Financement du pétrole : BNP Paribas, première banque assignée pour manquement à son « devoir de vigilance »

Trois associations de défense de l’environnement ont cité en justice la première banque européenne, le 23 février, au titre de sa « contribution significative » au réchauffement climatique en raison de ses clients pétroliers et gaziers.

Les représentantes des ONG Oxfam France (Cécile Duflot), Les Amis de la Terre (Lorette Philippot) et Notre affaire à tous (Justine Ripoll) devant une agence BNP Paribas à Paris, le 26 octobre 2022. © Emmanuel Dunand/AFP

La première banque européenne, BNP Paribas, « devra répondre devant la justice de sa responsabilité dans la crise climatique ». Trois associations de défense de l’environnement ont en effet jeudi 23 février, l’établissement français au titre de sa « contribution significative » au réchauffement climatique. En cause : ses clients pétroliers et gaziers. Cette étape est la suite logique de la mise en demeure de BNP Paribas le 26 octobre dernier par ces mêmes associations, Les Amis de la Terre, Oxfam France et Notre affaire à tous.

L’angle d’attaque devant le tribunal judiciaire de Paris est identique : un éventuel manquement au « devoir de vigilance » – motif utilisé pour la première fois contre une banque. Les portes-parole des trois ONG ont symboliquement posé avec une fausse enveloppe barrée du tampon « Mise en demeure » devant une agence BNP Paribas située non loin de l’Opéra Garnier et du siège social de la banque, à Paris. Cette assignation s’inscrit dans la lignée d’autres actions d’ONG fondées sur le « devoir de vigilance ». La première, initiée en 2019 et toujours en cours à Paris, vise les méga-projets pétroliers Tilenga et Eacop de TotalEnergies en Afrique.

Appel à un « procès historique »
« Face à sa contribution significative aux dérèglements climatiques, les associations demandent à BNP Paribas de mettre fin à ses soutiens financiers aux nouveaux projets d’énergies fossiles et d’adopter un plan de sortie du pétrole et du gaz », écrivent les trois ONG dans un communiqué commun, appelant à un « procès historique ».

En pratique, un huissier s’est présenté dans la matinée au siège de BNP Paribas afin de remettre l’assignation en bonne et due forme, confirme la banque. Le calendrier des prochaines étapes devrait être fixé le 13 juin. BNP Paribas dit « regretter » la « voie contentieuse plutôt que la voie du dialogue ». François de Cambiaire, avocat associé au sein du cabinet Seattle et conseil des associations, s’attend à ce que la procédure s’étale sur deux ou trois ans.

QUAND MÊME, ARRÊTER DE FINANCER LA PRODUCTION PÉTROLIÈRE, C’EST UNE DÉCISION EXTRÊMEMENT LOURDE !

Depuis 2017, la loi française sur le devoir de vigilance impose aux grandes entreprises de prendre des mesures effectives pour prévenir les atteintes aux droits humains et à l’environnement sur l’ensemble de leur chaîne d’activité. « On a déjà fait plus de la moitié du chemin », a commenté au micro de la radio France Inter le directeur de l’engagement d’entreprise de BNP Paribas, Antoine Sire, « puisqu’il y a une dizaine d’années on avait presque uniquement des énergies fossiles, aujourd’hui on a 55 % d’énergie bas carbone essentiellement renouvelable ». Et d’ajouter : « Quand même, arrêter de financer la production pétrolière, c’est une décision qui est extrêmement lourde ! »

De nouveaux engagements
La banque avait déjà fait part de son « désaccord » avec ces ONG le 26 janvier, dans un courrier en réponse à la mise en demeure, qui appelait une réponse dans les trois mois. Les entreprises « ne peuvent pas se substituer au législateur », estimait alors la banque, se disant « en profond désaccord » avec l’interprétation faite de la législation sur le devoir de vigilance. Une réponse « à côté », selon les associations.

Financeur historique du secteur industriel et de la production d’énergie, la banque française a annoncé le 24 janvier de nouveaux engagements climatiques en voulant diviser par cinq d’ici à 2030 ses financements au secteur de l’extraction et de la production de pétrole.

En 2021 aux Pays-Bas, un tribunal a condamné pour la première fois le géant pétrolier Shell à accélérer son plan de réduction des émissions de carbone, dans une procédure entamée par des ONG, dont Greenpeace et Les Amis de la Terre. Shell a interjeté appel.

AFP

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