L’incertitude plane plus que jamais sur le vote de l’Assemblée nationale. La faute à une réforme des retraites purement comptable et à une stratégie politique chaotique.
Devant les députés, mardi 14 mars, Élisabeth Borne y croyait encore. « Une majorité existe » pour voter la réforme des retraites, martelait la Première ministre lors des questions au gouvernement. L’exécutif se tenait prêt, ce jeudi 16 mars, à dégainer l’article 49-3. Mais que le texte soit passé au forceps, voté de justesse ou carrément rejeté, cet épisode laissera des traces. Emmanuel Macron et le gouvernement paient (au moins) trois erreurs.
Première erreur : commencer le quinquennat par une réforme basiquement comptable. Ce projet de loi a un seul véritable objectif : combler un déficit du système de retraites de 13,5 milliards d’euros à l’horizon 2030. Un montant qui peut paraître élevé en valeur absolue, mais qui représente très peu à côté de ce qu’Emmanuel Macron a dépensé au moment de la crise sanitaire : Pierre Moscovici, le patron de la Cour des comptes, a chiffré la facture du « quoi qu’il en coûte » à 440 milliards d’euros de dette supplémentaire…
Commencer ce second quinquennat en dépensant autant de temps, d’énergie et de capital politique pour simplement équilibrer un bilan, était-ce la meilleure option ? Emmanuel Macron en est persuadé car, à ses yeux, la réforme donnerait un signal positif sur le plan extérieur (aux marchés financiers et à aux « partenaires » européens), et permettrait, grâce au surplus de travail supposément dégagé, de dégager des marges de manœuvre pour de futures dépenses, à commencer par les services publics.
« Il ne se lève pas tous les matins en pensant à la réforme des retraites, mais il pense que c’est la condition pour ensuite faire autre chose », décrypte un ex-conseiller élyséen resté dans les parages. Même si, dans sa majorité, on tire un peu la langue. Un député Renaissance soupire : « On avait tous envie de faire plutôt la première réforme, celle du système universel », interrompue par le Covid-19 en 2020.
« DE LA CONNERIE EN BARRES ! »
Deuxième erreur : (très) mal présenter la réforme. Le gouvernement s’est accroché à un discours minimisant les efforts demandés, jusqu’au ridicule. On l’a ainsi entendu vanter « une réforme équilibrée et juste » (Élisabeth Borne), « une réforme de gauche » qui « ne fera pas de perdants » (Olivier Dussopt)… « C’est de la connerie en barres ! », se désespère un dirigeant du MoDem. Encore un peu, et l’exécutif assurait aux Français que travailler plus était une bénédiction…
« Il fallait dire les choses plus directement, peste un cadre du parti présidentiel. Il faut faire des efforts car on a besoin de faire rentrer de l’argent, mais les efforts sont neutralisés pour ceux pour lesquels ce n’est pas supportable, c’est-à-dire quatre Français sur six. »
marianne