Les paupières qui tombent : le signe d’une maladie neurologique ?

Lorsque la paupière supérieure s’affaisse, amenant une perte du champ visuel plus ou moins importante, on parle de ptôsis. Souvent d’origine neurologique, leur prise en charge est variable en fonction des causes. La docteure Donia Mahjoub, neurologue, répond à nos questions.

Aussi appelée ptôse palpébrale ou blépharoptôse, le ptôsis correspond à l’affaissement des paupières supérieures. « La paupière supérieure est mobile et est relevée par l’action du muscle supérieur de la paupière et innervée par le nerf III » (ndlr 3e nerf crânien ou nerf oculomoteur commun), rappelle la Dre Mahjoub.

Dre Donia Mahjoub, neurologue : Le ptôsis correspond donc à une impotence fonctionnelle, plus ou moins importante, du muscle releveur de la paupière qui peut être liée à une lésion du muscle, de son aponévrose ou des connexions nerveuses.

Il peut toucher un seul oeil ou les deux, et être congénital ou acquis.

Quelles sont les différentes causes neurologiques des paupières tombantes ?
Lorsqu’il est congénital, le ptôsis est lié à l’impuissance de son muscle releveur, généralement consécutif à sa dystrophie.
Quand il survient au cours de la vie, il peut avoir différentes causes.

Une dissection carotidienne
La dissection de l’artère carotide désigne une déchirure dans la paroi de cette artère, qui transporte le sang vers le cerveau. Elle est généralement causée par une extension du cou, suite à un choc ou à un mouvement brutal lors de la pratique d’un sport. « Cette déchirure provoque un ptôsis, auquel est associé une paralysie musculaire oculomotrice, un défaut d’accommodation de la pupille et une douleur cervicale », décrit la neurologue.

Un AVC
L’accident vasculaire cérébral (AVC) correspond à un déficit neurologique brutal d’origine vasculaire. Il peut provoquer des symptômes oculaires de plusieurs types, dont le syndrome de Claude Bernard-Horner. On l’observe principalement dans les AVC par dissection carotidienne, et il est caractérisé par un ptôsis, auquel est associé un rétrécissement des pupilles (myosis) et un enfoncement des yeux dans les orbites appelé énophtalmie.

Un diabète
Le ptôsis provoqué par le diabète est périphérique et douloureux, lié à une mononeuropathie du nerf III. Il survient alors brutalement, en quelques heures, sur terrain diabétique de type 2 souvent léger, voire méconnu. Il est alors révélateur du diabète.

L’ophtalmoplégie externe progressive
L’ophtalmoplégie externe progressive est une maladie mitochondriale qui affecte les muscles, en occasionnant une faiblesse musculaire, des douleurs et une fatigue. Le ptôsis fait partie des symptômes courants. « Ce ptosis est généralement bilatéral, et s’accompagne souvent d’autres paralysies avec parfois une atteinte cardiaque, une épilepsie et une atteinte laryngée », détaille la Dre Mahjoub.

Une myasthénie
La myasthénie est une maladie auto-immune rare, caractérisée par un dysfonctionnement de la transmission neuromusculaire à l’origine d’un ptôsis et d’une diplopie (vision dédoublée) d’évolution fluctuante au cours de la journée.

« Le ptôsis myasthénique peut apparaitre au moindre effort musculaire ou d’un effort d’attention. Il peut être unilatéral, bilatéral ou à bascule », indique la neurologue. Cette maladie présente des risques d’atteinte des muscles respiratoires et nécessite donc un suivi avec le neurologue.

Le vieillissement : la dermatochalasis
L’atteinte du muscle releveur peut enfin être causée par le vieillissement, auquel s’ajoute la perte d’élasticité de la peau : on parle de dermatochalasis. C’est une pathologie fréquente qui touche une grande partie de la population. Elle peut être responsable d’une gêne visuelle, en limitant le champ visuel supérieur.

La maladie de Steinert
La maladie de Steinert est due à une anomalie génétique située sur le chromosome 19. Il s’agit de la répétition en quantité élevée d’une petite séquence d’ADN (triplet de nucléotides CTG) au niveau du gène DMPK. Elle débute habituellement vers 30 ans, mais peut survenir plus tôt dès l’adolescence. Elle se manifeste par une atteinte musculaire avec une faiblesse musculaire et une atrophie musculaire.

Pourquoi j’ai un oeil plus petit que l’autre à cause d’une paupière lourde ?
Lorsque l’affaissement de la paupière supérieur est unilatéral et de survenue brutale, il est généralement secondaire à l’atteinte du nerf III. Les deux causes principales sont alors l’accident vasculaire cérébral et le diabète.

« Un ptôsis unilatéral et de survenue brutale est à traiter en urgence, car il peut révéler un AVC. Il faut absolument faire un examen d’imagerie (IRM du crâne et des vaisseaux du cou) pour poser le diagnostic », insiste la neurologue. Le neurologue et l’ophtalmologiste vont faire un bilan conjoint pour déterminer la cause du ptôsis.

Si l’AVC est écarté et que le ptôsis est lié au diabète, il convient de rassurer le patient : ce ptôsis est inesthétique mais pas grave. Il va normalement régresser spontanément une fois le diabète régulé.

Comment guérir du ptôsis ?
La prise en charge du ptôsis dépend bien entendu de sa cause sous-jacente. Bien souvent, le traitement de la cause permet une régression spontanée de la ptôse.

« Lorsqu’elle est consécutive à un AVC, le patient est pris en charge en unité vasculaire et c’est le traitement de l’AVC qui fera régresser la symptomatologie, si la prise en charge a été précoce », explique la Dre Mahjoub. Dans le cas contraire, une intervention chirurgicale peut s’avérer plus tard nécessaire.

Le ptôsis d’origine diabétique a tendance à régresser spontanément avec le traitement du diabète, lorsque la glycémie est régulée.
En cas de myasthénie, la prise en charge doit être urgente pour éviter l’atteinte des muscles respiratoires. Le traitement repose sur des anticholinestérasiques.

Lors d’une dissection carotidienne : un traitement antithrombotique est nécessaire afin de prévenir un AVC ou une récidive. Ce traitement comprend des anticoagulants ou des antiplaquettaires.

« Seuls les ptôsis liés à une maladie génétique mitochondriale, ou au vieillissement, sont finalement traités chirurgicalement sans autre traitement spécifique », conclut la neurologue.

Opération : comment relever et rehausser les paupières tombantes ?
Lorsque le ptôsis est invalidant et entraîne un déficit du champ visuel supérieur significatif ou des difficultés de lecture, la chirurgie est recommandée. Elle est alors décidée de manière conjointe entre le médecin et le patient.

Trois types de chirurgie sont proposées :

_le raccourcissement ou plicature : qui consiste à repositionner le muscle releveur par voie externe transcutanée,

_la suspension au muscle frontal par voie externe,

_la résection conjonctivo-mullérienne par voie interne transconjonctivale, pour les ptôsis les plus légers.

L’une ou l’autre de ces techniques sera proposée en fonction du type et du degré de ptôsis ainsi que de la plus ou moins bonne fonctionnalité du muscle releveur de la paupière.

santemagazine

You may like