La France demeure le premier consommateur de cannabis en Europe. Les politiques semblent impuissants, les policiers sont quotidiennement mis en danger dans le cadre de la lutte contre le trafic. Il est temps d'arrêter l'hypocrisie. Et si Emmanuel Macron osait enfin être « disruptif » en entérinant la légalisation ?
Éric Masson l’a payé de sa vie. Le mercredi 5 mai, le brigadier de 36 ans, père de deux petites filles, a été tué lors d’un contrôle autour d’un point de deal. Le trafic de cannabis ne pourrit plus seulement la vie de quartiers entiers, il met en danger des policiers pour qui chaque mission, même la plus anodine, peut tourner au drame. Les chiffres sont effarants. La France est le premier consommateur en Europe, et quelque 240 000 personnes interviennent dans ce trafic, de la tête de réseau au petit guetteur occasionnel.
Depuis des décennies, les politiques semblent impuissants, dépassés. De ceux qui appellent à l’intervention de l’armée à ceux qui, comme l’actuel gouvernement, expérimentent une amende unique à 200 € pour désengorger les tribunaux. Un train de retard, et la gangrène qui s’installe. Qui gagne tous les membres du corps social. Quel message peut porter la République quand la méritocratie est piétinée au pied de chaque immeuble et qu’un gamin de 11 ans gagne en quelques heures ce que son frère ou son père ne peut gagner par son travail et ses diplômes ? Quand une loi est bafouée quotidiennement, aussi bien par des jeunes défavorisés que par des petits-bourgeois qui s’encanaillent et se moquent comme d’une guigne d’entretenir un trafic et d’enrichir des ordures, c’est l’idée même de loi qui est fragilisée.
LE « PÉTARD » N'A RIEN DE FESTIF
Le vieux slogan des années 1980 repris par Gérald Darmanin, « la drogue, c’est de la merde » suffit-il à clore toute discussion ? Depuis vingt ans, chaque ministre de l’Intérieur prétend amplifier la « lutte contre les trafics ». Sans le moindre résultat probant, mais en mobilisant les forces de l’ordre comme on leur demanderait de vider l’océan avec une petite cuiller.
Évidemment, tout discours qui consiste à minimiser le danger que constitue le cannabis est totalement irresponsable. N’en déplaise à Daniel Cohn-Bendit, le « pétard » n’a rien de festif. Il grille des neurones et entraîne chez beaucoup de jeunes une dépendance psychologique associée à une perte de volonté et des troubles de la concentration. Sans parler de ceux chez qui il déclenche dépression ou schizophrénie. Mais justement. Quelle prévention contre ces risques ? Quelle information auprès des jeunes ? Aucune, ou si peu, puisque c’est interdit et qu’ils ne sont pas censés en consommer.
LE STATU QUO N'EST PLUS TENABLE
Deux députés LREM, Caroline Janvier et Jean-Baptiste Moreau, ont tenté récemment de proposer un débat sur une légalisation avec filière d’État, en s’appuyant sur un rapport fouillé, fruit de centaines d’auditions. Fin de non-recevoir de l’exécutif. L’idée que le statu quo n’est tout simplement plus tenable semble pourtant progresser. Et, sans afficher des certitudes – bien présomptueuses sur un tel sujet –, il serait temps d’innover. D’être « disruptif » pour reprendre le mot cher à Emmanuel Macron, ce président dont on peine à savoir si son conservatisme en la matière tient à des convictions solides ou à une absence totale de conviction et d’intérêt pour un problème pourtant majeur.
Une légalisation (et non une dépénalisation, parfaitement inutile et qui maintiendrait le statu quo) avec monopole d’État aurait des conséquences vertigineuses. La première, sans doute : un immense coup de pied dans la fourmilière des banlieues. Le politique, enfin, cesserait d’acheter la paix sociale. Allons même plus loin : les gouvernants, au pied du mur, devraient enfin se demander comment faire vivre ces banlieues, comment y créer de l’emploi, comment offrir à leurs habitants un avenir dans la République. Rien que pour cela, pour ce coup d’arrêt à l’hypocrisie magistrale qui gangrène la France, il serait temps d’y réfléchir.
Source: marianne.net
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