Une étude publiée jeudi souligne la présence de PFAS, des substances chimiques de synthèse potentiellement dangereuses pour la santé, dans les emballages et couverts jetables de l’industrie européenne du fast-food. Un nouveau rappel de l’omniprésence de ces « pollueurs éternels » très prisés par l’industrie.
Vous prendrez bien un peu de PFAS avec votre hamburger ou votre barquette de frites ? McDonald’s, KFC, Subway et d’autres enseignes de fast-food ou de snacking se retrouvent sur la sellette en Europe. Leurs emballages, cartons à pizza ou encore couverts jetables contiennent très souvent des composés chimiques potentiellement dangereux pour la santé et néfastes pour l’environnement, a conclu une étude menée par neuf ONG européennes en collaboration avec deux laboratoires d’analyses indépendants et dont les résultats ont été publiés jeudi 20 mai.
Derrière l’acronyme cryptique de PFAS se cache une grande famille de plus de 4 000 composés chimiques créés par l’homme au nom tout aussi barbare : les substances perfluoroalkylées. « Elles ont toutes des similarités structurelles mais aussi des différences qui vont avoir un impact sur leurs propriétés toxiques », explique Fabrizio Pariselli, toxicologue et directeur de l’unité de prévention du risque chimique au CNRS, interrogé par France 24. « Certaines se présentent, par exemple, sous forme gazeuse, d’autres sont liquides ou encore solides », précise Ian Cousins, chercheur à l’université de Stockholm et l’un des principaux spécialistes européens de ces substances, contacté par France 24.
Danger pour le système immunitaire
Ces PFAS sont très prisées depuis des décennies par l’industrie car « elles ont un très bon effet protecteur des matières contre les liquides, comme l’eau ou la graisse », précise Ian Cousins. Elles ont été utilisées par les constructeurs de poêle, les fabricants de manteau ou de tapis et se retrouvent aussi dans des secteurs de pointe comme l’aéronautique. Dans l’industrie alimentaire, ces composés chimiques permettent, par exemple, de protéger les emballages contre la graisse.
Mais elles sont aussi honnies par une partie de la communauté scientifique et mettent les régulateurs mal à l’aise. L’ingestion de PFAS – qui « contaminent » les aliments lors de leur contact avec l’emballage par exemple – n’est pas sans danger. Leur présence et leur accumulation dans le corps ont été liées depuis longtemps par les travaux scientifiques à un large éventail de risques pour la santé – problèmes thyroïdiens ou de fertilité, cancers des reins et des testicules, ou encore augmentation du niveau de cholestérol dans le sang. Certains effets néfastes potentiels, « comme le rôle de perturbateur endocrinien ou le lien avec des cancers, existent même lorsqu’il n’y a qu’une très faible quantité de ces substances dans l’organisme », note Fabrizio Pariselli.
Surtout, des travaux récents ont démontré que leur accumulation dans l’organisme pouvait affecter la réponse immunitaire. En d’autres termes, « cela peut potentiellement rendre les vaccins moins efficaces, ce qui est d’une actualité brûlante avec la pandémie de Covid-19 », souligne Ian Cousins.
Ce sont ces conclusions notamment « qui ont poussé l’Autorité européenne de sécurité des aliments à revisiter ses recommandations quant au recours aux PFAS l’an dernier », remarque Jacob de Boer, chercheur en chimie environnementale et toxicologue à l’université d’Amsterdam, contacté par France 24. En septembre 2020, cette agence a décidé de diviser par plus de 2 500 le seuil d’exposition tolérable aux PFAS par rapport à la précédente évaluation, qui remontait à 2008. « Ce qui signifie que toute la population européenne a, probablement, des niveaux plus élevés que ce qui est ‘tolérable’ de ces substances dans le corps », résume le spécialiste néerlandais.
Des PFAS de « nouvelle génération » ?
Mais manger une barquette de frites ne va pas rendre l’amateur de fast-food insensible aux vaccins contre le Covid-19 du jour au lendemain. « Il faut une exposition très forte pour que les effets les plus nocifs se fassent ressentir », estime Ian Cousins. En outre, les PFAS découverts par les ONG dans les emballages et pièces de vaisselle jetables ne font pas partie des plus dangereux pour la santé… qui ont, eux, été interdits.
« L’industrie a, depuis une dizaine d’années, recours à des PFAS de ‘nouvelle génération’, présentés comme moins nocifs, notamment parce qu’ils sont éliminés plus rapidement par le corps, ce qui réduit les risques liés à l’accumulation », explique Ian Cousins. Les anciennes substances perfluoroalkylées pouvaient rester des années dans le corps, alors que celles utilisées aujourd’hui « peuvent disparaître en quelques semaines ou mois », précise l’expert de l’université de Stockholm.
Ce qui ne les rend pas inoffensifs pour autant, malgré ce que peuvent prétendre les industriels. « On manque encore de données scientifiques pour pouvoir affirmer que les nouvelles PFAS sont vraiment moins dangereuses pour la santé », souligne Ian Cousins.
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Le « cercle vicieux » du « polluant éternel »
Toutes les PFAS, anciennes comme nouvelles, conservent cette autre caractéristique qui leur vaut une sombre réputation de « polluant éternel ». « Elles ne se dégradent pas une fois relâchées dans la nature, ce qui fait qu’elles peuvent continuer à s’accumuler indéfiniment dans l’environnement », explique Jacob de Boer.
D’où le risque du « cercle vicieux pour l’homme », note Fabrizio Pariselli. Une fois l’emballage du hamburger jeté, ces substances vont continuer à exister dans la nature et, potentiellement, polluer les rivières, avant de revenir dans les assiettes par le biais des poissons ou dans les verres par l’intermédiaire de l’eau courante. Même si le corps évacue plus vite les « nouvelles PFAS », les individus risquent donc d’être exposés en permanence à ces composés chimiques de synthèse.
Et qui sait ce que la recherche va encore découvrir à leur sujet ? Pour Ian Cousins, c’est comme une bombe à retardement. Les PFAS s’accumulent dans la nature et « si un jour, on met au jour d’autres effets nocifs, il sera trop tard pour revenir en arrière car il sera impossible de se débarrasser de toute cette pollution », résume-t-il.
C’est pourquoi les « Pays-Bas et d’autres pays du nord de l’Europe ont proposé que l’Union européenne bannisse tout recours à ces PFAS », note Jacob de Boer. Pour le spécialiste néerlandais, c’est une évolution « inéluctable dans les deux à trois prochaines années ». D’autant que dans la plupart des utilisations courantes, il est possible de trouver des alternatives. Le Danemark interdit ainsi depuis mai 2020 d’utiliser les « PFAS » pour les emballages alimentaires… et cela n’a pas fait disparaître les hamburgers.
Source: france24.com
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