Sur les écrans cette semaine, le premier long-métrage de Valentina Maurel, «Tengo sueños electricos», «J’ai des rêves électriques» met en scène la relation tourmentée entre un père et sa fille. Les deux comédiens ont été récompensés par deux prix d’interpétration au festival de Locarno en 2022 et le film a eu le prix de la section Horizontes latinos à San Sebastian.
De quelle couleur pourraient être les rêves électriques d’Eva ? Bleu électrique comme la couleur que lui suggère sa mère pour repeindre les murs de sa chambre ? Rouge comme la colère qui semble habiter en permanence l’adolescente aux sourcils froncés et au regard noir ?
« J’ai des rêves électriques dans lesquels mon père, quand il ne peut réparer quelque chose, le fracasse au sol
il s’énerve, crie, insulte
on s’aime à cris, parfois à coups… »
Deux prix d’interprétation à Locarno
La famille d’Eva, seize ans, c’est une petite sœur et un chat perturbés par les tensions familiales, une mère danseuse – la très belle Vivian Rodríguez Barquero est Anca – qui tente de rassembler le puzzle explosé de sa famille et de sa maison. Et enfin Martin, le père, un traducteur hypocondriaque, sans le sou, qui essaie de se construire une nouvelle vie, s’inventant peintre-sculpteur-poète. Et Eva donc, une adolescente qui, elle, tente de s’approprier la sienne.
Et cela commence par son corps. Eva, interprétée par Daniela Marín Navarro, prix d’interprétation à Locarno l’an passé (comme Reinaldo Amien Gutiérrez qui interprète Martin), est tout le temps à l’image, souvent filmée en gros plan, à fleur de peau. Elle se gratte, se renifle, se masturbe, explore ce corps qui change et qu’elle découvre (une veine précédemment explorée par Valentina Maurel dans son court métrage Lucia en el limbo). Elle se bat aussi… avec son père.
Une violence intime à l’image de la violence quotidienne : celle des images télévisées que la mère Anca a proscrites, celle de la bagarre de rue entre jeunes, tandis que trois vieux musiciens de rue interprètent un célèbre boléro (Vete de mi), celle de la course poursuite en voiture… Une violence à plusieurs niveaux, banale presque, loin de toute altérité exotique, revendique la réalisatrice.
« Le public européen attend du film latino-américain qu’il soit un objet culturel, alors qu’il faudrait qu’il soit simplement un objet de cinéma », explique Valentina Maurel qui, après avoir quitté le Costa Rica pour faire des études en Europe, y est retournée pour y filmer, s’inscrivant dans un renouveau du cinéma national avec de nombreux réalisateurs et réalisatrices comme Ariel Escalante Meza, Paz Fabrega, Alexandra Latishev Salazar, Carolina Arias ou encore Nathalie Álvarez Mesen dont les films tournent dans les festivals, mais peu encore en salles.
Des films qui explorent l’intimité des relations amicales ou amoureuses, la vie familiale, à rebours d’un cinéma « exotisant ».
RFI