Réforme des retraites au Parlement : les prochaines étapes-clés

L’examen du projet de loi sur la réforme des retraites poursuit son parcours parlementaire le 28 février au Sénat pour une durée de quinze jours. France 24 fait le point pour mieux comprendre le détail des prochaines étapes.

Les débats sur la réforme des retraites reprennent le 28 février en commission et le 2 mars en séance. Le premier round des discussions à l’Assemblée s’est achevé le 17 février à minuit en plein chaos au milieu du chahut, des invectives et d’une avalanche d’amendements. Donnant lieu à une situation inédite : pour première la fois, l’examen du projet de loi a été interrompu sans que la majorité des articles n’aient pu être votés, faute de temps.

En pareille circonstance, « le texte passe tout de même au Sénat », explique Jean-Philippe Derosier, constitutionnaliste et professeur agrégé de droit public. « Il peut être transmis en l’état devant les sénateurs, avec ou sans les amendements adoptés par l’Assemblée. Le gouvernement peut aussi choisir de présenter les articles qui ont été rejetés par les députés. »

C’est précisément ce que l’exécutif a choisi de faire. Le gouvernement a soumis au Sénat une version amendée du texte voté par l’Assemblée tout en réintroduisant l’article 2, relatif à la mise en place d’un « index seniors » en entreprise, rejeté en première lecture.

Les grandes étapes à venir
Entre la commission et l’Hémicycle, les députés ont disposé en première lecture d’un délai de 20 jours pour examiner la réforme. Arrivé en commission le 30 janvier, le texte devait être examiné avant le samedi 18 février, ramené à vendredi, puisque l’Assemblée ne siège pas le week-end.

Ces délais stricts sont le fait du gouvernement. L’exécutif a en effet choisi de faire passer sa réforme majeure par un projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale et d’utiliser l’article 47.1 de la Constitution pour contraindre le travail des parlementaires. Cet article fixe un délai de 50 jours pour voter les projets de loi de financement de la sécurité sociale.

La suite se joue au Palais du Luxembourg. Après les vacances parlementaires du 20 au 26 février, le texte de la réforme arrive en débat en commission des Affaires sociales au Sénat le 28 février. Ce n’est que le 2 mars que les sénateurs commenceront les travaux dans l’Hémicycle. Le climat devrait y être plus serein : la majorité sénatoriale de droite a déjà voté à plusieurs reprises le recul de l’âge de départ à la retraite. Dans la rue, l’atmosphère pourrait être nettement plus agitée. Une vaste mobilisation contre la réforme est prévue le 7 mars par les syndicats qui appellent à mettre « la France à l’arrêt » dans tous les secteurs d’activité.

La seconde chambre parlementaire dispose d’un délai de 15 jours, (dont 10 jours en assemblée), soit jusqu’au 12 mars à minuit pour examiner la réforme. Comme à l’Assemblée nationale, même si l’examen n’est pas fini, le texte quittera malgré tout les bancs du Sénat pour aller en commission mixte paritaire dans la version que souhaite le gouvernement. Cette commission est composée de députés et de sénateurs, qui prennent le relais, pour tenter de rapprocher les points de vue.

À l’issue de ces débats, la réforme des retraites, pour être adoptée, devra être votée à la majorité à l’Assemblée puis au Sénat. Si le texte n’obtient pas assez de votes, un processus dit de « navette » commencera. Le projet de loi fera des allers-retours entre les instances du Parlement et des amendements y seront ajoutés, modifiés ou supprimés, au plus tard jusqu’au 26 mars.

Si à cette date à minuit, le Sénat et l’Assemblée n’ont pas voté la version définitive du texte, le gouvernement pourra mettre en œuvre la réforme : soit par ordonnances, comme indiqué à l’article 47-1 de la Constitution utilisé par l’exécutif, soit en dégainant l’article 49.3 de la Constitution pour faire adopter le texte sans vote.

Sur une telle réforme phare, personne ne souhaite recourir à cette dernière dans le camp présidentiel, de crainte d’être affaibli. La majorité assure depuis le début des débats qu’elle fera tout pour l’éviter, en faisant quelques concessions à la droite notamment.

Qu’est-ce qui a déjà été voté en première lecture ?
Sur les 20 articles que comprend le projet de loi, seuls deux ont pour l’instant fait l’objet d’un vote. L’article 1, qui porte sur la fin des régimes spéciaux, a été adopté le 10 février par 181 voix (163 contre). Pour rappel, la RATP, les industries électriques et gazières, la Banque de France et les clercs et employés de notaires verront des singularités effacées de leurs indemnisations.

L’article 2, qui prévoyait la création d’un « index senior » dans les entreprises, a lui été rejeté le 14 février par 256 voix (203 pour et 8 abstentions). Dans le détail, les entreprises de plus de 1 000 salariés auraient dû publier cet index dès novembre prochain – avant que l’obligation soit élargie aux structures de plus de 300 salariés à partir de juillet 2024.

Les 18 articles restants n’ont pas pu faire l’objet de discussion, ni de vote. Les articles 3, 4, 5 et 6 portent sur les « dispositions relatives aux dépenses de la Sécurité sociale ». Régimes complémentaires, Agirc-Arrco, tableau d’équilibre, dette… cette partie concerne le pan économique du projet de loi et vise à justifier sa viabilité sur le long terme. Le gouvernement juge ces quatre textes nécessaires pour simplifier les démarches des entreprises et gagner en efficacité.  

Il est sur toutes les lèvres et de toutes les pancartes : l’épineux article 7 sur l’âge de départ à la retraite n’a pas non plus pu être soumis au débat. Les articles 8 sur les carrières longues, 9 sur la pénibilité ou 10 sur les pensions minimales, pourtant au centre de crispations, n’ont pas non plus été évoqués.  

Pourquoi des milliers d’amendements ont-ils été déposés par l’opposition à l’Assemblée ? 

Le recours du gouvernement à l’article 47.1, bien qu’autorisé et encadré par la Constitution, n’a pas été du goût de l’opposition. Et notamment des élus de la Nupes qui y ont vu là une manœuvre de l’exécutif destinée à écourter le débat parlementaire. Ils ont alors déposé des milliers d’amendements pour empêcher à terme que le texte ne soit adopté. 

À l’origine, les amendements ont pour but de corriger et faire évoluer un texte. Quand ils sont rédigés par centaines, en changeant un simple mot ou un chiffre, leur vocation initiale est détournée pour enliser le débat parlementaire et donner à la rue le temps de se mobiliser pour peser dans la balance. Mais la pratique est risquée. « Cette stratégie d’obstruction est contre-productive car elle empêche les députés de débattre des textes et éclipse le débat de fond et, in fine, décrédibilise le Parlement, » poursuit Jean-Philippe Derosier. 

En effet, ces amendements ont ralenti le processus d’examen du texte, si bien qu’il a fallu attendre le 10 février pour que les députés se prononcent enfin sur le premier article du projet de loi.

En tout état de cause, Emmanuel Macron compte voir sa réforme, – promesse de campagne datant déjà de 2017- entrer rapidement en vigueur. « Les partenaires sociaux et le gouvernement vont travailler dans les mois qui viennent pour finir de mettre en place les nouvelles règles qui s’appliqueront dès la fin de l’été 2023 », déclarait le président lors de ses vœux aux Français début janvier.

FRANCE24

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