Lors de la fragmentation des continents, la croûte s’étire et se déforme jusqu’à la rupture. Mais la partie de manteau qui se trouve juste en dessous subit le même sort. Une nouvelle étude détaille les mécanismes de ce processus.
L’ouverture continentale est l’une des étapes clés du grand cycle tectonique qui régit la dynamique de la surface terrestre. Plusieurs fois au cours des temps géologiques, les masses continentales se sont en effet regroupées en supercontinents avant de se fragmenter. Nous connaissons actuellement la phase maximale de la fragmentation continentale, résultat de la dislocation de la Pangée, dernier supercontinent en date.
Les limites des continents que nous observons aujourd’hui, les marges, sont ainsi les témoins de cette fragmentation. Or, la façon dont un continent s’ouvre et donne naissance à un nouvel océan est encore mal comprise, en dépit du nombre important d’études sur le sujet.
Naissance de deux plaques lithosphériques : rupture de la croûte et du manteau
Cette phase de transition, qui se caractérise par un amincissement extrême de la croûte continentale puis par la mise en place d’une nouvelle croûte océanique, implique en effet plusieurs étapes qui s’étagent sur des dizaines de millions d’années. L’ouverture du rift est-africain, qui mène lentement mais sûrement à la séparation de la corne de l’Afrique du reste du continent, en est un bon exemple actuel. On y voit le jeu d’une multitude de failles normales, qui découpent la croûte continentale et l’amincissent. Bien que ce soit la croûte que l’on voit s’étirer, elle n’est cependant pas la seule à se déformer durant le processus.
Le manteau sous-jacent, nommé manteau lithosphérique, subit lui aussi une intense déformation. Car ces deux unités géologiques, de composition pourtant très différente, agissent de manière plus ou moins couplée durant le processus de rifting. Ce manteau, lui aussi, s’étire et s’amincit, jusqu’à la rupture. Cette dernière, appelée rupture lithosphérique, peut avoir lieu avant, pendant ou après la rupture de la croûte continentale. Elle va être le point final à l’évolution tectonique de la marge en permettant la naissance d’une nouvelle dorsale océanique. C’est ainsi qu’une plaque lithosphérique se sépare en deux entités conjuguées.
De la déformation et du magma
Au contraire de la déformation de la croûte, la déformation qui affecte le manteau lithosphérique est plus difficile à qualifier et à quantifier, tout simplement parce que ce niveau profond est moins accessible sur les marges actuelles.
La façon dont le manteau se déforme est pourtant l’un des éléments majeurs qui gouverne la structure finale de la zone de transition qui se crée entre le continent et le futur océan.
En fonction du contexte (vitesse d’extension, température et composition du manteau), cette déformation peut permettre la production de magma, dans des quantités très variables.
C’est ainsi que l’on observe aujourd’hui des marges dites volcaniques et des marges dites peu magmatiques. Ces dernières sont particulièrement intéressantes pour l’étude des processus tectoniques car la déformation du manteau y est bien plus importante.
Des failles dans le manteau qui permettent l’extrusion du magma
Sur les marges peu magmatiques, la rupture du manteau lithosphérique a lieu généralement après la rupture de la croûte continentale. Lorsque la croûte se rompt définitivement, l’extension est alors accommodée par l’exhumation des roches du manteau. De nombreuses marges peu magmatiques présentent ainsi un domaine plus ou moins large de manteau exhumé et serpentinisé (altéré par l’eau de mer) entre le dernier morceau de croûte continentale et le début de la croûte océanique.
C’est le cas notamment de la marge ivoirienne, dont la structure a été étudiée récemment par une équipe de scientifiques.
Grâce à des données de sismique réflexion, qui produisent une sorte d’échographie du sous-sol, les chercheurs ont pu reconstruire en 3D l’architecture de cette marge et modéliser les processus en jeu. Les résultats, soumis à la revue Geochemistry, Geosphysics, Geosystems, montrent que le manteau lithosphérique aurait été d’abord affecté par de grandes zones de cisaillement permettant son amincissement. Puis, en se couplant aux failles affectant la croûte continentale sus-jacente, ces zones de cisaillement auraient initié la phase d’exhumation prenant le relais de la rupture crustale.
Plusieurs failles de détachement exhumant du manteau se seraient ainsi connectées les unes aux autres, formant un réseau de failles anastomosé au sein du manteau lithosphérique, facilitant son hyper-extension, l’initiation du volcanisme et la rupture finale.
Cette étude confirme les structures déjà observées sur d’autres marges actuelles mais également sur des marges fossiles (notamment dans les Alpes). Elle met également en évidence le lien fort qui existe entre la déformation du manteau lithosphérique et le magmatisme durant les derniers stades d’évolution des marges peu magmatiques.
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