La Chine a attendu le premier anniversaire du conflit en Ukraine pour publier un plan en douze points sur le « règlement politique de la crise ukrainienne », rompant avec son rôle jusqu’ici très neutre dans le conflit. Mais depuis plusieurs semaines, la propagande chinoise est montée en régime dans les coulisses diplomatiques, avec pour objectif de positionner Pékin comme un acteur majeur dans le conflit ukrainien, face aux États-Unis notamment.
Wang Yi, plus haut responsable chinois en matière de politique étrangère, a sillonné l’Europe ces derniers jours, de Munich à Budapest en passant par Moscou, où il a réaffirmé que l’amitié sino-russe était « solide comme un roc ». Le but de cette tournée : présenter et défendre la vision de Pékin sur la résolution du conflit en Ukraine.
Une vision détaillée dans un plan en douze points. Rien de nouveau à l’horizon, mais ce document positionne la Chine comme un acteur face à la puissance américaine, explique la politologue Valérie Niquet, de la Fondation pour la recherche stratégique (FRS).
« Ces douze points n’ont rien de révolutionnaire quand on connaît la position chinoise, explique-t-elle. Ils sont toujours sur la même thématique, c’est-à-dire la non-ingérence et le rôle de l’ONU visant à remettre en question une domination occidentale ou américaine en termes de normes internationales, et la légitimité de la toute-puissance des États-Unis. Ce plan vise aussi à réintroduire un nouvel acteur, la Chine et à lui donner de l’importance, surtout face à la puissance américaine. »
« Désescalade progressive »
Concrètement, le premier point du plan chinois pose un principe fondamental, à savoir le respect de « la souveraineté de tous les pays », et le second point est un appel à rejeter « la mentalité de guerre froide », avec en ligne de mire, en filigrane, l’Otan.
Au troisième point seulement, la diplomatie chinoise en vient explicitement au conflit en cours, appelant toutes les parties à encourager Russes et Ukrainiens à « reprendre le dialogue direct aussi vite que possible », avec pour objectif « une désescalade progressive » puis « un cessez-le-feu complet ».
« J’ai l’intention de rencontrer Xi Jinping, a réagi Volodymyr Zelensky. Ce sera important pour la sécurité mondiale. La Chine respecte l’intégrité territoriale et doit tout faire pour que la Russie quitte le territoire de l’Ukraine », a-t-il dit, en conférence de presse, le 24 février, ajoutant encore : « Je veux croire que la Chine sera du côté d’un monde juste, c’est-à-dire de notre côté. »
La question des armes
Ces derniers jours, la rivalité entre Pékin et Washington a pris de l’altitude, avec l’affaire des ballons chinois dans le ciel américain. Et elle devrait se déplacer au Kazakhstan, allié historique de Moscou qui a refusé de soutenir l’invasion russe ; le pays d’Asie centrale a annoncé appuyer le plan proposé par la Chine, et ce, à quelques jours d’une visite du secrétaire d’État américain Antony Blinken.
Autre signe de l’offensive chinoise : Alexandre Loukachenko, le président de la Biélorussie, principal allié de Moscou, se rendra lui-même à Pékin, du mardi 28 février à jeudi 2 mars, pour une visite officielle, rapporte le ministère chinois des Affaires étrangères. Et ce, à l’invitation du président Xi Jinping.
Reste la question des armes. Depuis une semaine, Antony Blinken martèle que la Chine envisagerait de fournir des armes à la Russie, et l’intéressée dément. Vendredi, le magazine allemand Der Spiegel écrivait que Pékin pourrait livrer, dès le mois d’avril, une centaine de drones à Moscou. Une affaire à suivre.
« Apparaître acceptable »
Jusqu’ici, la Chine avait brillé par sa neutralité, tenue par son alliance avec son voisin russe. Mais depuis plusieurs semaines, le régime communiste fait donc preuve d’une activité diplomatique incessante.
Là où la Chine remporte une sorte de semi-victoire, de petite victoire sur la scène internationale, c’est que l’on parle de son plan comme quelque chose qui existe. La deuxième chose, c’est que le président Zelensky n’a pas du tout répondu d’une manière hostile. Donc, la grande victoire, ou la petite victoire plus exactement de la Chine, c’est en quelque sorte d’apparaître acceptable pour l’Ukraine, que tout le monde qualifie de modèle de démocratie qu’il faut soutenir en raison des valeurs. Là, on voit que le président Zelensky n’accepte pas le plan de Xi Jinping sans rien dire, mais enfin, quelles que soient ses valeurs, il n’est pas du tout hostile à une entrée de la Chine dans le jeu.
RFI