Plus d’un million d’enfants au Burkina Faso sont actuellement affectés par les fermetures d’établissements scolaires avec 6 134 institutions académiques fermées en février 2023, soit une augmentation de plus de 40% depuis la fin de l’année scolaire passée. Près d’une école sur quatre dans le pays est désormais hors service en raison de l’insécurité et de la violence endémiques qui ont forcé près de 2 millions de personnes à se déplacer.
À la veille de la conférence de haut niveau sur l’Education en Situations d’Urgence organisée par la Commission Européenne et le Fonds des Nations Unies pour l’Enfance à Bruxelles, le Conseil Norvégien pour les Réfugiés (NRC) avec le Cluster Education et le FONGIH, deux entités regroupant 86 organisations humanitaires nationales et internationales opérant dans le pays, alertent sur l’urgence d’accroître les capacités éducatives pour accueillir les enfants laissés pour compte, qu’ils soient déplacés à l’intérieur du pays ou qu’ils vivent dans des zones enclavées.
« Seul un quart des enfants impactés ont été réaffectés dans des nouvelles salles de classe. La majorité d’entre eux n’ont pas retrouvé d’accès à l’éducation, ce qui les prive de leur vie d’enfant et diminue leur chance de devenir des adultes et des citoyens indépendants », a déclaré Hassane Hamadou, directeur de NRC au Burkina Faso. « Plus cette situation perdure, plus elle s’aggrave, plus il sera difficile d’inverser la tendance et de protéger leur avenir. Les autorités du Burkina Faso et les acteurs humanitaires et du développement doivent de toute urgence redoubler d’efforts pour stopper cette hémorragie éducative. »
Sur huit écoles, seules deux sont opérationnelles à Pama, ville sous blocus à l’Est du pays. Cette région est, avec le Sahel et la Boucle du Mouhoun, l’une des trois régions où le nombre de fermetures d’écoles est le plus élevé. A Pama, six enseignants et quelques volontaires servent plus d’un millier d’enfants. « Nous sommes restés là par engagement personnel et par humanisme, » a récemment expliqué l’un d’entre eux à NRC.
« L’éducation est un droit universel pour tous, donc c’est notre devoir de continuer. Mais nous ne sommes pas épargnés par la peur. Souvent, on est obligé d’arrêter les cours parce qu’il y a des tirs par ci, par là. La menace est toujours pesante, et les conditions sont difficiles. Mais on peut et on doit relever ces défis car il faut venir en aide à ces enfants qui n’ont pas souhaité vivre cette situation. »
Plus de 31 000 enseignants ont été touchés par la crise de l’éducation au niveau national, dont environ 6 300 redéployés jusqu’à présent dans des écoles accueillant un grand nombre d’élèves déplacés à l’intérieur du pays. La réouverture ou la délocalisation d’environ 300 écoles depuis janvier constitue un pas dans la bonne direction. Il est essentiel d’accroître le recours au doublement des créneaux scolaires dans les écoles en activité, d’installer davantage de salles de classe lorsque cela est possible et d’accélérer la réaffectation des enseignants sur de nouveaux sites dans les zones de déplacement.
La crise a un impact disproportionné sur les filles. Une étude menée par Plan International a révélé qu’elles courent 2,5 fois plus de risques d’être déscolarisées que les garçons dans une situation de crise. Parallèlement, les efforts entrepris pour aider les enseignants à répondre aux besoins psychosociaux croissants d’élèves souvent traumatisés par les déplacements et les conflits doivent être poursuivis et généralisés à l’échelle nationale.
« L’insécurité explique en grande partie pourquoi tant d’écoles ferment, mais l’insécurité alimentaire dans les régions du Sahel et de l’Est constitue également un facteur d’abandon scolaire, » a déclaré Yembuani Yves Ouoba, directeur de l’association Tin Tua. « Garantir l’approvisionnement des cantines dans les écoles et les centres d’éducation non formelle est aussi un moyen efficace de maintenir les enfants dans le système éducatif. »
« Nous assistons à un assaut accéléré contre l’éducation. Les enseignants sont menacés et les parents ont peur. Ce sont les enfants qui paient le plus lourd tribut. Lorsqu’un enfant n’est pas à l’école, il risque davantage d’être exploité, d’être victime de violences et de trafics, voire d’être recruté par des groupes armés », a déclaré la représentante de l’UNICEF au Burkina Faso, Sandra Lattouf.
« Nous nous félicitons du partenariat efficace et du travail réalisé avec le Ministère de l’Education Nationale, de l’Alphabétisation et de la Promotion des Langues Nationales, qui permet d’améliorer l’accès à l’éducation dans des situations difficiles. Nous devons agir maintenant pour ne pas perdre la prochaine génération et redoubler d’efforts pour renforcer les solutions d’urgence et d’éducation alternative. »
Les parties au conflit doivent faire plus pour protéger les infrastructures scolaires contre les attaques et ne pas occuper les bâtiments académiques. Nous saluons l’arrêté interministériel à venir visant à mettre en place des comités nationaux et régionaux chargés de la mise en œuvre de la Déclaration sur la Sécurité dans les Ecoles, et espérons qu’ils contribueront à faire des écoles un lieu sûr pour tous les enfants burkinabè.
Les faits chiffrés:
À la fin du mois de février 2023, 6 134 écoles étaient fermées au Burkina Faso, soit une augmentation de 44% depuis mai 2022 (4 258). Cela représente 24% de l’ensemble des structures académiques du pays. (Source : Rapport Mensuel Statistique du Ministère de l’Éducation sur l’éducation en situation d’urgence du 28 février 2023).
Le nombre d’écoles fermées dans les autres pays d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique Centrale pour cause d’insécurité s’élève à : 1 762 au Mali, 1 344 en RDC, 878 au Niger, 3 285 écoles au Cameroun, 181 au Nigéria, 13 en République centrafricaine et 134 au Tchad. (Source : Unprecedented School Closures Jeopardise the Future of Millions in West and Central Africa, NRC, UNHCR, UNICEF, Education Cannot Wait, March 2023).
Les régions de la Boucle du Mouhoun, de l’Est et du Sahel au Burkina Faso sont les plus touchées par les fermetures d’écoles et accueillent chacune entre 1000 et 1200 écoles fermées. (Source : Rapport Mensuel Statistique précédemment cité).
Les fermetures d’écoles affectent 1 050 172 élèves ainsi que 31 077 enseignants. Parmi ces enfants, 262 388 ont réintégré une classe formelle (Source : idem).
Les filles sont 2,5 fois plus exposées au risque de déscolarisation que les garçons en situation de crise selon une étude réalisée en 2020 au Mali et au Burkina Faso (« Adolescent girls in crisis, voices from the Sahel », Août 2020, Plan International).
Deux écoles sur huit sont opérationnelles à Pama, avec 6 enseignants titulaires et 6 volontaires pour plus de 1 000 enfants (Source : Interviews d’enseignants à Pama, NRC, mars 2023).
unicef