Le premier essai randomisé chez des humains en bonne santé testant l’impact de la restriction calorique sur le vieillissement montre que cette intervention pourrait ralentir le vieillissement biologique. Mais cet effet serait limité.
Manger moins pour vivre plus longtemps ? Plusieurs études récentes montrent que le fait de manger moins de calories (ce qu’on appelle la restriction calorique) aurait des effets bénéfiques sur la santé… au point qu’elle pourrait même rallonger la durée de vie. Ce rallongement de la longévité a été observé chez des souris, entre autres animaux. Résultats qui suggèrent que manger moins pourrait ralentir le processus de vieillissement cellulaire, comme cela a été mis en évidence chez des cellules de rat. Pour le moment, nous n’avions aucune preuve de cet effet bénéfique sur le vieillissement chez l’humain. Mais le premier essai randomisé chez des humains en bonne santé montrerait que, nous aussi, pourrions bénéficier de cette aubaine sur la durée de vie, même si l’effet semble faible.
Estimer le vieillissement biologique après 24 mois de restriction calorique
L’étude, réalisée à l’Université Columbia aux États-Unis et publiée le 9 février 2023 dans la revue Nature Aging, a évalué l’effet de diminuer de 25 % la quantité de calories consommées durant deux ans. Un total de 220 adultes en bonne santé, âgés entre 20 et 50 ans (avec une moyenne de 38 ans) dont 70 % de femmes (avant la ménopause) ont été séparés au hasard dans deux groupes : 105 ont suivi un régime de restriction calorique et 59 pouvaient manger autant qu’ils le voulaient. La diminution calorique a été calculée en fonction des besoins caloriques de chaque individu au début de l’étude (estimés après un suivi de deux semaines avant le début de l’intervention).
Pour analyser le vieillissement, les chercheurs ont étudié le taux de méthylation de l’ADN, un mécanisme qui fait partie de l’épigénétique, qui contrôle l’expression des gènes. Cette méthylation change au cours du vieillissement, ce qui permet d’estimer l’âge biologique d’une personne. Pour cela, ils ont collecté des échantillons sanguins des participants au début de l’intervention, 12 mois après, et à la fin de l’étude (24 mois après). Trois méthodes de calcul ont été utilisées pour calculer l’âge biologique à partir de la méthylation de l’ADN et ainsi estimer le taux de vieillissement entre ces trois moments.
Cette intervention aurait un effet faible sur la vitesse de vieillissement
Sans surprise, l’âge biologique de tous les participants augmentait avec le temps. Mais la vitesse de ce vieillissement semblait un peu plus faible dans le groupe de restriction calorique : leur taux de vieillissement ralentissait d’environ 2 à 3 % par rapport à celui des personnes sans restriction alimentaire. Cependant, ce résultat n’est pas très solide puisqu’il a été observé uniquement avec une des trois méthodes de calcul (pas de différence avec les deux autres). Il n’y avait pas de différence significative entre les hommes et les femmes.
Ce faible effet pourrait être dû à une restriction calorique plus faible que prévu. En effet, la plupart des participants dans ce groupe n’ont pas réussi à réduire de 25 % leur prise calorique, la moyenne étant à peine à 12 %. Mais l’effet semble bien réel puisqu’il dépendait de la « dose » du traitement : ceux ayant réussi une restriction calorique de plus de 10 % montraient un ralentissement plus notable du vieillissement cellulaire que ceux avec moins de 10 % de restriction. En revanche, il est évidemment impossible de conclure que la restriction calorique a en effet un impact sur la longévité puisque les participants de l’étude n’ont pas été suivis au-delà des deux ans de l’essai.
Rallonger la durée de vie ne veut pas forcément dire ralentir le vieillissement
Ces premiers résultats chez l’humain sont encourageants, mais nécessitent d’être confirmés en étudiant d’autres marqueurs du vieillissement cellulaire. Car il est possible que ce qui soit observé ne soit pas un vrai effet sur le vieillissement, mais sur l’état de santé des individus, ce qui n’est pas forcément la même chose. Cette même étude avait déjà montré que la restriction calorique améliorait par exemple la santé cardiaque des participants (résultats publiés en 2019), entre autres marqueurs physiologiques de l’état de santé. Il se pourrait que les modifications épigénétiques mises en évidence par l’essai reflètent cette amélioration de la santé et pas le vieillissement, notamment car deux des trois méthodes de calcul utilisées ne montraient pas d’effet de l’intervention.
Ce qui rappelle des résultats obtenus en novembre 2022 par des chercheurs allemands (publiées dans Nature Communications), qui montraient chez la souris que plusieurs interventions qui rallongent la vie des souris n’auraient pas de réel effet sur le vieillissement. Par exemple, le jeûne intermittent, régime proche de la restriction calorique, améliore plusieurs aspects de la santé, mais cette amélioration ne dépend pas de l’âge. C’est-à-dire, selon les auteurs, que ce régime rallonge la vie en diminuant les risques de décès, pas en ralentissant le vieillissement. Les conclusions de cet essai de l’Université Columbia sont donc à prendre avec précaution, en attendant leur confirmation, avant de pouvoir affirmer que manger moins peut réellement ralentir le passage du temps sur nous.
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