’elles soient marquées dans l’espace ou imaginaires, de leur fabrication et de leur déconstruction. Les langues et la traduction, la circulation des personnes, des auteurs et autrices et de leurs livres, leurs idées, leurs mondes, occuperont une place importante dans les échanges et les débats, tout comme la mutualisation des pratiques et des expériences. Nous invitons à partager notre enthousiasme à travailler au décloisonnement, au renouvellement et au partage des récits en Afrique.
TV5MONDE : L’un des objectifs de la rentrée littéraire du Mali c’est dites-vous : « de contribuer à la structuration de la filière livre en Afrique en général et au Mali en particulier. » En quoi cela consiste-t-il, surtout dans un contexte de crise politique et sécuritaire au Sahel ?
Ibrahima Aya : Oui, la Rentrée littéraire du Mali a pour objectif de contribuer à l’amélioration de la structuration et de l’intégration de la filière du livre en Afrique en général et au Mali, en particulier, en promouvant les auteurs et la diffusion de leurs œuvres. A cet effet, elle met en lumière, les métiers, les productions, les activités et les besoins et projets des différents acteurs de la filière du livre : auteurs, éditeurs, libraires, diffuseurs, critiques, bibliothécaires, documentalistes, animateurs, médias, lecteurs.
Elle accompagne le renforcement des capacités de ces acteurs. Tout cela se fait dans un échange d’expériences et un partage de savoirs avec des acteurs du livre d’autres continents. L’enjeu bien sûr en ces moments de crise sécuritaire notamment est continuer d’assurer la mobilité des acteurs. Ce que nous faisons y compris cette année en invitant des écrivains et des éditeurs de toute la sous-région ainsi que plusieurs responsables d’événements littéraires au 1er forum des manifestations littéraires en Afrique.
TV5MONDE : Quatre prix littéraires seront décernés lors de la soirée de remise des prix, en particulier le prix Union européenne premier roman. Quelle signification donnez-vous à ce prix compte tenu par exemple de la rupture des relations diplomatiques entre le Mali et la France ?
Ibrahima Aya : Le Prix Union européenne premier roman consacre simplement le partenariat que nous avons avec la Délégation de l’Union européenne au Mali. Il existait déjà sous le nom Prix du premier roman, il est devenu Prix Union européenne à partir de 2016. Les objectifs de la Rentré littéraire du Mali sont très clairs. Elle n’est l’appendice d’aucun Etat, d’aucun gouvernement, d’aucune organisation. Elle est une initiative endogène, en dehors de toute contingence ou agenda politique ou géostratégique.
TV5