Le ministère, les syndicats et les cabinets indépendants fournissent régulièrement des chiffres de participation très différents lors des journées de mobilisation contre la réforme des retraites.
La nouvelle journée de grève et de manifestations contre la réforme des retraites ce jeudi a de nouveau été le théâtre d’une guerre des chiffres entre le ministère de l’Intérieur, les syndicats et les cabinets indépendants. Pour savoir combien de personnes défilent dans les rues, les différentes parties ont recours à leur propre technique.
570.000 manifestants partout en France selon le ministère de l’Intérieur, près de 2 millions selon la CGT.
Ce jeudi, la onzième journée de mobilisation interprofessionnelle contre la réforme des retraites a de nouveau accouché de deux chiffres radicalement différents. Le 31 janvier dernier, alors que la préfecture de police de Paris avait comptabilisé 87.000 manifestants dans la capitale (500.000 selon la CGT), un troisième chiffre, avancé par le cabinet indépendant Occurrence, faisait état de… 55.000 personnes. Un résultat étonnamment bas qui avait suscité l’agacement de la gauche et des forces syndicales. Comment expliquer alors de telles différences alors que se profile une douzième journée de grève et de manifestations jeudi prochain ?
La technique du comptage à la main
Pour établir le nombre de personnes qui battent le pavé à chaque journée de mobilisation, chacune des parties utilise sa propre méthode. Celle des forces de l’ordre consiste à cibler trois ou quatre points du parcours et à compter les manifestants par groupes de dix en se plaçant en hauteur. Si l’on prend l’exemple de Paris, le chiffre définitif, communiqué par la préfecture de police, découle de la moyenne ainsi obtenue. « Le problème, c’est qu’il n’y a pas de transparence sur le processus utilisé par la préfecture. On n’a pas le compte-rendu des agents de terrain. On n’a pas le détail qui permettrait de vérifier qu’il n’y a pas anguille sous roche », regrette Laurent Frajerman, historien spécialiste des mouvements sociaux.
De leur côté, les syndicats se montrent généralement peu bavards au moment d’évoquer leur technique de comptage. La plupart du temps, ils ont recours à des militants sur toute la longueur des cortèges. Ces derniers comptent une à une les lignes de manifestants qui défilent devant eux tout en estimant approximativement le nombre de personnes qui les composent. L’estimation finale est établie en fonction du produit de ces deux chiffres. À l’instar du processus adopté par la préfecture de police, cette technique se base sur un schéma de manifestation-type où les participants progressent de façon linéaire dans le cortège tout en restant dans leur rang. « Ce modèle ne tient pas compte du fait que des gens vont circuler tout au long de la manifestation », fait remarquer Laurent Frajerman.
Le cabinet Occurrence a recours à la technologie
Enfin, une troisième méthode, plébiscitée par le cabinet indépendant Occurrence, fait appel à des outils technologiques permettant, a priori, d’obtenir des résultats plus fiables que le bon vieux comptage manuel. Pour y parvenir, une ligne virtuelle est dressée au milieu du cortège et un capteur décompte tous les manifestants qui la franchissent. Un système déjà utilisé dans les aéroports, les fanzones ou encore les grands magasins pour compter le nombre de visiteurs. « Cela part d’une bonne idée mais ces derniers temps, Occurrence a souvent donné les mêmes chiffres que la préfecture de police. Ou alors des chiffres bien plus bas. Je pense qu’ils ont un problème de précision lorsque la densité est trop importante », estime Laurent Frajerman.
Une défaillance qu’Assaël Adary, président de ce cabinet indépendant, reconnaît volontiers. « C’est pour cela que nous corrigeons avec un comptage manuel », précise-t-il dans les colonnes du Figaro. Une guerre des chiffres qui devrait à nouveau se manifester jeudi prochain.
EUROPE1