La Française Eugénie Duval de la formation FDJ-Suez-Futuroscope incarne le changement du cyclisme féminin ces dernières années, elle qui a débuté sa carrière en 2015 alors que les filles se débrouillaient tant bien que mal pour exercer leur passion. La saison féminine a débuté en janvier en Australie.
Eugénie Duval, c’est un peu la mémoire du cyclisme féminin de ces dernières années. Elle n’a pas eu besoin de vivre des siècles pour voir la transformation de son sport, qui a évolué à la vitesse d’un TGV. En presque une décennie, Eugénie Duval est passée de la petite camionnette, où il fallait se changer tant bien que mal dans un espace étriqué, avec parfois la pluie et le froid dehors, au bus « cinq étoiles », équipé comme chez les garçons. Les filles ont désormais droit au congé maternité et l’Union cycliste internationale (UCI) a instauré un salaire minimum en World Tour, la plus haute division mondiale, qui regroupe actuellement 14 formations.
Terminé le plat de pâtes froides
« Quand il fait deux degrés, que tu termines ta course frigorifiée et que tu n’as pas d’endroit décent pour te changer après plusieurs heures de vélo, c’est dur. Aujourd’hui, tu entres dans le bus, il y a du chauffage et il y a un plat chaud. C’est le luxe », commente sans animosité Eugénie Duval.
Fini le sandwich fait maison ou le plat de pâtes froides qui attend dans un récipient en plastique type Tupperware. La débrouillardise a enfin laissé place au professionnalisme. À 29 ans, la doyenne de la formation française FDJ Suez-Futuroscope, par son ancienneté, a donc tout connu dans cette équipe de la Vienne, qui se nommait Poitou-Charentes Futuroscope 86 à son arrivée en 2015.
« À mes débuts, les objectifs étaient les Coupes de France amateurs. Désormais, on court le calendrier World Tour, avec les Classiques comme Liège-Bastogne-Liège et les Grands Tours, s’enthousiasme Eugénie Duval. Lors de mes premières courses, on arrivait avec un assistant pour six athlètes. Maintenant, on se déplace avec trois assistants, un kiné, un ostéopathe, tout a évolué. Et l’évolution va continuer après moi. Il me semble que la machine est bien lancée. »
« On se sent plus respectées »
Pourtant, sa génération n’imaginait absolument pas vivre du vélo. Eugénie Duval, qui pratique le cyclisme depuis l’âge de six ans, est arrivée au bon moment et savoure. Dans ses yeux, le regret que les filles, plus âgées, qu’elle a côtoyées à ses débuts, n’aient pas eu la chance de connaître ce nouvel âge d’or. « Ce n’est plus le même vélo, lâche-t-elle. On se sent plus respectées. Maintenant, on ne vient pas participer à une course et se sentir heureuses quand on termine. Maintenant, on vient pour gagner ».
En 2022, la FDJ-Suez-Futuroscope a vécu la saison la plus prolifique de son histoire avec 17 victoires (8 en World Tour). L’équipe a notamment remporté deux classiques : l’Amstel Gold Race et la Flèche wallonne. Sur un effectif de quatorze coureuses, huit ont levé les bras. Point d’orgue de la saison, la victoire d’étape de Cecilie Uttrup Ludwig sur le Tour de France féminin ressuscité.
Le soutien du frère
« Oui, au début, nous étions plus petits que les équipes amateurs françaises chez les hommes. Eugénie Duval a dû être patiente et tenace, raconte le manager de l’équipe, Stephen Delcourt. Chaque année, elle a découvert les améliorations pour combler le fossé entre le cyclisme masculin et féminin. Aujourd’hui, nous sommes structurés, parfois mieux que dans des équipes masculines, mais nous ne sommes pas dans la comparaison, nous voulons écrire notre propre histoire. Les filles ont de bons salaires, une structure sérieuse, et Eugénie (Duval) le mérite ». La formation française FDJ Suez compte désormais environ 40 salariés, et fonctionne comme une véritable PME. En 2023, le budget de l’équipe devrait s’élever autour de 3 millions d’euros.
Eugénie Duval a aussi profité de l’expérience de son frère, Julien, professionnel de 2012 à 2021. « Il m’a beaucoup soutenue. C’est un sport où l’on passe par des hauts et des bas, et il me comprenait. Cela a été un plus pour moi », avoue celle qui rêve de participer au Tour de France féminin 2023. « On a tellement attendu cette course, maintenant qu’elle est là, j’aimerais y participer », conclut celle qui se réjouit de la nouvelle médiatisation du cyclisme féminin.
RFI