Le Sénat dominé par la droite a adopté mercredi soir, au terme d’une vive bataille de procédure avec la gauche, l’article clé du projet de réforme des retraites portant de 62 à 64 ans l’âge légal de départ en retraite en France.
C’est une mesure-phare, rejetée par une large majorité de Français, selon tous les sondages d’opinion. Le Sénat, dominé par la droite, a approuvé dans la nuit du mercredi au jeudi 9 mars l’article 7 du projet de réforme des retraites qui prévoit de reculer l’âge légal de départ à la retraite de 62 ans à 64 ans.
L’article 7 du projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale a été adopté avec 201 voix pour et 115 contre, sur 345 votants. « Je me réjouis que les débats aient permis de parvenir à ce vote », a tweeté la Première ministre Élisabeth Borne.
Silencieuse depuis le début de l’examen du texte, jeudi dernier, la majorité sénatoriale a sorti sur cet article depuis la nuit dernière l’artillerie lourde du règlement pour accélérer les débats face à « l’obstruction » de la gauche. Celle-ci s’est indignée d’un « coup de force ».
« Vous bâclez le débat », « la prétendue sagesse du Sénat en a pris un coup », a critiqué la cheffe des sénateurs communistes Éliane Assassi. « Jamais nous n’accepterons que vous mélenchonisiez le Sénat », a rétorqué son homologue des Républicains, Bruno Retailleau.
Les débats à la chambre haute reprennent jeudi matin à 10 h 30 autour d’un amendement polémique de Bruno Retailleau qui plaide pour que l’extinction progressive des régimes spéciaux, votée à l’article 2, s’applique aux salariés déjà en poste.
Porte close d’Emmanuel Macron aux syndicats
De son côté, l’intersyndicale, qui veut continuer à mettre la pression avec une nouvelle mobilisation samedi et la multiplication des actions, a demandé à être reçue « en urgence » par le chef de l’État « pour qu’il retire sa réforme ».
« La porte du ministre du Travail, Olivier Dussopt, reste toujours ouverte », leur a répondu mercredi la Première ministre au Sénat, assurant que « le gouvernement est toujours prêt et ouvert au dialogue », et que c’est « dans la concertation et dans le dialogue que ce texte a été construit ».
Plus tôt, le porte-parole du gouvernement Olivier Véran avait expliqué que le président de la République « respectait les institutions (…) aujourd’hui, c’est le temps parlementaire qui a cours ». « Ce serait une erreur si le président recevait » les syndicats, qui « veulent repersonnaliser le débat autour de ‘pour ou contre le président' », a estimé une source gouvernementale. « Le président n’a pas à entrer là-dedans. »
Emmanuel Macron, qui avait fait de la réforme un pilier de son programme présidentiel, est resté en retrait depuis sa présentation début janvier, laissant la Première ministre et son gouvernement en première ligne.
Élisabeth Borne compte sur un vote des Républicains pour éviter d’utiliser le 49.3 (adoption d’un texte sans vote), qui serait perçu comme un passage en force. D’autant que, de l’aveu même d’Olivier Véran, le projet « n’emporte pas l’adhésion d’une majorité de Français ».
C’est pourquoi Emmanuel Macron devra « reformuler un projet pour le pays » et ainsi « ouvrir une page nouvelle » du quinquennat à l’issue de la réforme des retraites, a jugé mercredi le président du MoDem François Bayrou.
La majorité saura-t-elle se montrer unie ? Ne pas voter la réforme serait « déloyal », a prévenu sur Franceinfo la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, à l’intention des élus macronistes récalcitrants.
L’exécutif veut aller vite et parie sur un essoufflement du mouvement social
Le gouvernement espère ainsi obtenir rapidement une première victoire avec le vote par la chambre haute de l’ensemble du texte d’ici la date butoir de dimanche. Devrait alors s’ensuivre une commission mixte paritaire réunissant plusieurs sénateurs et députés. S’ils s’accordent sur un texte, l’adoption définitive de la réforme pourrait intervenir le 16 mars.
Faute d’accord, l’Assemblée nationale aura le dernier mot avec le risque de devoir mettre en œuvre sa réforme contestée par ordonnances en l’absence de validation par les députés.
L’exécutif parie aussi sur un essoufflement du mouvement social. « La France n’est pas à l’arrêt » comme promis par les syndicats et « on est très loin du record » que les syndicats « revendiquent », relativisait-on de source gouvernementale.
Les syndicats ont fait descendre dans la rue, mardi, 1,28 million de manifestants selon la police, 3,5 millions d’après la CGT. Mais les taux de grévistes sont restés en-deçà des records, tandis que la circulation des trains et métro parisiens s’améliorait mercredi. La circulation des trains restera encore « fortement perturbée » jeudi, selon la SNCF, mais celle des transports parisiens s’améliorera, selon la RATP.
Mercredi, des manifestations de moindre ampleur ont eu lieu en lien avec la Journée internationale des droits des femmes. Selon les secteurs, des blocages étaient en cours dans plusieurs grands ports d’après la CGT. Des routes ont été bloquées et, partiellement, plusieurs établissements d’enseignement à travers le pays.
La CGT-Chimie a affirmé que les expéditions de carburants étaient toujours bloquées à la sortie des raffineries, où le ministre des Transports, Clément Beaune, a menacé de faire intervenir les forces de l’ordre.
AFP