Summum du divertissement sur mobile ou outil d’espionnage et de propagande au service de Pékin? Le phénomène TikTok a ringardisé en quelques années le monde des réseaux sociaux, mais plusieurs autorités veulent aujourd’hui limiter son influence.
Un milliard d’utilisateurs, immense succès chez les jeunes
Avec plus d’un milliard d’utilisateurs actifs dans le monde, TikTok, propriété de l’entreprise chinoise ByteDance, pointe à la 6e place des plateformes sociales les plus utilisées, selon le dernier rapport de We Are Social sur l’évolution du numérique, publié en janvier.
L’application de clips souvent dansants ou musicaux est encore loin derrière les plateformes sociales de Meta (Facebook, WhatsApp et Instagram, toutes au-dessus des 2 milliards d’utilisateurs) ou YouTube (2,5 milliards), mais elle affiche depuis des années la plus forte progression, notamment chez les plus jeunes. Selon l’agence Wallaroo, 32,5% des utilisateurs ont entre 10 et 19 ans.
Surtout, TikTok surpasse tous ses concurrents par sa capacité à capter l’attention. En 2023, les utilisateurs d’Android l’utilisaient en moyenne pendant 23 heures et 28 minutes chaque mois.
L’entreprise revendique environ 125 millions d’utilisateurs actifs dans l’Union européenne. Elle sera, à ce titre, soumise au nouveau Règlement sur les services numériques de l’UE.
Une part grandissante du gâteau publicitaire
Le succès d’audience de TikTok se voit aussi dans ses recettes publicitaires. Celles-ci ont atteint plus de 11 milliards de dollars en 2022, multipliées par trois en un an, et menacent d’ici quelques années de dépasser celles de YouTube (Google) et Meta.
En conséquence, les concurrents de TikTok ont très vite commencé à copier ses fonctionnalités, notamment les vidéos courtes au format vertical défilant en flux continu. La compétition se poursuit sur la question du partage des revenus, afin d’attirer les meilleurs créateurs.
Méfiance et interdictions de par le monde
TikTok fait partie des applications chinoises interdites en Inde depuis 2020, après des affrontements meurtriers à la frontière entre les deux pays. New Delhi avait justifié sa décision par la défense de sa souveraineté.
La même année, l’application était menacée d’interdiction aux États-Unis par Donald Trump, qui l’accusait d’espionnage au profit de la Chine.
Sous pression, l’entreprise annonçait en juin 2022 qu’elle stockerait toutes les données concernant ses utilisateurs américains sur des serveurs du groupe Oracle, aux États-Unis, sans parvenir à totalement rassurer.
Le réseau social a fini par confirmer, comme l’avait relevé un article du site BuzzFeed, que des employés basés en Chine avaient eu accès à des données relatives à des utilisateurs américains, mais s’est toujours défendu de les avoir transmises au Parti communiste chinois.
Une loi ratifiée par le président Joe Biden début janvier interdit le téléchargement et l’utilisation de TikTok sur les appareils des fonctionnaires de l’État fédéral américain.
Jeudi, la Commission européenne lui a emboîté le pas en demandant à son personnel de désinstaller l’application de ses appareils professionnels, afin de « protéger les données » de l’institution.
Des stars en pleine lumière et un algorithme opaque
L’une des forces de TikTok est d’avoir réussi à attirer de nombreux créateurs de contenus et influenceurs, séduits par les possibilités avancées d’édition de vidéos, les filtres créatifs et la puissance de l’algorithme capable de faire émerger rapidement de nouvelles stars.
Ces tiktokeurs (dont les plus connus sont Khaby Lame, Charli d’Amelio ou Bella Poarch) ont attiré dans leur sillage de nombreuses marques, incitées à proposer des « challenges » pouvant être répliqués à l’infini par les utilisateurs.
Mais l’algorithme de TikTok reste totalement opaque et est accusé d’enfermer très rapidement les utilisateurs dans une sélection de vidéos correspondant à leurs goûts et centres d’intérêts supposés.
En janvier, le magazine Forbes révélait aussi que les employés de TikTok et Bytedance usaient régulièrement d’un bouton pour augmenter le nombre de vues sur certains contenus.
Selon TikTok, qui a récemment annoncé une fonctionnalité pour savoir pourquoi une vidéo est proposée plutôt qu’une autre, la promotion manuelle ne concerne qu’une infime partie des vidéos recommandées.
Désinformation, défis dangereux et pornographie
L’application, comme d’autres réseaux sociaux, fait face au défi de la modération des contenus. Elle est régulièrement accusée d’héberger de nombreuses vidéos de désinformation, des défis dangereux et des images pornographiques, alors qu’elle est censée interdire la nudité.
En octobre 2022, comme l’avait repéré Numerama, une « tendance » consistait à publier des photographies de pénis.
Selon des médias, plusieurs enfants sont également décédés après avoir tenté de répliquer le « Blackout Challenge », énième avatar du jeu du foulard.
Enfin, d’après NewsGuard, 20% des vidéos circulant via TikTok sur des sujets d’actualité (invasion russe en Ukraine, fusillades dans des écoles aux États-Unis, vaccins contre le Covid) étaient fausses ou trompeuses.
L’AFP, parmi plus d’une dizaine d’organisations de fact-checking, est rémunérée par TikTok dans plusieurs pays d’Asie et d’Océanie, d’Europe, du Moyen-Orient et d’Amérique latine hispanophone pour vérifier des vidéos qui contiennent potentiellement de fausses informations. Elles sont supprimées par Tik-tok si les équipes de l’AFP démontrent que l’information véhiculée est fausse.
Senewebnews