Des chercheurs ont développé une nouvelle technique qui permet de prévoir l’emplacement de biosignatures dans des environnements hostiles, sur Terre ou sur d’autres planètes.
La recherche de traces de vie sur d’autres planètes telles que Mars ou Encelade est une quête scientifique fascinante, mais c’est aussi un travail essentiellement empirique qui nécessite énormément de temps et d’efforts. Pour faciliter cette entreprise, des chercheurs américains ont misé sur une technologie très en vogue ces derniers temps : l’intelligence artificielle.
En effet, trouver des traces de vie sur une autre planète n’est pas une mince affaire. Cela équivaut à chercher une aiguille microscopique dans une gigantesque botte de foin. Et pour progresser dans ce sens, il faut employer des moyens considérables.
Cela passe notamment par le déploiement d’engins à la pointe de la technologie. On peut notamment citer l’incontournable Perseverance, le rover qui collecte en ce moment des échantillons sur Mars. Malheureusement, même les engins de ce genre ne suffisent pas.
L’aiguille et la botte de foin
Pour commencer, les missions de ce genre sont à la fois difficiles et extrêmement chères à organiser. Cela empêche les agences spatiales d’en envoyer plusieurs sur chaque planète. De plus, ces engins sont relativement lents. Même le vénérable Opportunity, qui a arpenté Mars pendant près de 15 ans, n’a parcouru qu’une quarantaine de kilomètres au total. On ne peut donc absolument pas espérer passer une planète entière au peigne fin avec ces machines.
De plus, pour déterminer dans quelle zone il serait intéressant d’envoyer ces machines, les agences spatiales doivent déjà s’appuyer sur une montagne de données collectées en amont.
Pour avancer, la priorité des chercheurs n’est donc pas de construire une armée de robots ; c’est avant tout de faire progresser la collecte et l’exploitation des données. La moindre avancée significative à ce niveau permettrait d’accélérer considérablement la recherche de biosignatures. Et c’est ce que les troupes du SETI Institute ont cherché à faire avec leur invention.
Une IA pour prédire l’emplacement des biosignatures
L’équipe de l’astrobiologiste Kim Warren-Rhodes s’est associée à Freddie Kalaitzis et Michael Phillips, deux physiciens des prestigieuses universités Oxford et John Hopkins, pour développer un nouveau système basé sur le machine learning.
L’algorithme en question part d’un simple cliché d’une surface. Il tente d’abord de deviner la composition chimique et la structure minéralogique. Il cherche ensuite à identifier des motifs récurrents qui pourraient correspondre à la présence de biosignatures. Pour résumer, les chercheurs veulent s’appuyer sur l’IA pour déterminer un ensemble de règles qui déterminent la probabilité de trouver des traces de vie à un endroit donné à partir de son aspect visuel
« Notre système nous permet de combiner le pouvoir de l’écologie statistique avec le machine learning pour découvrir et prédire des motifs et des règles selon lesquels la nature survit et se répartit elle-même dans les environnements les plus hostiles de la Terre », explique Warren-Rhodes dans un communiqué repéré par Space.com.
Des résultats très prometteurs
Pour tester ce genre de système, il faut impérativement avoir accès à ce qu’on appelle un contrôle positif. En d’autres termes, il faut trouver de vrais exemples de biosignatures pour entraîner l’algorithme à les reconnaître. Et puisque nous n’avons toujours pas retrouvé de tels exemples autre part que sur Terre, les chercheurs ont dû faire avec ce qu’ils avaient sous la main. Ils ont donc cartographié un environnement hostile qui présente certaines particularités avec les mondes extraterrestres : Salar de Pajonales, une région assez extrême du Chili.
En effet, la zone est un désert de sel. Cela suffit déjà à la rendre difficilement habitable pour la quasi-totalité des organismes, à l’exception de quelques espèces dites extrémophiles. De plus, à cause de son altitude importante, cet ancien lac est bombardé en permanence par un rayonnement ultraviolet relativement intense.
A partir de la cartographie réalisée par les auteurs, l’algorithme a pu apprendre à reconnaître ces fameux motifs compatibles avec l’apparition de la vie dans des environnements variés. Dans le cas de Salar de Pajonales, le système a réussi à localiser et à détecter les biosignatures attendues dans 87,5 % des cas. Elles étaient réparties dans des « points chauds biologiques » liés à la disponibilité en eau.
On peut aussi prendre le problème par l’autre bout. Au lieu de déterminer les zones qui pourraient abriter des traces de vie, on peut aussi exclure toutes celles qui semblent immédiatement incompatibles. D’après les auteurs, le programme pourrait réduire la surface d’exploration nécessaire de 97 %.
L’aube d’un grand progrès scientifique
Il s’agit de deux scores excellents qui rendent immédiatement cette technologie très prometteuse. En théorie, ce genre de système pourrait complètement révolutionner la façon de travailler des astrobiologistes en leur permettant de conduire des études plus poussées directement depuis l’orbite. Ils pourraient ainsi récupérer facilement des informations qui ne sont typiquement accessibles qu’aux rovers. Et surtout, ils pourraient le faire avec n’importe quel engin équipé d’une caméra assez performante, même s’il n’a pas été spécialement conçu pour la recherche de biosignatures !
Ils souhaitent donc que la méthode soit intégrée à des missions interplanétaires comme celle de Perseverance. Avec un algorithme de ce genre pour le guider, le rover pourrait se focaliser sur les zones les plus prometteuses. De quoi arriver à des résultats concrets beaucoup plus rapidement.
Avant d’en arriver là, l’équipe de Warren-Rhodes veut continuer à peaufiner son algorithme pendant quelque temps. Dans un premier temps, les chercheurs vont rester concentrés sur Salar de Pajonales. Ils veulent désormais tester si leur algorithme pourrait prédire correctement la présence de certains microfossiles.
Après cela, ils comptent notamment cartographier des sources chaudes, des échantillons de permafrost et d’autres vallées arides. Ils espèrent aussi que d’autres équipes vont améliorer leur technique en cartographiant d’autres environnements et biosignatures.
Et en plus d’entraîner l’algorithme, ces travaux pourront peut-être permettre de faire des découvertes intéressantes sur la microécologie terrestre. Ils pourraient par exemple mettre en évidence des conséquences encore inconnues du réchauffement climatique.
Cette technique semble infiniment prometteuse et déjà relativement proche de la maturité. Désormais, c’est surtout une affaire de collecte de données et d’entraînement de l’algorithme. Il sera donc très intéressant de suivre l’évolution de cette approche. Elle pourrait apporter de gros progrès en biologie, aussi bien sur Terre que sur d’autres planètes.
SETI Institute