À Bamako, à Conakry ou encore à Dakar, les campagnes de boycott des produits tunisiens se multiplient sur les réseaux sociaux au lendemain des déclarations controversées du président Kaïs Saïed sur les migrants subsahariens, qualifiés de « hordes d’envahisseurs ». Sur le terrain, cette escalade met à mal les affaires des opérateurs tunisiens présents sur les marchés africains.
Partenaire de la société Med Oil Company, une filiale du groupe privé tunisien Poulina Group Holding (PGH), la société sénégalaise Senico SA a été contrainte de justifier l’origine de l’un de ses produits phares : la margarine Jadida. Si la marque est tunisienne, Senico soutient que Jadida est une margarine 100 % sénégalaise, produite dans son usine, située à Diamniadio.
L’effet ricochet
« Malgré la production locale, les sociétés tunisiennes implantées en Afrique subsaharienne continueront de subir des pressions dans ce climat délétère », explique à Jeune Afrique l’analyste financier, Bassem Neifar. Parmi les principaux groupes concernés, la compagnie d’assurance Comar, le spécialiste de la production d’articles hygiéniques, Lilas, et le géant avicole, Poulina Group Holding (PGH).
Implanté au Sénégal et en Côte d’Ivoire, PGH est actif sur plusieurs fronts : l’agroalimentaire, la construction, l’immobilier et les services. Le groupe, dont le chiffre a atteint un record de 3,8 milliards de dinars (1,14 milliard d’euros) en 2022, exporte ses produits en Afrique centrale et de l’Ouest. « À court terme, les exportateurs tunisiens risquent de ne pas trouver preneur en Afrique subsaharienne », craint Neifar.
Une réputation à soigner
Pour Modibo Mao Makalou, économiste malien et ancien conseiller aux affaires économiques à la présidence du Mali, « au niveau des affaires, la Tunisie avait une très bonne réputation en Afrique subsaharienne avant les propos maladroits et inappropriés du président Saïd ». Bien qu’il note un apaisement après les récentes mesures annoncées par Carthage, Makalou estime que « l’image très favorable de la Tunisie sera à court et moyen termes écornée ».
Un constat partagé par Bassem Neifar, pour qui l’ampleur de cette crise va au-delà de la campagne de boycott des produits acheminés vers les pays de l’Afrique subsaharienne qui se limitent à moins de 3 % du total des exportations tunisiennes. « Des experts comptables aux cabinets de consulting et de formation, les affaires des Tunisiens sur les marchés africains demeurent menacées », craint l’analyste.
En moins d’un an, les opérateurs tunisiens se trouvent au cœur d’une deuxième campagne de boycott de leurs produits en terres africaines. La première a été déclenchée à la suite de l’accueil réservé par le président tunisien, Kaïs Saïed, au président de la République arabe sahraouie démocratique (RASD), Brahim Ghali, en marge de la huitième édition du sommet Afrique-Japon, Ticad, organisé à Tunis. En août 2022, la Fédération marocaine des droits du consommateur avait appelé boycotter les produits tunisiens.
Jeune Afrique