Invité ce mercredi devant les députés et les sénateurs pour s’expliquer sur l’usage de la force par les policiers et les gendarmes lors des manifestations contre la réforme des retraites ou à Sainte-Soline, le ministre de l’Intérieur a été vivement critiqué.
Le ministre de l’Intérieur a été auditionné pendant plus de deux heures sur la stratégie du maintien de l’ordre lors des manifestations contre la réforme des retraites et à Sainte-Soline. Depuis plusieurs semaines, les forces de l’ordre sont accusées de recourir excessivement à la force dans les opérations de maintien de l’ordre.
Ce mercredi, M. Darmanin était attendu au tournant par les parlementaires. Face aux accusations d’un usage disproportionné de la force, le ministre a maintenu sa ligne de défense et salué le travail des forces de l’ordre. « Depuis le 16 mars, on voit qu’il y a une poussée extrêmement forte des violences du fait de l’ultra-gauche », a-t-il déclaré.
Dans l’opposition, le seul soutien est venu du président des Républicains, Éric Ciotti. « Je crois que le devoir de la représentation nationale est d’apporter un soutien sans réserve aux policiers et aux gendarmes », a-t-il dit.
À gauche, on estime en revanche que le ministre de l’Intérieur est responsable de ces violences policières. Évoquant le cas de Sainte-Soline, durant lequel de nombreux manifestants, dont un est toujours entre la vie et la mort, et policiers ont été blessés, la députée LFI/Nupes a dénoncé « un désastre humain qui a été organisé ». « C’est 250 blessés parmi les manifestants et les forces de l’ordre. Ce désastre, c’est votre échec M. Darmanin. Vous ne réussirez pas à justifier votre recours systématique à une réponse strictement autoritaire et répressive », a-t-elle tancé.
Le député écologiste Benjamin Lucas, lui, a ciblé le comportement de Gérald Darmanin. « Ce [mercredi], c’était l’audition de Paris-Match. Vous savez, le poids des mots, le choc des photos. Mais M. le ministre, les mots ont un sens. Ici, M. le ministre de l’Intérieur, on est à l’Assemblée nationale, on doit avoir un débat sérieux et démocratique sur le maintien de l’ordre », a-t-il dit en référence à la présentation préparée par le ministre. Et en venant répondre aux députés, le ministre de l’Intérieur a trouvé une tribune pour faire passer son message.
Polémique sur la LDH
Une partie de son message a d’ailleurs créé la polémique. M. Darmanin a essuyé une nouvelle volée de critiques après sa réponse à une intervention du sénateur LR François Bonhomme, qui appelait à « cesser de financer des associations qui mettent en cause gravement l’État ».
Gérald Darmanin a alors évoqué la Ligue des droits de l’Homme (LDH), association fondée en 1898 et qui déploie notamment ces dernières semaines des observateurs citoyens lors de manifestations pour, entre autres, documenter le dispositif de maintien de l’ordre. Concernant l’ONG, il a déclaré que « la subvention donnée par l’État », « mérite d’être regardé[e] dans le cadre des actions qui ont pu être menées ».
« M. Darmanin, +les actions qui ont pu être menées+ par la LDH depuis plus de 120 ans sont la défense des droits et libertés de toutes et tous, ne vous en déplaise », a répliqué l’association dans un tweet.
M @GDarmanin "les actions qui ont pu être menées" par la #LDH depuis + de 120ans sont la défense des droits & libertés de ttes et ts, ne vous en déplaise, en particulier la défense de la liberté de manifester mise à mal par votre pol de maintien de l'ordrehttps://t.co/qs9KnQvLSt
— LDH France (@LDH_Fr) April 5, 2023
Identification des policiers: le Conseil d’État refuse d’imposer des mesures au ministère de l’Intérieur
Par ailleurs, le Conseil d’État a rendu ce mercredi une décision sur le maintien de l’ordre. Il a refusé d’imposer au ministère de l’Intérieur d’agir pour rendre effective l’obligation faite aux forces de l’ordre de porter leur matricule d’identification en intervention.
Depuis 2014, policiers et gendarmes doivent obligatoirement porter sur leur uniforme un numéro d’identification individuel dit RIO (référentiel des identités et de l’organisation), qui permet d’identifier un fonctionnaire, notamment en cas de dérapage. Estimant que les forces de l’ordre étaient rarement identifiés lors d’usage « injustifié ou disproportionné » de la force car ils ne portaient pas leur RIO, des ONG avaient saisi le Conseil d’État pour faire respecter cette règle. De son côté, la représentante du ministère de l’Intérieur leur avait rétorqué que ce phénomène était marginal et que les rappels de la consigne étaient très fréquents et donc qu’il n’était pas nécessaire de prendre de nouvelles mesures.
Le Conseil d’État a retenu ces arguments, tout en notant que l’instruction n’avait pas permis de déterminer « l’ampleur » du phénomène mais démontré que le port obligatoire du RIO n’avait « pas été respecté en différentes occasions », « en particulier lors d’opérations de maintien de l’ordre ». « Il appartient tant aux autorités hiérarchiques qu’aux responsables d’unité de rappeler et de faire respecter cette obligation », sous peine « d’une sanction disciplinaire », a toutefois rappelé le juge administratif.
Une décision qui est une « déception » pour Me Patrice Spinosi, de la LDH. « On est face à une administration qui reconnaît que certains membres des forces de l’ordre ne portent pas le RIO et pourtant il y a une absence de réaction de l’administration et du juge. C’est dommage. On pouvait espérer que le Conseil d’État serait plus ferme », a-t-il dit à RFI.
RFI