Bulgarie : six passeurs mis en examen après la mort de 18 migrants dans un camion

Au lendemain de la découverte de 18 migrants morts par asphyxie dans un camion en Bulgarie, six personnes de nationalité bulgare, soupçonnées d’être des passeurs, ont été mises en examen. Plus tôt, le porte-parole du parquet Hristo Krastev avait annoncé l’arrestation de sept personnes au total, mais l’une d’entre elles est toujours en fuite.

Selon le procureur général adjoint Borislav Sarafov, les passeurs interpellés « avaient jusque-là transporté entre 25 et 35 personnes par voyage, au moins deux fois par mois ». Ils risquent aujourd’hui jusqu’à 15 ans de prison.

Le chef du réseau figure parmi ces six mis en examen, a également précisé Hristo Krastev devant la presse. Cette personne avait déjà été condamnée à une peine de prison avec sursis de cinq mois pour trafic d’êtres humains.

Près de 7 000 euros pour le passage

Vendredi 17 février, 18 migrants ont été retrouvés morts dans un camion abandonné dans un village près de Sofia, la capitale. Selon les premiers éléments de l’enquête, le camion transportait illégalement 52 personnes cachées sous des planches de bois, a priori des migrants afghans venus de Turquie. Chaque passager avait payé environ 7 000 euros aux trafiquants pour ce passage. « Les personnes transportées étaient serrées comme dans une boîte à sardines. Ils sont morts lentement, en souffrant, pendant 30 à 60 minutes », a déclaré Boris Sarafov, déplorant « une tragédie humaine extraordinaire ».

Le chauffeur aurait entendu des bruits sourds venant de son chargement mais ne se serait pas arrêté immédiatement. Toujours selon le procureur général adjoint, ce dernier a pris la fuite après avoir découvert les exilés inanimés.

Une fois sur les lieux du drame, les enquêteurs ont découvert une scène macabre avec des corps éparpillés sur l’herbe autour du camion.

Quelque 34 migrants ont tout de même pu être secourus et transportés, vendredi, à l’hôpital. Certains sont soignés pour intoxication au monoxyde de carbone après avoir inhalé des gaz de pot d’échappement, d’après Spas Spaskov, médecin aux urgences de l’hôpital Pirogov à Sofia. « Ils recevaient de l’oxygène en quantité très limitée et ils n’avaient pas d’eau, c’est pourquoi ils sont très déshydratés. Ils n’ont pas mangé depuis plusieurs jours », a-t-il confié à la chaîne de télévision privée Nova.

« Brutalités » et « refoulements massifs »

Porte d’entrée dans l’Union européenne (UE), la Bulgarie a observé l’an dernier une recrudescence de l’immigration clandestine sur son territoire, malgré la présence d’une clôture en barbelés de 234 kilomètres le long de la frontière avec la Turquie. La police bulgare dit avoir empêché 164 000 tentatives de passages en 2022, contre 55 000 un an plus tôt.

Pour les migrants, ce transit en Bulgarie est souvent synonyme de violence. Les refoulements violents à la frontière bulgare avec la Turquie sont particulièrement pointés du doigt par les exilés comme les ONG. Une enquête publiée en décembre par plusieurs médias européens, en partenariat avec l’organisation Lighthouse Reports, mentionnait, par exemple, l’existence d’une cage servant à enfermer les migrants.

Selon Diana Dimova, présidente de l’ONG Mission Wings, « les brutalités ont nettement augmenté » et les « refoulements massifs » sont désormais courants dans le pays, avait-elle confirmé à l’AFP.

La Bulgarie partage ses frontières, au sud, avec la Turquie et la Grèce. Crédit : Google Maps
La Bulgarie partage ses frontières, au sud, avec la Turquie et la Grèce. Crédit : Google Maps

 

En mai dernier, Human Rights Watch assurait déjà dans un rapport que « les autorités bulgares battent, volent, déshabillent et utilisent des chiens policiers pour attaquer des Afghans et d’autres demandeurs d’asile et migrants, puis les repoussent en Turquie sans aucun entretien formel ni procédure d’asile ».

« Là-bas, quand les policiers t’attrapent, ils te rouent de coups, avait décrit Achraf, un exilé marocain rencontré par InfoMigrants à Belgrade, en octobre 2022. Un ami à moi a été frappé tellement fort derrière la tête qu’il est devenu fou ensuite. »

Narcisse Nganchop, un migrant camerounais avait également raconté à InfoMigrants son passage cauchemardesque par la Bulgarie, depuis la Turquie. Repéré par les garde-frontières bulgares avec ses compagnons de route, cet opposant politique a été forcé de se déshabiller pour des fouilles au corps. « Puis, ils sont passés aux trois femmes. Elles ont dû se dénuder complètement. Les unes après les autres, elles ont été violées par les garde-frontières sous nos yeux. Certaines avaient leur mari dans le groupe […] Je ne pensais pas vivre ça au cœur de l’Europe. » 

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