Journée mondiale de l’audition : des chercheurs parviennent à régénérer les cellules de l’ouïe chez la souris

Les cellules ciliées dans la cochlée sont essentielles pour transférer l’information des ondes sonores vers le cerveau, et la perte de ces cellules cause une perte d’audition normalement irréparable. Mais de nouvelles recherches suggèrent qu’on pourrait peut-être restaurer ces cellules.

La perte d’audition affecte 65 % des personnes de plus de 65 ans, selon l’Inserm, et progresse aussi chez des personnes plus jeunes. La majorité des cas de troubles de l’audition surviennent lorsque les cellules ciliées à l’intérieur de la cochlée (dans l’oreille interne) sont endommagées et cessent de fonctionner. Ces cellules n’ont pas la capacité de se régénérer, donc leur perte est irréversible.

Mais une étude de l’Université de Rochester aux États-Unis publiée le 6 janvier 2023 dans le journal Frontiers in Cellular Neuroscience, apporte une lueur d’espoir : il serait possible (au moins chez la souris) de restaurer l’audition en forçant ces cellules à se régénérer. Sciences et Avenir a interrogé la directrice de cette étude, Patricia White, pour savoir plus sur cette encourageante possibilité.

Des cellules essentielles qu’on perd petit à petit
Lorsque les vibrations sonores entrent dans l’oreille, elles sont transférées dans une colonne de liquide dans la cochlée (qui a une forme d’escargot). À l’intérieur, il y a deux types de cellules ciliées : les externes amplifient ces vibrations en bougeant de haut en bas, et les internes qui détectent ses ondes et transmettent cette information vers le cerveau. Nous naissons avec environ 4.000 de ces cellules, mais puisqu’elles ne se régénèrent pas, on les perd petit à petit.

Notamment, à cause de toxicité médicamenteuse, des maladies, ou de traumatismes liés à la plongée ou aux bruits trop forts (qui stimulent en excès ces cellules, générant des courants électriques trop élevés qui endommagent la cellule). Jusqu’à ce qu’il n’y a pas assez pour assurer le transfert des informations sonores vers le cerveau, causant la perte d’audition

Pourtant, cela n’est pas le cas pour tous les animaux, car certains ont la capacité de régénérer les cellules ciliées. “Les oiseaux, par exemple, régénèrent ces cellules en environ six semaines et peuvent ainsi récupérer leur audition après l’avoir perdu”, explique à Sciences et Avenir Patricia White, spécialiste des cellules souches et la perte d’audition. Mais les mammifères ont perdu cette capacité, même si nous l’avons encore durant une courte période très tôt dans le développement (chez les humains, cela s’arrête environ au septième mois dans l’utérus, avant la naissance). La question est donc de savoir s’il serait possible de réactiver cette capacité à l’âge adulte.

Il semble possible d’induire la régénération de ces cellules chez la souris
« Lors des expériences précédentes, nous avions remarqué que ces cellules ciliées très jeunes qui ont encore cette capacité de régénération ont besoin de facteur de croissance épidermique (EGF de l’anglais epidermal growth factor) pour la garder lorsqu’elles sont cultivées en laboratoire, révèle-t-elle. On s’est donc demandé s’il était possible d’activer cette voie de signalisation chez des cellules plus âgées ». Pour le faire, ils ont forcé les cellules à exprimer le gène ERBB2, qui code pour un récepteur du facteur de croissance EGF. Eurêka, certaines des cellules ont commencé à se différencier, étape essentielle pour la régénération des cellules ciliées.

Cependant, ce n’était pas les cellules qui exprimaient le récepteur qui se différenciaient, mais les cellules les entourant. En explorant cette étonnante découverte, les chercheurs ont mis en évidence que l’activation de cette voie de signalisation entrainait la production d’un grand nombre de protéines, dont celles qui régulent un autre récepteur, CD44. Les cellules avec ERBB2 activent donc la voie du facteur de croissance épidermique et produisent des signaux qui activent la voie de CD44 dans d’autres cellules. Et c’est cette dernière activation qui entraine la différenciation des cellules, qui pourrait aider à régénérer la population de cellules ciliées.

Restaurer l’audition chez l’humain est le but, mais il est encore lointain
Cependant, il manque encore un bout de chemin avant de pouvoir utiliser ces nouvelles connaissances chez l’humain. Car les chercheurs ne savent pas encore qu’est-ce qui se passe lorsque CD44 est activé. Et parce qu’il ne serait pas possible de traiter des humains en leur forçant à exprimer ce récepteur du facteur de croissance. « ERBB2 est un oncogène, c’est-à-dire qu’il augmente le risque de développer un cancer, donc on devra trouver une autre façon d’activer cette voie de signalisation », avoue Patricia White.

Mais la chercheuse, ainsi qu’un grand nombre de ses collègues, n’arrêtera pas avant de trouver la solution. « Notre but est de réellement restaurer l’audition, car pour le moment il n’y a pas de cure pour la perte d’audition, on peut seulement restaurer partiellement l’ouïe avec des dispositifs tels que les aides auditives ou les implants cochléaires, regrette-t-elle.

Mais il y a de dizaines de laboratoires qui essayent différentes approches pour restaurer les cellules ciliées, comme créer en laboratoire des cellules souches de ces cellules et les transplanter au patient ou reprogrammer les cellules du patient pour qu’elles récupèrent cette capacité de régénération. Et il y a aussi une quarantaine de start-upsqui travaillent aussi dans ce même but. Donc je pense que si la possibilité de restaurer l’audition existe, nous allons finir par trouver ».

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