Vers un vaccin contre l’asthme allergique, un espoir pour les millions de Français concernés

Un vaccin à base de cytokines contre l’asthme allergique, développé dans l’Hexagone, a montré de bons résultats. Un espoir pour les 4 millions de Français souffrant de cette maladie.

Une étape de plus vers un vaccin contre l’asthme allergique vient d’être franchie. Les chercheurs de l’Institut INFINITy de Toulouse (Inserm, CNRS et Université de Toulouse), de l’Institut Pasteur de Paris et de l’entreprise de Biotechnologie NEOVACS, travaillent actuellement sur un vaccin appelé Kinoïde. Leurs derniers travaux montrent que son injection parvient bien à induire la production d’anticorps clés dans le traitement de l’asthme allergique. Ces premiers résultats positifs, publiés dans la revue Allergy, laissent espérer un essai clinique sur l’humain dans les prochaines années. Explications.

Un vaccin contre des molécules « du soi »
L’asthme allergique représente environ 50% des cas d’asthme, soit 2 millions de personnes en France et 170 millions de personnes dans le monde. Après l’inhalation d’allergènes, principalement des acariens, le système immunitaire s’emballe et entraîne une inflammation des bronches. Les malades touchés éprouvent alors une forte gêne respiratoire. « Les patients atteints d’asthme allergique sont sensibles à certains allergènes, en majorité aux acariens, mais aussi aux pollens et aux moisissures. Lors de leur première exposition à ces substances, leur organisme se met à produire des cytokines particulières [des protéines qui agissent comme « donneuses de signaux », ndlr] et des anticorps appelés immunoglobulines E, abrégés IgE. Une fois réexposés à ces allergènes, ces cytokines et les IgE déclenchent toute une cascade inflammatoire et notamment une libération d’histamine.

C’est ce qui provoque la crise allergique », explique Laurent Reber, à la tête de l’équipe Asthme, allergies et immunothérapie (Inserm/Université de Toulouse), à Sciences et Avenir. Pour le moment, le traitement de référence repose sur des corticoïdes inhalés pour contrôler la maladie. Mais dans les cas sévères, des anticorps monoclonaux ciblant les IgE ou ces cytokines doivent être injectés à vie au patient pour limiter la cascade immunitaire.

Pour venir contrer cet emballement, le vaccin développé en collaboration entre Neovacs et les deux laboratoires académiques a la particularité d’être composé de molécules du soi. Ce vaccin conjugué repose sur une protéine porteuse, une forme mutée et inoffensive de la toxine diphtérique, couplée aux deux cytokines principales de l’allergie appelées IL-4 et IL-13. « La protéine porteuse est très immunogène, comme une molécule du non-soi, l’organisme va produire des anticorps contre elle.

Etant donné qu’elle a été couplée à de l’IL4 et de l’IL-13, le système immunitaire va aussi produire des anticorps contre les deux cytokines », précise le chercheur. Après l’injection, lorsqu’il est réexposé aux allergènes, le corps va continuer de produire les cytokines IL-4 et IL-13 mais elles seront tout de suite bloquées par les anticorps ciblant ces cytokines. Le même principe que pour des vaccins classiques, mis à part que la cible est cette fois une protéine du soi, produite par le corps lui-même et non une cible extérieure comme un virus.

Bientôt un essai clinique
Ces équipes avaient déjà montré l’efficacité d’un vaccin ciblant l’IL-4 et l’IL-13 de la souris chez ce même animal. Cette fois, les souris ont été modifiées pour produire des formes humaines des cytokines IL-4 et IL-13, et ainsi pouvoir tester un vaccin dirigé contre les cytokines humaines. Les résultats se sont encore une fois montrés positifs. En plus d’une réponse d’anticorps neutralisants les cytokines, l’efficacité du vaccin est restée stable jusqu’à au moins trois mois après l’injection (la durée totale de l’expérience). Par ailleurs, les symptômes de l’asthme ont nettement diminué sur les animaux étudiés : les taux d’IgE ont baissé, réduisant l’hyperréactivité des voies respiratoires ainsi que la production de mucus.

Ces résultats ouvrent désormais la voie à un essai clinique. « Notre partenaire NEOVACS est maintenant en train de mettre au point des lots cliniques. Nous visons d’ici à quelques années la mise en place d’un essai clinique de phase I/IIA, avec un nombre limité de patients. » Cette première injection chez l’humain doit d’abord permettre de s’assurer que le vaccin est bien toléré. « Les cibles IL-4 et IL-13 sont déjà validées en clinique, notamment avec des anticorps qui bloquent leur effet ; nous savons que bloquer ces cibles fonctionne », se félicite Laurent Reber.

Si plusieurs millions de Français souffrent d’asthme allergique, l’injection s’adresse en premier lieu aux 10% de malades souffrant d’une forme très sévère. Ces derniers sont traités par des injections d’anticorps ciblant les voies de l’IL-4 et IL-13 tous les mois. Un traitement coûteux d’environ 15 000 euros par an et contraignant pour les malades. Le vaccin n’est donc pas destiné à un usage préventif.

En parallèle de l’asthme allergique, l’IL-4 et l’IL-13 jouent un rôle dans de nombreuses maladies allergiques, comme toutes les allergies alimentaires ou la dermatite atopique. Deux maladies sur lesquelles ces chercheurs travaillent actuellement. Des études précliniques sont en cours avec le même vaccin, afin d’observer si une réponse protectrice est induite dans ces maladies également.

sciencesetavenir

You may like