La Journée mondiale de la santé a été un moment idéal pour réfléchir à la signification de la « Santé pour tous » sur le continent africain.
En 2015 et 2017, l’Assemblée mondiale de la santé (AMS) a adopté la résolution 68.15 et la décision 70(22). Ces résolutions reconnaissent les soins chirurgicaux et anesthésiques comme essentiels à la Couverture Sanitaire Universelle (CSU) et attendent du directeur général qu’il rende compte des progrès de leur mise en œuvre.
Si des progrès considérables ont été réalisés au niveau international pour améliorer la pratique des soins chirurgicaux et anesthésiques, les choses n’ont malheureusement pas progressé de la même manière sur le continent africain. Une intervention chirurgicale qui transforme la vie a un impact considérable, non seulement sur le patient, mais aussi sur le personnel soignant, la famille, la communauté et au-delà.
Il est aujourd’hui plus important que jamais de se demander comment améliorer la situation.
La chirurgie a été négligée et c’est un énorme problème en Afrique. Pour que la « Santé pour tous » devienne une réalité, l’accès à des interventions chirurgicales sûres, rapides et abordables ainsi qu’à une formation continue en chirurgie doit devenir une priorité. En réalité, très peu de personnes sur le continent africain bénéficient de l’intervention chirurgicale vitale dont elles ont besoin. Une étude de l’ASOS a montré que le nombre d’opérations chirurgicales réalisées dans 25 pays d’Afrique était 20 fois inférieur au volume chirurgical nécessaire pour répondre aux besoins chirurgicaux essentiels d’un pays chaque année (défini comme 5 000 opérations pour 100 000 personnes). Les patients africains en chirurgie ont également deux fois plus de risque de mourir après une intervention planifiée que la moyenne mondiale, 94,1 % de ces décès survenant dans les 24 heures suivant l’opération.
La couverture sanitaire universelle (CSU) signifie que tous les individus reçoivent les services de santé dont ils ont besoin sans conséquences sur leur budget. Elle comprend l’ensemble des services de santé essentiels et de qualité, de la promotion de la santé à la prévention, en passant par le traitement, la rééducation et les soins palliatifs.
Pour y parvenir, un certain nombre d’éléments doivent être mis en place. Tout d’abord, nous avons besoin d’un leadership politique fort qui donne la priorité à l’accélération de l’accès aux soins chirurgicaux, obstétricaux et anesthésiques dans toute l’Afrique – non seulement parce que cette préoccupation est essentielle, mais aussi parce que, d’un point de vue socio-économique, l’Afrique a intérêt à le faire. Je crois que le virus COVID-19, comme aucune autre crise, a démontré le coût économique de la mauvaise santé d’une population.
Nous devons également renforcer l’éducation, non seulement des chirurgiens et des médecins, mais aussi de la population africaine, afin qu’elle comprenne ses droits fondamentaux en matière de soins. En éduquant les individus et les communautés, ils seront en mesure d’exiger l’accès aux services de santé dont ils ont besoin, sans tomber dans les difficultés financières, ou perdre la vie parce qu’ils ne savaient pas que leur maladie pouvait être traitée chirurgicalement, et en connaissant les modalités de l’accès à ces soins chirurgicaux nécessaires.
La nécessité d’accélérer l’accès des femmes aux soins chirurgicaux obstétriques et non obstétriques est un sujet qui me préoccupe particulièrement. Lorsque je passe devant la file de patients qui attendent de monter à bord d’un navire de Mercy Ships, je suis toujours frappée par le peu de femmes qui viennent pour leurs propres soins. Les femmes que je vois jouent clairement le rôle d’accompagnantes, venant soutenir des membres de leur famille.
Nous avons constaté une amélioration des résultats en matière d’obstétrique, car davantage de femmes ont accès à des césariennes sûres. Mais il est nécessaire de se concentrer sur un éventail plus large de pathologies et de prestations de santé qui pourraient avoir un impact plus positif sur la vie des femmes. Nous devons également nous assurer que, lorsque des fonds sont alloués aux soins en général, une partie d’entre eux est destinée aux soins des femmes, plutôt que de leur consacrer uniquement les fonds restants.
Je ne dis pas qu’il faut oublier les hommes. Je dis que des soins chirurgicaux sûrs en général sont extrêmement importants, et qu’ils le sont aussi bien pour les hommes que pour les femmes. Tout le monde mérite un niveau minimum de soins de santé. Je suis toujours étonnée de constater que la santé n’est souvent pas considérée comme une question de développement national, alors qu’elle est aussi importante que la sécurité, le développement économique, la nutrition, la défense, parce qu’elle est à la base de chacune de ces questions.
La « Santé pour tous » signifie précisément cela : que chaque homme, chaque femme et chaque enfant doit pouvoir accéder à des soins chirurgicaux et postopératoires de grande qualité, quelque soient son âge, sa race, son appartenance ethnique, son sexe, ses revenus ou sa religion.
Nous devons relever le niveau des attentes sur le continent, nous tenir mutuellement responsables et accélérer l’accès à des soins chirurgicaux, obstétricaux et anesthésiques de qualité dans toute l’Afrique. C’est possible car de nombreux gouvernements mettent concrètement en œuvre des plans stratégiques au lieu de se contenter d’en parler, et des organisations incroyables comme Mercy Ships fournissent gratuitement une formation chirurgicale continue ainsi que des soins chirurgicaux sûrs aux patients des pays qu’elles desservent. Cela représente un impact significatif sur le continent africain. Mais nous devons faire plus.
Parler de « Santé pour tous » ou de « Soins chirurgicaux pour tous » ne doit pas se limiter à énoncer des slogans ; il faut les formaliser de façon authentique. Des intentions réelles et des actions tangibles doivent suivre.
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