Les trottinettes électriques en libre-service, une mobilité douce pour la planète ?

Depuis 2018, les trottinettes électriques en libre-service ont investi les rues de plusieurs villes de France et alimentent des débats constants. Saluées par certains comme une nouvelle « mobilité douce », elles sont aussi régulièrement décriées comme une « mauvaise solution », finalement « peu écologique ». Alors que Paris s’apprête à voter pour leur maintien ou non dans la capitale, France 24 décrypte leur empreinte écologique. 

Les trottinettes électriques en libre-service disparaîtront-elles bientôt des rues de la capitale ? Après cinq ans de débats, relancés à chaque accident, les Parisiens pourront voter sur l’interdiction ou non de ces véhicules lors d’une consultation citoyenne organisée dimanche 2 avril. Déployés depuis 2018, ils ne cessent de diviser l’opinion publique, présentés tantôt comme des nouvelles mobilités « pratiques » et « vertes », tantôt comme des « aberrations écologiques ».

La maire de Paris, Anne Hidalgo, s’est ainsi prononcée, en janvier, dans les colonnes du Parisien, en faveur de leur interdiction, dénonçant des engins « qui ne sont pas écolos ». Un argument aussitôt réfuté par le ministre délégué aux Transports, Clément Beaune : ll s’agit avant tout d' »un moyen de mobilité écologique », a-t-il assuré sur France 2 quelques jours plus tard. « On le sait, beaucoup ont renoncé au scooter polluant, voire à la voiture, pour prendre une trottinette. » À la veille de la consultation citoyenne, France 24 décrypte l’impact écologique de cette « mobilité douce ».

Des trottinettes de moins en moins polluantes

« Le principal problème, aujourd’hui, c’est leur fabrication, qui génère la majorité de leurs émissions de gaz à effet de serre », note Anne de Bortoli, chercheuse en carboneutralité et durabilité des transports et infrastructures à Polytechnique Montréal. En cause, les batteries en lithium qui leur permettent de rouler, mais surtout, les cadres en aluminium « dont la production est très énergivore », poursuit-elle.

Mais outre cette production polluante, le déploiement et l’exploitation des trottinettes électriques sont régulièrement pointés du doigt par les réfractaires. Parmi les critiques : des engins avec une durée de vie « trop courte » et des entreprises faisant primer « l’efficacité et la rapidité » plutôt que l’écologie. « C’était vrai en 2018, lorsque les premières trottinettes en libre-service sont arrivées dans la capitale », admet la spécialiste. « Le fonctionnement était chaotique. Treize opérateurs se partageaient 40 000 engins dans les rues de Paris et tentaient à tout prix de se faire une place dans un marché florissant. « 

« Mais depuis les choses ont beaucoup évolué » assure-t-elle. « Déjà, la première génération de trottinettes qui n’étaient pas du tout conçues pour un usage partagé – elles n’étaient pas assez solides et avaient une durée de vie très courte – ont été remplacées. Aujourd’hui, elles sont bien plus robustes et résistantes. »

En parallèle, le marché s’est organisé. Paris, comme plusieurs villes de France, a restreint le nombre de véhicules disponibles et réduit le nombre d’opérateurs autorisés à les déployer. Et face à cette concurrence moindre, « la gestion est devenue de plus en plus écologique », salue Anne de Bortoli. 

« En 2018, les trottinettes étaient collectées pour être rechargées par des ‘juicers’, des sous-traitants payés au nombre de véhicules récupérés, qui roulaient à bord de vans diesel vers des sites de recharge éloignés. L’impact environnemental était énorme », rappelle-t-elle. « Progressivement, les opérateurs ont remplacé ces vans par des véhicules électriques et privilégié des trottinettes à batteries amovibles, plus faciles à transporter. »

Un impact plus élevé que le métro mais plus faible que la voiture

« Ainsi, alors qu’en 2018, l’exploitation de la flotte de trottinettes représentait au moins 50 % de leurs émissions de CO2, aujourd’hui cette proportion tombe à 10 % », salue Anne de Bortoli. Et ces efforts se ressentent dans l’impact écologique. Selon les mesures de la spécialiste, l’empreinte carbone des trottinettes en libre-service s’élevait à 109 grammes de CO2 équivalent par kilomètre parcouru en 2019. Il a depuis diminué de moitié pour atteindre 60 grammes. 

« Aujourd’hui, on considère donc que les trottinettes en libre-service ont une empreinte écologique intermédiaire », poursuit Anne de Bartoli. Une trottinette partagée aura un impact environnemental plus élevé que d’autres modes de transport dits « doux » – elle pollue environ cinq fois plus qu’un vélo ou que le métro sur une distance équivalente – mais reste 3 à 4 fois moins polluante qu’un trajet en voiture.

L'empreinte carbone des modes de transport parisiens
L’empreinte carbone des modes de transport parisiens 

« Les pires modes de transport restent évidemment les bus diesel, la voiture et le taxi. Et le plus écologique de tous, ce sera toujours la marche », dit dans un sourire la spécialiste. 

Des trottinettes électriques, pour quels usages ? 

« Mais pour vraiment déterminer si un mode de transport est bénéfique pour la planète ou pas, il faut aussi regarder ce qu’il remplace », insiste Anne de Bortoli. « Évidemment, son usage sera d’autant plus vertueux s’il se fait au détriment d’un véhicule plus polluant. »

Et là, le bilan des trottinettes en libre-service semble en demi-teinte. Selon les résultats d’une enquête menée à Paris, en 2020, seulement 7 % des trajets en trottinettes partagées remplaçaient des déplacements qui auraient été faits autrement en voiture ou en taxi. Avec des distances parcourues excédant rarement les 2 km, les trottinettes remplacent plutôt la marche ou le métro. 

« Mais les trottinettes électriques, maniables et facilement pliables, sont aussi des outils parfaits pour inciter à moins utiliser sa voiture », ajoute Grégoire Hénin, vice-président de la Fédération des professionnels des micro-mobilités. « Et de plus en plus de personnes les utilisent pour rejoindre les transports en commun ou un covoiturage », salue-t-il.

« Sans compter qu’un autre argument plaide en faveur de ces véhicules partagés : outre les émissions de CO2, il faut aussi prendre en compte les autres urgences environnementales comme la pollution ou l’extinction de la biodiversité », poursuit Anne de Bortoli. Or, en n’émettant aucune particule fine à l’usage, la trottinette participe à lutter contre la pollution de l’air. »

La trottinette électrique personnelle, une option plus écologique

Finalement, pour ceux qui apprécient ce mode de déplacement, l’option la plus écologique est d’investir dans sa propre trottinette électrique. « On prend toujours plus soin de ses affaires… sa durée de vie est ainsi souvent plus longue, compensant davantage son coût environnemental », explique la spécialiste. Selon ses calculs, une trottinette électrique personnelle pollue ainsi cinq fois moins que son équivalent partagé.

« Mais c’est là aussi où les trottinettes en libre-service peuvent trouver un intérêt. Elles peuvent servir d’intermédiaire. L’usager découvre ce que c’est, peut tester l’engin, commencer à modifier ses habitudes et se rendre compte que cela lui convient », note Grégoire Hénin. Et effectivement, depuis 2018 et leur arrivée dans les rues, le marché a explosé. « 700 000 trottinettes ont été vendues en France en 2022. Et 35 millions de personnes en utilisent une au quotidien », détaille-t-il. 

Mais il reste un grand défi : que faire des trottinettes électriques en fin de vie et notamment des batteries au lithium ? Si la filière recyclage se développe concernant les cadres en aluminium, permettant notamment la mise en place d’une économie circulaire, celle concernant le lithium reste balbutiante. En 2022, seules 12 % des batteries ont été recyclées. 

FRANCE24

You may like