Pékin a réagi fermement mardi au grand programme de coopération dans le domaine des sous-marins nucléaires lancé la veille par les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Australie. La Chine dénonce une « voie erronée et dangereuse, au profit de leurs seuls intérêts géopolitiques et au mépris total des préoccupations de la communauté internationale ».
La Chine a fustigé mardi 14 mars le spectaculaire programme de coopération dans les sous-marins nucléaires lancé la veille par les États-Unis, l’Australie et le Royaume-Uni, mettant en garde contre une « voie erronée et dangereuse ».
Soucieux de tenir tête à la Chine dans le Pacifique, Washington, Londres et Canberra ont lancé lundi leur alliance baptisée Aukus – annoncée voilà 18 mois au grand dam de Paris qui voyait ses propres sous-marins évincés – et vont s’associer pour construire une nouvelle génération de sous-marins nucléaires, après l’achat prévu par Canberra de plusieurs appareils.
« La dernière déclaration commune des États-Unis, du Royaume-Uni et de l’Australie montre que ces trois pays s’engagent de plus en plus sur une voie erronée et dangereuse, au profit de leurs seuls intérêts géopolitiques et au mépris total des préoccupations de la communauté internationale », a fustigé devant la presse un porte-parole de la diplomatie chinoise, Wang Wenbin.
Pékin avait déjà appelé les trois pays, avant les annonces de lundi, « à abandonner la mentalité digne de la Guerre froide et les jeux à somme nulle ».
La Russie a également réagi mardi par la voix de son ministre des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov. « Le monde anglo-saxon bâtit des structures de bloc comme Aukus, avançant l’infrastructure de l’Otan en Asie, et faisant sérieusement le pari de longues années de confrontation », a-t-il déclaré lors d’un discours à Moscou.
Une coopération « sans précédent »
« Nous nous mettons dans la meilleure position qui soit pour faire face ensemble aux défis d’aujourd’hui et de demain », avait dit lundi le président américain Joe Biden, annonçant une coopération « sans précédent » depuis une base navale de San Diego, entouré des Premiers ministres australien Anthony Albanese et britannique Rishi Sunak. Selon lui, les États-Unis ne peuvent avoir « de meilleurs amis ».
Aucun des trois dirigeants rassemblés à San Diego n’a mentionné explicitement la Chine, mais Joe Biden y a fait implicitement référence, affirmant que l’alliance Aukus devait assurer que « la zone indopacifique reste libre et ouverte ». Une formule qui, dans le jargon diplomatique américain, désigne la volonté de contrer l’influence chinoise dans la région.
Anthony Albanese a souligné que l’Australie fait là « le plus grand investissement » de défense de son histoire. Selon Canberra, ce projet pluridécennal, qui coûtera près de 40 milliards de dollars sur les dix premières années, générera environ 20 000 emplois.
L’Australie est, après le Royaume-Uni, le deuxième pays à avoir accès aux secrets nucléaires de la marine américaine, a insisté Anthony Albanese.
Formation des marins et ingénieurs australiens
Rishi Sunak a également vanté les efforts pour doper son budget de défense du Royaume-Uni, qui s’engage dans « l’accord de défense multilatéral le plus important depuis des générations ».
Le programme de sous-marins d’attaque, qui a l’ambition de remodeler la présence militaire occidentale dans le Pacifique, se déclinera en trois phases, a détaillé la Maison Blanche. Et selon un principe « crucial », martelé par Joe Biden : « Ces sous-marins seront à propulsion nucléaire, mais ne porteront pas d’armes nucléaires », pour respecter le principe de non-prolifération.
Il y aura d’abord une phase de familiarisation de l’Australie – qui n’a pas de sous-marins à propulsion nucléaire ni de technologie nucléaire militaire ou civile. Ses marins, ingénieurs, techniciens seront formés au sein d’équipages américains et britanniques, ainsi que dans les chantiers navals et écoles spécialisées américaines et britanniques.
L’objectif est de déployer, à partir de 2027 et sur un principe de rotation, quatre sous-marins américains et un sous-marin britannique sur la base australienne de Perth (Ouest).
Dans un deuxième temps, sous réserve du feu vert du Congrès américain, l’Australie va acheter trois sous-marins américains à propulsion nucléaire de la classe Virginia, avec une option sur deux supplémentaires. Ils doivent être livrés à partir de 2030.
Des sous-marins d’attaque « SSN Aukus »
Dans la troisième et la plus ambitieuse étape du programme, les États-Unis, l’Australie et le Royaume-Uni vont s’associer pour une nouvelle génération de sous-marins d’attaque baptisée « SSN Aukus ». Cela impliquera un gigantesque effort industriel, surtout pour l’Australie qui doit se doter d’un nouveau chantier naval à Adelaïde (Sud).
Les nouveaux navires, de conception britannique et incorporant des technologies américaines avancées, seront construits et déployés par le Royaume-Uni et l’Australie. Ils doivent être livrés à partir de la fin des années 2030 et du début des années 2040.
Le projet est complexe : « C’est diablement délicat mais pas insurmontable », estime John Blaxland, expert en sécurité internationale à l’Université nationale australienne (ANU).
L’Australie va bâtir de toutes pièces une industrie manufacturière nucléaire de haute technologie, souligne David Andrews, analyste en stratégie militaire à l’ANU. « Il existe des risques dans la manière d’administrer le personnel, construire les lignes de production, gérer les approvisionnements et la maintenance », dit-il à l’AFP. « Nous n’avons pas actuellement beaucoup de capacités pour former les gens comme physiciens ou ingénieurs nucléaires et d’autres spécialités dont nous aurons besoin pour opérer ces sous-marins. »
Les sous-marins à propulsion nucléaire sont difficiles à détecter, peuvent parcourir de grandes distances pendant de longues périodes et embarquer des missiles de croisière sophistiqués.
AFP