Pâques responsable de la déforestation ouest-africaine ?

Par une étude en forme de buzz pré-pascal, des scientifiques de l’Université catholique de Louvain démontrent les responsabilités de la filière cacao dans la déforestation en Afrique de l’Ouest.

« Comment les œufs de Pâques détruisent les forêts d’Afrique de l’Ouest » : en pleine semaine sainte des chrétiens pratiquants, le titre d’un communiqué de l’UCLouvain fait mouche. Et inutile de qualifier la formule de « christianophobe », l’acronyme de l’université belge francophone contenant le « C » de « catholique » et le concept d’œufs en chocolat n’étant guère connu des textes les plus saints de la chrétienté…

Traditionnellement, de vrais œufs étaient décorés pour la commémoration de la résurrection du Christ, notamment pour une raison prosaïque : la période de carême voyait s’accumuler, dans les basses-cours, les fruits de la ponte. Ce n’est qu’à l’époque contemporaine que l’œuf est devenue sculpture en chocolat et Graal d’un jeu dominical de cache-cache, dans les pays tempérés. Dans son communiqué publié ce 4 avril, c’est bien le secteur du cacao qu’entend cerner l’UCLouvain.

Une équipe de scientifiques de l’université a tenté de tracer les chaînes d’approvisionnement en Côte d’Ivoire, le premier pays producteur mondial de fèves, aboutissant à une étude publiée par la revue trimestrielle Environmental Research Letters. Il en ressort justement « un manque criant de traçabilité et de transparence », toute choses qui contribuent de facto à la déforestation en Afrique de l’Ouest.

Selon les données cartographiées de l’initiative de transparence « Trase » spécialisée dans le commerce international et le financement des produits agricoles de base, moins de 45% des exportations de cacao peuvent être tracées jusqu’aux coopératives de producteurs. Pour le reste, les négociants brouilleraient les pistes en « s’approvisionnent indirectement auprès d’intermédiaires », sans divulguer la liste précise des fournisseurs, ce qui gêne aux entournures les grands chocolatiers –notamment européens– qui se sont engagés dans des politiques de « zéro déforestation », la traçabilité à 100% ne concernant que les approvisionnements directs.

Rien qu’en Côte d’Ivoire où la vente du cacao représente un tiers des revenus à l’exportation du pays, les cacaoyères auraient remplacé 2,4 millions d’hectares de forêt entre 2000 et 2019, notamment, pour un quart dans des zones classées et des aires protégées. Selon l’étude de l’UCLouvain, la culture du cacao serait responsable de 45% de la déforestation qui a eu lieu dans le pays lors de ces deux décennies. En 60 ans, c’est pas moins de 80% de ses forêts que la Côte d’Ivoire a perdus…

Comme souvent, le problème est moins un manque de législation qu’une application défaillante des lois. Même affiché, le caractère « éthique » ou « durable » de certains produits chocolatiers ne serait pas toujours fiable. Le chocolat des œufs de Pâques aura-t-il un goût particulièrement amer cette année ?

jeuneafrique

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