Le Ghana perd ses infirmières

Joséphine est infirmière depuis deux ans dans un hôpital d’Accra, la capitale ghanéenne. A l’origine, la jeune femme de 28 ans a choisi ce métier pour soutenir le système de santé ghanéen, en grande difficulté.

Selon elle, le pays manque cruellement d’infrastructures médicales, en particulier dans les régions rurales.

« Il fallait toujours aller dans la ville la plus proche pour se faire soigner », témoigne Joséphine. « C’est pour ça que je me suis dit que si je devenais infirmière, je pourrais soutenir ma communauté et ma famille. »

Les salaires plus attirants au Royaume-Uni
Mais aujourd’hui, Joséphine a pris une lourde décision : elle va partir travailler au Royaume-Uni. C’est avec le cœur lourd qu’elle a demandé une autorisation pour émigrer dans ce pays où travaillent déjà plusieurs de ses amis.

« J’ai des amis de l’école qui sont déjà partis et quand je compare leur salaire avec le mien ici au Ghana… ils gagnent tellement d’argent ! Beaucoup plus que moi ! Juste parce qu’ils ont accès à un meilleur système que nous au Ghana », confie-t-elle avec amertume. « C’est vraiment triste, ça me brise le cœur. »

Au Ghana, les infirmiers professionnels gagnent l’équivalent de moins de 300 euros par mois. Conséquence : plus de 3.000 d’entre eux ont quitté le pays rien qu’en 2022, avec pour destination les Etats-Unis, le Canada, l’Australie ou encore le Royaume-Uni…

« Cela a évidemment des répercussions sur nos services de santé », affirmePerpetual Ofori-Ampofo, présidente de la Fédération ghanéenne des infirmiers et aides-soignants.

« Si on regarde les statistiques, on voit que nous avons déjà plus d’aides-soignants que d’infirmiers professionnels. Ce sont ces derniers qui s’en vont car les pays les acceptent plus que les aides-soignants. »

Recrutement contre espèces sonnantes et trébuchantes
Pour attirer le personnel soignant, le Royaume-Uni a conclu un accord avec le Ghana. Londres offre environ mille livres, soit un peu plus de 1100 euros, par infirmière ou infirmier recrutés.

De l’argent dont le système de santé ghanéen a bien besoin… Mais pour Nana Kofi Quakyi, expert en santé publique basé à Accra, ce genre d’accord risque de porter un coup fatal aux services de santé locaux.

« Ce que cela signifie pour notre système de santé, c’est que nous devons nous battre ! Nous battre pour s’assurer d’avoir du personnel soignant formé et surtout, d’en avoir suffisamment ! »

L’exode massif d’infirmiers ghanéens a conduit le gouvernement à restreindre les autorisations d’émigration. Une mesure que conteste Perpetual Ofori-Ampofo, de la Fédération ghanéenne des infirmiers et aides-soignants.

« On ne peut pas retenir quelqu’un qui a travaillé pendant des années et qui veut aller à l’étranger », explique-t-elle. « La migration est un droit fondamental, le droit de tout un chacun. »

Lors d’une visite récente à Accra, le ministre allemand de l’Emploi, Hubertus Heil, a lui aussi fait miroiter des facilités pour favoriser la venue en Allemagne de personnel soignant, sans toutefois être concret sur les mesures envisagées.

La Confédération mondiale des infirmières, quant à elle, tire la sonnette d’alarme. Elle demande aux pays riches d’arrêter de recruter massivement du personnel soignant des pays pauvres, pour ne pas condamner les systèmes de santé locaux.

DW

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