Les trois pays membres de l’alliance Aukus (États-Unis, Royaume-Uni et Australie) se réunissent, ce lundi 13 mars, aux États-Unis pour un sommet qui abordera le dossier des sous-marins nucléaires attendus par l’Australie. Il faut dire qu’avec ce partenariat tripartite destiné à contrer l’influence de la Chine dans la zone Indo-Pacifique, la France voyait s’envoler un contrat d’armement de plusieurs milliards d’euros avec Canberra pour l’achat d’une douzaine de sous-marins.
Le sommet sera présidé par Joe Biden à San Diego (Californie) et après 18 mois de négociations, l’Australie devrait officialiser l’achat de cinq à huit sous-marins américains à propulsion nucléaire.
Mais aujourd’hui, le froid diplomatique entre Paris et Washington semble oublié. Pourtant en 2021 Paris n’avait pas de mots assez durs contre l’Aukus. Un « coup dans le dos de l’Australie » et une « décision brutale des États-Unis », disait Jean-Yves Le Drian alors ministre français des Affaires étrangères, en rappelant, décision inédite, l’ambassadeur de France à Washington. Depuis, l’administration américaine a déployé d’importants efforts pour soigner sa relation avec son vieil allié français : une visite à Paris de Joe Biden, suivie d’une visite d’État avec tous les honneurs, d’Emmanuel Macron à Washington, la première visite d’un chef d’État étranger aux États-Unis.
Outre-Atlantique, de nombreux analystes jugent aujourd’hui que la réaction française a sans doute été excessive. C’est le cas de Marc Bergman, directeur du programme Europe au think tank Center for Strategic and International Studies (CSIS) à Washington : « Paris a instrumentalisé la crise Aukus pour obtenir l’attention de Washington. Mais tout au long de cette année, on a vu que la relation entre la France et les États-Unis s’est reconstruite. Cela s’explique en partie par l’invasion de l’Ukraine par Vladimir Poutine qui a resserré les liens entre les leaders français et américains, sur les questions de sécurité.
On a pu le voir avec la visite d’État du président Macron en décembre. Et puis il faut dire aussi que les officiels français n’évoquent plus vraiment l’Aukus. Pour moi, c’est le signe que les Français ont obtenu ce qu’ils voulaient après cette crise Aukus. Et ils reconnaissent aussi l’avantage stratégique d’avoir des sous-marins à propulsion nucléaire plutôt que les sous-marins conventionnels moins effectifs qu’ils s’apprêtaient à fournir. Du coup, aujourd’hui la relation France-États-Unis est vraiment renforcée après avoir été au plus bas, sans doute depuis l’époque de la guerre en Irak ».
Des sous-marins comme armes de dissuasion
Avec ce pacte Aukus, l’Australie va progressivement recevoir ces sous-marins à propulsion nucléaire au cours de la décennie 2030. Selon le Premier ministre australien, il s’agit du « plus grand bond en avant de l’histoire » de son pays en matière de défense. Ces sous-marins ne sont pas dotés de l’arme nucléaire, mais ils sont très difficiles à détecter et transportent des missiles de croisière très sophistiqués.
Des armes de dissuasion destinées à contrer l’influence de Pékin dans la zone Indo-Pacifique, comme l’explique Charles Edel responsable du programme Australie au think tank CSIS de Washington. « L’Aukus est un partenariat trilatéral destiné à renforcer les capacités de défense de ses membres. Tout cela vise uniquement à rendre ces alliés plus puissants pour être en position de force face à la Chine et la convaincre qu’elle n’opère plus dans un environnement sécuritaire permissif.
Chaque nation membre à ses propres intérêts dans cette alliance, mais finalement, tout cela concerne la Chine, rappelle Charles Edel. Quand l’Aukus a été annoncée pour la première fois, la Chine n’était pas mentionnée. Mais la croissance exponentielle de la puissance militaire de Pékin et son usage de plus en plus agressif depuis 10 ans est clairement la raison qui justifie cette alliance ».
Et cette nouvelle alliance tripartite risque fort de s’agrandir. Plusieurs pays, comme le Japon, frappent déjà à la porte pour rejoindre l’Aukus.
rfi