La présence d’un ministre à une manifestation n’est pas un fait inédit, mais reste un geste politique important.
De prime abord, c’est une situation assez cocasse, qui pourrait se résumer ainsi : le ministre en charge de la police, Gérald Darmanin, va saluer une manifestation de policiers devant l’Assemblée nationale qui demande aux députés, au gouvernement, au ministre de la Justice, plus de sévérité et des peines automatiques pour ceux qui agressent des forces de l’ordre.
Gérald Darmanin va donc se mêler à une protestation de rue qui lui demande d’agir. Cela n’est pas banal, c’est même inédit pour un ministre de l’Intérieur.
S’agit-il de moyen de faire pression sur Eric Dupond-Moretti ? Non, d’autant que le garde des Sceaux envisage lui aussi de se rendre à la manifestation. Gérald Darmanin, explique son entourage, veut d’abord montrer son soutien aux policiers, à des effectifs meurtris et en colère.
Ils ont connu deux drames en moins de quinze jours. Des drames qui ont profondément marqué dans les commissariats. Des drames qui viennent s’ajouter à tout ce qu’ont enduré les forces de l’ordre ces dernières années. Les attentats et les gilets jaunes, notamment.
Un terrain très politique
S’agit-il donc d’un simple soutien du premier flic de France aux policiers ? Ce n’est pas aussi simple. Gérald Darmanin occupe aussi un terrain très politique. À la manifestation de demain, toute la classe politique, sauf à priori les écolos et la France Insoumise qui ont un problème récurrent avec l’autorité, toute la classe politique sera dans le rassemblement.
Il y aura Les Républicains, le Parti socialiste, le Parti Communiste et, c’est bien le souci numéro un de Gérald Darmanin, le Rassemblement National.
Marine Le Pen est pour les peines automatiques pour ceux qui attaquent les policiers. Xavier Bertrand aussi. Le gouvernement ne veut pas, explique un conseiller, « laisser les autres s’auto-attribuer une présomption de fermeté et faire passer le gouvernement pour laxiste ».
Cela dit, Gérald Darmanin, sinon par le verbe, ne peut pas participer à une surenchère sécuritaire. Il ne se ralliera pas aux peines automatiques.
Étouffer ceux qui veulent récupérer le mouvement
Des ministres qui apparaissent dans des manifestations syndicales, ce n’est pas courant. Mais c’est déjà arrivé : Gabriel Attal et Brune Poirson, alors en charge au gouvernement de la Jeunesse et au ministère de la Transition écologique, s’étaient rendus dans des manifestations pour le climat. Des manifestations qui, là aussi, demandaient au gouvernement d’agir.
La place d’un ministre ou d’une ministre est-elle au milieu des banderoles ? Plutôt que d’agir ? Est-elle un aveu d’impuissance ? S’afficher pour une cause est d’abord une façon d’étouffer ceux qui voudraient aussi la récupérer.