Le régime présidentiel menace la démocratie en Afrique. C’est le constat fait par la Société civile, des magistrats et des anciens décideurs publics. A Dakar, dans le cadre d’un colloque, ces derniers appellent à la réforme de l’hyper présidentialisme.
Le modèle démocratique dans le monde est-il arrivé à bout de souffle ? Si pour l’heure, la montée du populisme et l’arrivée de l’Extrême droite dans certaines régions du monde semblent le confirmer, quelques lueurs d’espoir peuvent laisser penser le contraire. En tout état de cause, en Afrique de l’Ouest, une région secouée par la crise politico-sécuritaire, la nécessité de repenser les transitions démocratiques est la volonté la mieux partagée.
Dans le but d’y parvenir, la Société civile anticipe. C’est ainsi qu’à Dakar, des anciens ministres de la Justice, des Affaires étrangères, des parlementaires, des décideurs publics et des magistrats se réunissent pour 3 jours depuis hier, pour «repenser les transitions démocratiques en Afriques de l’Ouest».
D’après Alioune Tine, l’Afrique de l’Ouest est secouée par la crise de la démocratie électorale, de la démocratie constitutionnelle, de la gouvernance et celle de la sécurité. «Depuis 2011, se sont amorcées un peu partout en Afrique de l’Ouest, des tendances lourdes à l’autoritarisme, à la fraude électorale et les changements constitutionnels pour conserver le pouvoir. Cela crée des tensions, des violences politiques et même des insurrections. Il faut constater le déclin partout dans le monde, de la performance des élections.
Elle est en passe de devenir une réelle menace pour la paix et la stabilité», a constaté le coordonnateur d’Afrikajom Center. Pour celui qui est par ailleurs consultant-expert de l’Onu au Mali, la principale source du problème est le régime présidentiel. «La démocratie constitutionnelle pose le problème de l’organisation des pouvoirs. Il faut repenser le régime présidentiel exacerbé par un hyper président, qui concentre entre ses mains tous les autres pouvoirs.
Le président de la République est souvent le président de la coalition au pouvoir. Par le jeu des nominations, il contrôle toutes les institutions économiques, politiques et judiciaires. Cela crée un Etat partisan aux intérêts partisans, au lieu d’être au service de l’intérêt commun.»
Ainsi, le droit-de-l’hommiste estime que cette hyper-concentration des pouvoirs est à la base de la crise de la gouvernance. «La crise de la gouvernance est souvent exacerbée par toutes les autres crises. Elle est souvent la question justifiée des coups d’Etat militaires», a-t-il averti.
A la question de savoir si le Sénégal, longtemps considéré comme la vitrine de la démocratie en Afrique, est en train de basculer, Alioune Tine a préféré botter en touche en affirmant que la recherche de solution était la raison de la tenue de cette rencontre. En tout cas, pour Ebrahima Sall, le Directeur exécutif de Trust Africa, «il y a un sérieux problème dans le rapport entre gouvernés et gouvernants. Il faut travailler à rétablir la confiance. Cela ne se fait pas qu’avec le dialogue. Les solutions structurelles ont une grande partie à jouer».
Dans la même logique, Robert Dossou, avocat au Barreau de Paris, ancien président de la Cour constitutionnelle, ancien ministre des Affaires étrangères et ancien bâtonnier du Barreau du Bénin, estime qu’il ne peut y avoir de démocratie sans une Justice indépendante. Et cette dernière ne peut avoir son éclosion dans la transition informelle dans laquelle nos Etats sont depuis les indépendances.
«Il y a une captation des organes de l’Etat, une captation des richesses de la Nation et les conséquences de ces deux situations. L’Exécutif fait une captation des organismes, aidé par le présidentialisme», a-t-il affirmé.
lequotidien